Algérie - Flore

L’inventaire des plantes en Algérie: Une nécessité


L’inventaire des plantes en Algérie: Une nécessité


Classée parmi les points chauds dans le monde à la 11e place sur les 34 hotspots mondiaux qui détiennent des espèces végétales menacées, l’Algérie ne possède toujours pas d’inventaire exhaustif de sa flore. Pour rectifier le tir, les institutions concernées optent pour la numérisation et le système d’information géographique (SIG) des végétaux. Cependant, la géolocalisation de ces plantes par les chercheurs et le grand public peut mettre en péril les espèces rares ou endémiques se trouvant en milieu naturel, d’où la nécessité de leur multiplication in situ et ex-situ avant le lancement de ces applications numériques.

Ceux qui tiennent actuellement les jardins botaniques et les aires protégées essayent de reprendre les choses en main. Mais les failles du passé (la décennie noire surtout) pèsent toujours sur le cours des choses.

La tâche n’est pas aisée, surtout que de nouvelles contraintes telles que la disparition de certaines espèces et la non-reconnaissance d’autres (les hybrides) viennent s’ajouter aux difficultés déjà existantes. A présent, les inventaires tendent à se numériser. Le support magnétique permet de contenir la flore déjà recensée, l’enrichir en fonction de découverte de nouvelles espèces, faciliter l’accès aux chercheurs et aux amateurs intéressés par la biodiversité d’y accéder même à distance.

Après les années 2000, des inventaires ont été relancés dans toutes les structures concernées, les parcs nationaux, les jardins botaniques…mais cela ne s’est pas fait sans difficulté compte tenu d’une longue rupture en raison surtout des problèmes liés à la sécurité. Pour rendre compte de ces difficultés, nous avons pris l’expérience du Parc national de Djurdjura dans la mesure où il a été identifié comme un point chaud régional de la biodiversité depuis 2011 représentant ainsi un taux d’endémisme important. Nous nous sommes également appuyés sur les données du Jardin d’Essai en sa qualité de jardin botanique abritant des plantes exotiques de 5 continents.

. La géolocalisation, arme à double tranchant

Le bassin méditerranéen où se trouve la majorité de nos parcs nationaux, dont le Parc national du Djurdjura, «est considéré comme un point chaud (hotspot) de la biodiversité mondiale. Il est classé aussi comme troisième site mondial par rapport à la valeur patrimoniale de sa biodiversité», assure Ahmed Alileche, conservateur principal des forêts au Parc du Djurdjura. L’inventaire, mené récemment au niveau de cette aire protégée afin d’enrichir la bibliographie dans ce sens, n’a pas pu répondre aux attentes du moins de ceux qui ont lancé cette étude.

L’inventaire en question a été mené par le bureau d’études Envi-Consult. Les résultats obtenus font état de quelque 700 espèces répertoriées sous forme d’un herbier, tandis qu’une autre étude bibliographique avance un chiffre de 1.100 espèces identifiées. Comment interpréter cet écart en matière d’espèces recensées?

«Ce litige en matière de nombre peut être expliqué de deux manières. D’abord, le recensement bibliographique était étendu au-delà des limites de l’aire protégée. Donc, il est évident que des espèces dénombrées ne se trouvent plus dans la limite intérieure du PND; mais beaucoup plus en dehors et en basse altitude», précise M. Alileche.

Outre ce problème de la délimitation du périmètre du PND, M. Alileche explique cet écart par un autre facteur lié à la méthode adoptée par les élaborateurs de l’étude du terrain: «L’étude menée par le bureau d’études, la méthode d’échantillonnage prônée, n’était pas exhaustive et elle n’a pas touché tout le territoire du parc, pour des raisons d’ordre sécuritaires, fait-on savoir par ce bureau d’études. C’est ce qui explique ce vaste écart entre les deux résultats; et donc nécessite une révision de correction.»

Par ailleurs, deux ateliers de formation en matière de localisation des espèces, par le GPS (Global Positioning System) un système de positionnement mondial, ont été tenus par le ministère de l’Environnement et des Energies renouvelables en collaboration avec une équipe allemande en présence des experts algériens. Le projet portant sur le Système d’information géographique (SIG) permettant la localisation des espèces végétales par les chercheurs et le grand public est en cours.

