Algérie

L?inspiration dans le désordre



Ce constat amer, conforté par des actualités se manifestant dans le désordre, nous laisse parfois peu de temps réflexif pour apprécier profondément les causes de ces démarches insensées promues par le système de gouvernement en place dans nombre de domaines touchant directement la vie nationale. Ainsi, l?inspiration par l?écriture dans ce climat embrouillé est difficile à s?installer dans les esprits.En se levant le matin, chacun de nous programme sa journée que Dieu fait. Une forte majorité d?Algériens (iennes) rencontrent, quotidiennement, les mêmes déficiences dues aux médiocrités issues de nous-mêmes, qu?elles soient d?ordre collectif ou particulier, professionnel, ménager... Elles sont nombreuses et assez connues du simple fait que tout le monde, ou presque, en parle. A la veille de la célébration de la journée dite de la victoire, on vient d?annoncer, enfin, que les attestations d?anciens moudjahiddine ne seraient plus octroyées. C?est comme si on a mis un terme à un « combat », attesté mais contesté, qui dure depuis bientôt un demi-siècle. Il paraît que 40.000 - un autre chiffre rond - de dossiers de présumés moudjahiddine, sont en instance d?étude de reconnaissance depuis sept années - un chiffre symbole - et aucun de ces prétendants n?a eu le courage, à ce jour, en tant qu?ancien combattant pour la liberté, de créer une association afin que ces « lésés » de l?histoire revendiquent leur droit de reconnaissance en cette qualité. Pourquoi ne le feraient-ils donc pas en formulant, par exemple, une déclaration solennelle qu?ils n?utiliseront pas ce « droit » dans un but lucratif ?En vérité, l?origine de cette histoire de faux et vrais moudjahiddine, avec ses multiples conséquences nocives sur l?état d?esprit des générations post-indépendance, date de la période dite de la « bleuite », puis ensuite par celle des « marsiens » et enfin couronnée lors des années 1980 - et ces derniers temps - par des mesures « sésamiennes » en termes de profits illimités octroyés outrancièrement aussi bien aux vrais qu?aux faux moudjahiddine. Au tout-venant. Que des désordres dus aux mauvaises inspirations dégagées dès le départ de ce processus sordide.En fait, celui de la rente liée au clientélisme politique de l?ex-parti unique, déstructurant tous les anciens équilibres de moralité qui avaient, pourtant, demandé des siècles pour se consolider. En plus, ces marquages décennaux ont été caractérisés par des bains de sang, suivis de compromissions inimaginables, dégradantes, laissant place au désordre et à la défiguration historique, de tous genres, jusqu?au ridicule et le découragement citoyen.A titre d?illustration, nous relatons le parcours d?un moudjahid qui avait traversé toutes ces périodes. Né dans les années 1930 d?une famille caïdale déchue en 1914, à la suite de manifestations sanglantes contre l?incorporation de force des jeunes Algériens dans les unités militaires indigéno-coloniales. A 19 ans, il prend le maquis, tout juste après la tenue du Congrès de la Soummam en 1956. En 1957, aguerri par les épreuves du combat, il fut chargé d?organiser une attaque contre un fortin colonial des environs de ma ville, pour se procurer des armes et des munitions. Le plan échoua, blessé au genou, il fut arrêté et torturé horriblement. Il perdit presque la raison. Les services du deuxième bureau français canalisent, psychologiquement, sa souffrance dans le but de lui faire changer de position et lui promettent sa liberté, à condition qu?il travaille avec eux. On était en 1958. Il feignait d?accepter, mais on lui adjoignit trois autres vrais traîtres ayant pour mission de les renseigner, au moindre détail, sur les canaux de recrutement des jeunes combattants intellectuels, objets de l?opération d?intoxication contre-révolutionnaire dite de bleuite.Libéré et accompagné de ses trois compères, il rejoignit sa compagnie en justifiant qu?il s?