Algérie - A la une

La complainte des petits vendeurs


Il règne une atmosphère presque irréelle à El-Harrach ce matin. Les premiers rayons du soleil peinent à percer l'épais brouillard suspendu au-dessus des quartiers où règne une agitation inhabituelle ce vendredi matin.Abla Chérif - Alger (Le Soir)- Des policiers en nombre bloquent les accès essentiels vers le célèbre marché aux puces. Depuis les années 1970 et peut-être même bien avant, l'activité des vendeurs rassemblés de l'aube à la prière du vendredi attire grand monde. Aux premières années de l'indépendance, «une sorte de fête régnait ici lorsque je debarquais encore adolescent avec mon père. On y trouvait tout ce que nous voulions à des prix très intéressants, les gens venaient très tôt mais pouvaient se reposer sous des tentes dressées spécialement pour la circonstance», se souvient un sexagénaire avec une pointe de nostalgie dans la voix. «A l'époque, j'étais particulièrement marqué par la présence des arracheurs de dents, des coiffeurs maniant avec une dextérité incroyable rasoirs et ciseaux, c'était tout un monde», se souvient encore l'homme. Ce matin, l'émotion étreint sa gorge. Il n'est pas encore six heures du matin. Adossé à un mur, il se fond dans un groupe de personnes venues comme lui à la recherche de marchandises intéressantes. Mais ce groupe, comme tant autres, n'est pas autorisé à passer ce matin. Des policiers disposés en grand nombre bloquent l'accès au marché. Certains d'entre eux rappellent aux marchands avoir été informés de la décision de fermer le marché. Plusieurs de ces derniers ont, cependant, décidé de ne pas obtempérer. A cinq heures du matin, nous diton, les vendeurs ont commencé à s'installer dans un naïf espoir de mettre les forces de l'ordre devant le fait accompli. Conséquence : des marchandises saisies, des interpellations mais aucun affrontement. «Les gens qui viennent vendre ici ne sont pas des voyous, juste des personnes qui veulent boucler leurs fins de mois», marmonne un retraité. Aujourd'hui, il a amené avec lui une chignole héritée d'un vieil oncle. D'une main de maître, il a su redonner à l'objet datant de plus de plusieurs années un certain éclat. Il avoue que c'est l'une des plus grosses pièces qu'il lui ait été donnée de vendre. L'occasion surtout de se faire un peu plus d'argent que d'habitude. Et d'habitude, ses gains dépassent rarerement les 800 DA. «Chaque vendredi, je venais ici vendre une vieille chemise, parfois des cahiers non utilisés, bref tout ce que pouvais acquérir. Les gens qui ont de l'argent n'ont rien à faire ici». D'un geste de la main, il balaye le quartier où s'amoncellent des sachets d'ordures éventrés et nauséabonds. Ainsi tapis au coin de la rue, ce retraité replace nombre de petits marchands habitués des lieux, ne peuvent craindre la colère des policiers. Ces derniers répètent une fois de plus que le message a été passé il y a plusieurs jours aux petits commerçants. La tentative de résister en venant très tôt occuper les lieux était vaine, presque inutile. Les petits marchands n'avaient en réalité aucunement l'intention de croiser le fer. «La vie des pauvres est épuisante, il est bientôt six heures et la plupart d'entre nous sont déjà debout depuis deux ou trois heures, où trouver la force de résister, et puis à quoi bon se crever de fatigue pour ensuite aller en prison et abandonner nos enfants». Une question revient cependant sur toutes les lèvres : «Vont-ils désigner une autre place '» Une question à laquelle nul n'est en mesure de répondre à l'heure actuelle. Certains craignent cependant que ce marché subisse le même sort que celui du bétail fermé en 2014 suite à l'apparition de la fièvre aphteuse. Quatre années après, les autorités ont fait savoir que sa réouverture incombait directement à la commune qui craint, elle, de voir que la situation d'anarchie ne se reproduise. La fermeture du marché aux puces semble cependant répondre à d'autres objectifs. Il est, en effet, situé en aval du tristement célèbre oued El- Harrach où d'importants travaux se déroulent en prévision de l'inauguration de la Grande Mosquée d'Alger. La suppression du marché permettra ainsi d'adapter l'environnement immédiatement aux besoins des fidèles appelés à venir prier ici. Des piétonnières et des ponts élargis destinés à faciliter les déplacements font partie des travaux d'aménagement en cours à El-Harrach comme un peu partout à Alger Est. L'heure est cependant aux gros inconvénients. Sur l'autoroute en rénovation depuis le mois de juin dernier, le trafic est devenu impossible. Les automobilistes éprouvés par de longues heures d'attente (parfois 45 mn de la Grande Mosquée à Bordj ElKiffan) s'interrogent sur la lenteur des travaux en cours. Entamés à la fin du Ramadhan, le décapage et goudronnage sont partis du Pont des fusillés Bir-Mourad-Raïs pour n'arriver que cette semaine à l'entrée de Bab-Ezzouar...
A. C.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)