Algérie - A la une

«La bureaucratie étouffe toute action d'investir»



«La bureaucratie étouffe toute action d'investir»
-Malgré une nette évolution des indicateurs de production de médicaments en Algérie, les importations n'ont cessé de battre les records d'année en année. Comment expliquez-vous ce contraste 'Avant tout, il y a lieu de signaler que pour pouvoir commenter des chiffres, il faut avant tout les analyser. Nous demandons depuis de nombreuses années la publication des données, justement pour pouvoir analyser ces chiffres. Le plus étonnant est que certaines mesures sont prises sans analyse préalable des données. Pour le reste, si vous reprenez des recommandations que nous faisions en 2009, vous noterez qu'elles sont toujours d'actualité.Notre environnement est toujours aussi défavorable et il reste de nombreux freins au développement de notre industrie, bien que l'industrie pharmaceutique reste l'un des rares secteurs où l'Algérie couvre ses besoins à plus de 40%, alors que nous en étions à 5% il y a à peine 10 ans. Enfin, il faut savoir que la transition démographique et épidémiologique que vit notre pays explique l'augmentation de la consommation par habitant, qui n'est pourtant que de 60 euros par an aujourd'hui, alors qu'elle est de 200 euros au Liban, par exemple. Nos dépenses de santé ne peuvent que croître chaque année. Et si nous ne donnons pas à l'industrie nationale les moyens d'absorber cette croissance, les importations ne pourront qu'augmenter.-Il est clair que les blocages à l'investissement local ont limité les performances de l'industrie pharmaceutique algérienne, lequel facteur a été aussi, entre autres, parmi les paramètres ayant boosté les importations. Mais en toile de fond, y a-t-il d'autres entraves qui se dressent face aux producteurs 'Vous savez, il est désolant de constater que ceux-là mêmes qui sont censés encourager l'effort d'investissement constituent, peut-être malgré eux, le principal frein à l'acte d'investir. Einstein disait : «La bureaucratie réalise la mort de toute action.» En Algérie, la bureaucratie étouffe toute action dans l'?uf. Notre métier étant l'un des plus réglementés, vous pouvez en déduire que cette dernière s'en retrouve décuplée. Par ailleurs, plusieurs freins, tels que l'insuffisance de moyens humains et matériels dont souffrent les services de l'enregistrement, restent d'actualité bien que signalés à de nombreuses reprises et étayés de façon mathématique.-Et si l'on s'attarde un peu sur le cadre juridique régissant l'investissement dans le médicament, ne pensez-vous pas que l'essor de certaines lignes de métiers est tributaire d'une refonte de la législation 'Il y a parfois de quoi désespérer. Si vous reprenez nos déclarations d'il y a 10 ans, vous verrez que nous en sommes quasiment au même point. Il n'y a rien de plus démotivant que l'immobilisme. A titre d'exemple, l'agence des produits pharmaceutiques a été créée il y a plus de 5 ans, mais, dans les faits, elle n'a toujours pas vu le jour.Ceci met les gestionnaires dans une situation très délicate. Il est, en effet, difficile pour la direction générale de la pharmacie de se projeter dans l'avenir alors qu'une majorité de ses attributions devraient être reprises par une agence qui est devenue, aujourd'hui, l'Arlésienne. Il était clair que cette situation ne pouvait que déboucher sur l'immobilisme que nous vivons depuis de nombreuses années. Reprenez les déclarations des ministres de la Santé, ces dernières années, vous verrez que, chaque année, nous avons eu des promesses que l'agence débuterait ses activités avant la fin de l'année.Une autre situation difficilement tolérable est l'insuffisance des textes encadrant l'industrie pharmaceutique en Algérie. Une situation que nous signalons depuis de nombreuses années sans résultat concret, si ce n'est des promesses.Peut-être que la création de cette agence pourrait y remédier ' Sauf qu'elle tarde un peu trop à voir le jour. Il faut comprendre que dans un secteur aussi pointu que le pharmaceutique, l'investissement est quasiment impossible sans cadre réglementaire clair, transparent et visible. A titre d'exemple, comment pouvez-vous investir dans les biosimilaires alors qu'à ce jour, aucun texte de loi n'aborde ce secteur ' Le pharmaceutique est un secteur qui doit bénéficier d'un véritable «code de la route» afin d'éviter toute approximation. Nous le disons depuis toujours : la santé des Algériens est trop précieuse pour laisser place à l'improvisation.-Quel regard portez-vous sur les politiques en matière de santé publique 'Je vous renvoie à ma première réponse. Aucune politique de santé publique ne devrait être mise en place sans un véritable diagnostic. Et aucun diagnostic ne peut être fait sans une véritable analyse des données du secteur. Dans de nombreux secteurs, l'Algérie souffre d'un certain déficit en termes de collecte de données et, donc, d'analyse. Ceci est peu recommandable. Imaginez qu'un médecin prescrive un traitement sans poser de diagnostic de certitude préalable ; il se retrouverait à simplement traiter les symptômes alors que le mal originel continuerait d'évoluer et de se compliquer.-A l'UNOP, vous avez milité pour asseoir les conditions de transparence, de stabilité et de confiance à même de favoriser les investissements. Pouvez-vous nous en parler ' Pouvez-vous militer pour les mêmes valeurs dans d'autres organisations patronales activant sur la place d'Alger 'J'ai démarré le militantisme associatif à l'âge de 32 ans au sein de l'UNOP. Je partais du principe que'on a le devoir de tenter d'apporter sa modeste contribution au développement de notre pays, en l'occurrence de notre industrie pharmaceutique. L'UNOP a pu, à ce titre, contribuer à mettre en place le tarif de référence, soutenir la production pharmaceutique à travers la réservation de certains produits à la fabrication locale et contribuer à la formation des jeunes Algériens à travers des programmes de formation, mais aussi des collaborations avec la faculté de pharmacie en mettant à disposition nos unités comme terrains de stage.Je pense que les différents ministères qui ont eu à collaborer avec l'UNOP peuvent témoigner du sérieux de notre association, qui a produit de nombreuses analyses, parfois en contradiction avec celles des autorités, mais toujours dans l'intérêt de notre pays. J'ai également tenté l'expérience FCE, mais j'ai décidé de démissionner en 2012, du fait d'importantes divergences sur le fond et sur la forme avec la ligne du Forum. Malheureusement, il y a aujourd'hui un problème de «mentalité». J'ai l'impression que nous sommes à une époque où, comme disait Diderot, «l'on avale à pleines gorgées le mensonge qui nous flatte et l'on boit goutte à goutte une vérité qui nous est amère».De plus, la frontière entre l'entrisme prôné par certains et la compromission est parfois très mince. Les organisations patronales devraient être plus préoccupées par les intérêts des Algériens que par leurs intérêts à courte vue. Le développement des entreprises ne doit pas se faire au détriment de l'économie nationale. Peut-être que le drame de nos jours, comme le disait Churchill, est que les gens ne veulent pas être utiles, mais importants.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)