était évadé de la prison grâce aux nouveaux « frères » désertant avec armes et bagages. Son chef de compagnie, confiant, le crut, car il connaissait sa franchise et son sens persuasif. Coincé, bouleversé, il ne put admettre sa nouvelle situation. Peu de temps après, lors d?une nuit sombre, il mitraille ses trois mauvais compagnons en sommeil et décampe après avoir laissé un message sur l?un des corps inanimés, à l?intention de son commandant. Sachant que l?une des taupes est issue d?une grande tribu de la région, qui ne manquerait pas de se venger, il prit la décision de quitter le territoire de la wilaya.Il fut aidé en cela par son cousin, chargé de liaisons entre les wilayas historiques 1 et 3. Volontaire pour toutes les missions dangereuses, qu?il réussit à exécuter avec brio, il gagna la confiance des djounouds et des responsables politico-militaires de sa nouvelle zone de combat. Lors de l?opération « Pierres précieuses » - aux significations bien suggestives - il fut blessé à la tête par un éclat d?obus. Encerclé et considéré comme mort, il a été « hospitalisé », soigné, pour ensuite être torturé, puis condamné à perpétuité et incarcéré à la sinistre prison de Lambèse, aujourd?hui Tazoult.En avril 1962, il fut libéré et regagne son domicile. Le lendemain, quelle fut sa surprise en voyant un visiteur inattendu venu le voir discrètement. C?est l?un de ses compagnons, laissé pour mort une certaine nuit de l?année 1958. Il était complètement abasourdi devant cette ancienne connaissance, paraissant haut responsable nationaliste, du fait de son accoutrement militaire. En cette période dite des « marsiens », les combattants de la dernière heure et autres opportunistes étaient si bien habillés qu?ils forçaient l?admiration des citoyens habitués aux apparences pompeuses. Le visiteur, tout en souriant énigmatiquement, lui souhaite la bienvenue et l?exhorte à poursuivre le grand combat de l?édification nationale, aimait-on dire à l?époque. Connaissant son tempérament viril et emporté, il lui dressa une souricière abjecte afin de le dépouiller de sa crédibilité d?homme renommé pour sa bravoure. Le plan avilissant a réussi. Il fut incarcéré dans la même cellule où il fut torturé durant la révolution armée. Bastonné, offensé et humilié, il craqua définitivement.Malgré les soins prodigués par sa mère éplorée et ses multiples mariages, il est devenu silencieux et renfermé sur soi-même, hagard à longueur de journée. Avec le temps et les affres de la décennie noire qui l?acheva physiquement et moralement, son état psychique s?est dégradé à un point de non-retour. Un jour, ivre, en haillons et pieds nus, il errait à plus de 15 kilomètres de notre ville. Volontairement ou non, nul ne pourrait l?affirmer à ce jour, il fut renversé mortellement par un semi-remorque chargé de sable destiné à la construction d?une villa d?un magnat arriviste qui le connaît bien. Ce fut un certain soir de printemps des années 1990. Il avait l?âge de 55 ans.Beaucoup d?anciens moudjahiddine n?ont pas pu se débarrasser des séquelles de cette fougue de jeunesse qui leur avait permis d?affronter tous les dangers et d?être au-devant de tous les sacrifices, quitte à allumer le feu partout y compris en leur for intérieur.Ce qui fut fait d?ailleurs car seule un immense incendie, à la hauteur de plus d?un siècle d?oppression, pouvait faire aboutir ce combat à sa fin et permettre à celui aussi grand, d?achever la grande aventure novembriste. Un majestueux combat pour l?édification du pays, aux centaines de milliards de dollars, dont il dispose actuellement. Une double chance, pour toute une génération en voie d?extinction. 46 ans déjà depuis le 19 mars 1962 ! Que le temps passe vite. Les occasions nous menant aux bonnes inspirations permettant de redonner confiance en nous-mêmes passent, elles aussi, tellement vite !!!



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