Algérie - Revue de Presse

La dimension éthique dans la transformation numérique Le préalable d'un vaste chantier


Publié le 22.03.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Ahmed Benzelikha*

Nombre d'intervenants, au plan de la réflexion théorique et de la mise en oeuvre pratique, résument la transformation numérique à des aspects techniques et organisationnels, inscrits, au mieux, dans un discours de bonnes intentions. Or les aspects éthiques liés à la transformation numérique sont d'ordre fondamental, pour l'assise de celle-ci, sa mise en place, sa réussite et son efficience. Notre présent propos va s'attacher à démontrer la pertinence d'une telle affirmation, exprimant plus une position de principe que technique ou juridique. Toute entreprise, au sens de projet en réalisation, exige une motivation, une vision d'avenir, un idéal à atteindre. Minorer ou ignorer une telle exigence et n'adhérer qu'à une approche techniciste serait, à notre opinion, obérer les chances de succès de son entreprise. Le numérique ou aujourd'hui le digital, s'il utilise les technologies les plus modernes pour faciliter des pans entiers de l'activité humaine peut être aussi et selon nos choix, un facteur agissant, encourageant ou dérogeant, à la dimension éthique de celle-ci. En effet, l'une des caractéristiques du numérique est de s'affirmer comme un mode d'organisation structurant. Sans aller dans le détail des différents schémas d'organisation, nous retiendrons que la transformation numérique, peut s'avérer un outil de changement non seulement des activités, mais aussi et surtout du fonctionnement organisationnel. Ainsi, par exemple, l'organisation dite bureaucratique peut être bousculée par cette transformation et remplacée par une organisation pyramidale ou cellulaire. C'est pourquoi d'ailleurs la résistance ou l'hostilité des tenants de l'organisation bureaucratique empêche souvent une réelle transformation n'en permettant qu'un simulacre formel qui, très rapidement atteint ses limites.

Obtenir les meilleurs résultats
Aussi, inscrire et faire obéir la transformation numérique à un ensemble de valeurs d'encadrement d'abord, puis de bonnes pratiques ensuite, à une sorte de charte, permet d'obtenir les meilleurs résultats, non pas tant sur le plan, essentiel, de l'éthique seulement, mais aussi sur le plan de l'efficience et de l'adaptabilité, en présidant aux choix et aux pratiques les plus conformes aux normes. Ainsi, si nous prenons l'exemple de la fonction inspection, des missions de contrôles et d'audits de sécurité et de management, nous observerons que la transformation numérique peut induire, en matière de gestion de l'administration ou de l'entreprise, une transformation en boîte noire ou l'apparition de niches grises, difficilement accessibles, du fait des concepteurs numériques, à bon ou à mauvais escient.
Ce qui, d'ailleurs, conduit, aujourd'hui, pour certaines entités, à faire appel à des cabinets externes spécialisés en numérique. Une démarche éthique, avec un cahier des charges assurant la transparence et la disponibilité, à l'intention des parties inspectrices habilitées, de l'ensemble des informations, y compris celles rattachées à la sécurité des systèmes, pour ne pas en faire la «chasse gardée» des seuls «informaticiens», d'où la nécessité, pour les organes d'inspection ou assimilés, de se doter de compétences numériques polyvalentes. L'alphabétisation numérique, qu'induit toute transformation dans ce domaine, se doit d'être menée en y incluant, dès l'énoncé des principes et intentions, un axe éthique non pas accessoire mais éminemment articulatoire en termes de bonne gouvernance. La transformation numérique se décline souvent sous ses aspects matériels en termes d'équipements et en termes d'inventivité et d'innovation sous ses aspects conceptuels. Nous proposons de joindre aux aspects que nous venons de citer les aspects éthiques, de manière à influer tant au niveau de l'amont conceptuel que de l'aval matériel, sur l'ensemble des choix et leurs réalisation matérielle.

Les réflexions actives
Quelles seraient ces valeurs qui constitueraient l'assise éthique de la transformation numérique? À notre opinion, ils seraient à chercher dans l'idée même de la transformation numérique. En l'occurrence on pourrait les dégager à partir des données suivantes : transformer équivaut à changer, or pour changer il faut disposer de capacités de constat et de projection d'une part et d'autre part de conviction et de volonté. Ainsi, conviction et volonté, concepts généraux se doivent d'être traduits en valeurs éthiques se déclinant, par exemple, sous forme de manuels de bonnes pratiques et de principes directeurs avec leur traduction dans le domaine numérique.
À cet égard le domaine des humanités numériques pourrait s'avérer un lieu de recherche dans cette perspective et constituer une heureuse jonction avec les sciences de gestion et les sciences informatiques, y compris selon une approche rappelant le principe numérique de sérendipité.
C'est ici, à cette jonction, que se situerait l'identification, le dégagement, sinon la conceptualisation des aspects techniques et juridiques nécessaires à la mise en oeuvre de ce volet éthique auquel nous appelons. C'est ici, aussi, que parler de gouvernance numérique ou de gouvernance dans l'absolu, constitue un enjeu majeur pour répondre aux enjeux éthiques. Car le monde numérique n'a pas seulement besoin d'un ENT - Espace numérique de travail, mais aussi, en usant d'un néologisme personnel, d'un EET- «Espace éthique de travail», capable de contrer les nombreux Malware, que, malheureusement, ne se résument pas tant à des logiciels malveillants qu'à l'esprit qui les a inspirés. Et c'est de cet esprit qu'il s'agit de se prémunir dans la transformation numérique en garantissant des inputs non seulement qualitativement positifs, mais aussi agissant activement tout le long du process, sous forme de protocoles insérés dans l'architecture informatique qui, elle-même, comme nous l'avons souligné plus haut, devrait obéir à des choix éthiques stratégiques.
Les enjeux de la dimension éthique de l'intelligence artificielle sont aujourd'hui fondamentaux, comme le prouvent les nombreuses actions développées à l'échelle internationale, notamment par l'Unesco. Les réflexions actives autour des projets opérationnels de la transformation numérique au niveau des domaines d'activité économiques et administratifs, ne sauraient être en retrait de tels enjeux. La transformation numérique constitue, à n'en point douter, une révolution, il s'agira, en l'occurrence de réussir cette révolution, tant sur le plan de la gestion que de la pratique et des perspectives, en l'ancrant dans un système à référentiel éthique, telle est l'exigence d'une transformation réussie numériquement et économiquement, mais aussi humainement, car l'humain est, d'abord, un être de valeurs.
*Écrivain, linguiste et financier algérien, spécialiste en communication.

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