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L'or, la boue et le rêve



L'or, la boue et le rêve
Lors du procès intenté à son recueil de poésie, Les Fleurs du Mal (1888), Baudelaire avait répondu en vers au Tribunal et, s'adressant à toute la société, il disait notamment : «Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or». Une façon de dire qu'il n'avait pas inventé le mal et que les écrivains et les artistes ne font que refléter leur époque dans des formes évidemment plus belles que la réalité.Mais la boue rattrape souvent l'or pour le salir d'une manière ou d'une autre. La métaphore pourrait bien s'appliquer aux rapports entre la politique et la culture et il n'est sans doute pas besoin ici de vous préciser qui symboliserait quoi. Ainsi en va-t-il de la situation de l'Unesco qui a récemment procédé à l'élection de son directeur général. Le choix du Conseil exécutif (qui doit être validé le 10 novembre par la conférence générale) s'est porté sur Audrey Azoulay, ancienne ministre de la Culture du gouvernement Hollande. Outsider inattendu, elle se trouvait lors d'un vote intermédiaire, ex-aequo avec l'Egyptienne Moushira Khattab (18 voix chacune), derrière le Qatari Al-Kawari (22 voix).
Mme Garriaud-Maylam, représentante du Sénat à la commission française de l'Unesco, a déclaré : «Une telle candidature est une insulte aux pays arabes qui n'ont jamais obtenu un tel poste à l'Unesco et envers lesquels des engagements moraux avaient été pris pour que ce poste revienne à un des leurs». Elle a souligné aussi que sur les six «groupes» des Etats membres, la France a obtenu six fois la direction générale (ce qu'elle considère indécent puisque le siège de l'organisation est à Paris), les autres groupes une fois et le monde arabe jamais. Mais elle n'a sans doute jamais lu Ibn Khaldoun qui aurait écrit que «les Arabes se sont entendus pour ne pas s'entendre», adage hélas qui fonctionne même quand des «engagements» existent en leur faveur puisqu'ils ont proposé quatre candidats sur la dizaine en dernière lice où ils disposaient potentiellement de 40 voix !
Juste avant, les USA et Israël annonçaient leur retrait de l'Unesco après avoir suspendu depuis six ans leurs contributions financières (environ un quart du budget pour le premier pays). Ils n'avaient pas avalé l'admission en 2011 de la Palestine ni les décisions concernant les patrimoines de Jérusalem et Hébron. Ce faisant, ils viennent confirmer, pour ceux qui en doutaient, que cette admission était véritablement importante.
Bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples que dans une envolée lyrique de poète. Il n'y a pas que de la boue dans la politique ni que de l'or dans la culture. Les deux sont indissociables parce que, déjà, le monde et la vie sont des totalités indivises dans la réalité. Il reste que la culture se porte mieux loin de la politique, en tout cas politicienne. Quand on pense que l'Unesco, vraiment indispensable à notre monde, avait été qualifiée de «rêve de l'humanité»?


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