Ce projet, qui facilite l’accès aux chercheurs et aux amateurs de la nature, suscite la réticence des spécialistes notamment ceux qui œuvrent sur le terrain, à l’instar du conservateur principal du Parc national du Djurdjura.

«La géolocalisation peut avoir un impact négatif sur les espèces endémiques ou les espèces rares», estime Ahmed Alileche, chargé de la communication au PND.

Ce conservateur préconise comme première mesure la protection de certaines espèces dites «confidentielles» qui représentent des espèces rares ou endémiques.

«Ces espèces peuvent disparaître à cause de l’égoïsme scientifique. Certains chercheurs pourraient faire dans la confiscation de l’information en portant atteinte à une espèce rare après avoir mené des études», met-il en garde.

Cet agronome appelle à ne pas divulguer des informations sur les espèces endémiques se persuadant que ce qui est valable pour les jardins botaniques, limités dans l’espace et dotés de la surveillance permanente, n’est pas valable pour les aires protégées.

En deuxième lieu, il suggère, pour le cas des aires protégées, la multiplication de ces espèces in situ (dans leur milieu naturel) et ex situ (dans les jardins et les pépinières), avec un contrôle permanent pour assurer la pérennité de ces espèces. Pour plus de sécurité, il suggère la conservation de ces plantes au niveau des banques des gènes.

. Le jardin d’essai passe au numérique

Le Jardin d’Essai a actualisé son inventaire en 2018, il passe ainsi à une autre étape de conservation sur le support numérique, à savoir l’élaboration d’un herbier numérique. Ce dernier présente de nombreux avantages comme l’explique Abdelkrim Boulahia, directeur général du Jardin d’essais. L’herbier numérique «ce n’est pas seulement une liste nominative de plantes». Son utilisateur peut trouver une plante séchée sur un support numérique avec le nom scientifique, le nom commun et le nom de la famille. Cela va lui permettre d’identifier cette plante à l’aide des clés d’identification. Suite à l’actualisation de son inventaire, plus de 90% des plantes du Jardin d’Essai ont été identifiées. Le taux de végétation qui demeure non identifié représente des hybrides.

«Dans le temps, les plantes peuvent se croiser entre elles. Deux espèces différentes de la même famille peuvent se croiser pour donner naissance à un nouveau sujet qui est différent des parents», explique le directeur du jardin botanique d’El Hamma.

Ce phénomène nommé «hybride», représente presque 10% de l’ensemble de la végétation du Jardin d’essais. La direction de cet établissement a fait appel à l’analyse ADN afin d’identifier ces plantes inconnues. Pour ce faire, deux conventions ont été signées. Une convention avec le Jardin botanique de Genève, dans le cadre d’un partenariat pour le lancement du projet d’encyclopédie électronique de botanique et d’horticulture des pays maghrébins, une autre avec l’université de Cagliari (Italie) notamment pour les analyses ADN, des examens qui demeurent très coûteux dans le cadre privé.

Lors de sa visite en Algérie, dans le cadre de discussions des modalités de partenariat, Cyrille Chatlain, conservateur du Jardin botanique de Genève, a déclaré que «le projet d’encyclopédie (I.FLOR) donnera une dynamique positive à l’opération de recensement lancée par les services techniques au jardin depuis deux ans, en collaboration avec l’Ecole d’agriculture et l’Agence nationale de la préservation de la nature (ANN)».

Pour rappel, le projet d’encyclopédie électronique de botanique dans les jardins du Maghreb, lancé en 2014 par Cyrille Chatlain, conservateur du Jardin botanique de Genève, est en train d’opérer en Algérie. Dans sa déclaration à l’APS, ce chercheur suisse n’écarte pas l’idée d’appuyer le dossier de classement du Jardin d’essais dans la liste des jardins universels.

Pour son classement au niveau national, encore une fois, le problème de la délimitation de son périmètre surgit. Les frontières du Jardin d’El Hamma s’étendent jusqu’à l’espace Bois des arcades (Riadh El Feth), une colline regroupant des établissements et structures relevant du ministère de la Culture, notamment le Musée des beaux-arts, la villa Abdeltif et la Grotte Cervantès.


Photo: Le parc national du Djurdjura

Djedjiga Rahmani


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)