Algérie - Revue de Presse

L’impuissance arabe devant les risques de partition en Irak


L’impuissance arabe devant les risques de partition en Irak L’affrontement intracommunautaire a déjà commencé en Irak depuis que les Chiites et les Kurdes ont accepté une solution politique américaine d’aller vers des élections sous occupation étrangère et sans la participation de la communauté arabe sunnite. L’option pour cet affrontement est confirmée par l’exécution ou l’assassinat de Saddam, ce qui constitue une mise à néant de toute aspiration à une réconciliation nationale. Il s’installe ainsi un climat de vengeance en Irak, car l’exécution de Saddam a été saluée par les Chiites et lue sous l’angle d’une vengeance. Ce qui pourrait évoluer vers une guerre civile en Irak, compte tenu du fait que la mise à mort du chef d’Etat irakien survient à un moment où les pays arabes n’arrivent pas à ressouder leurs fractures, ne disposent pas d’une politique de sécurité collective, n’ont pas la capacité et peut-être même la volonté politique à mobiliser des forces armées interarabes pour intervenir sur le sol arabe en tant que forces d’imposition ou à tout le moins d’interposition entre les parties belligérantes. Le comble est que ce sont les forces anglo-américaines qui seront susceptibles de recevoir de l’ONU le statut de forces d’interposition et se faire appeler «les forces de maintien de la paix». De toute façon, la Ligue arabe a démontré son impuissance à solutionner les problèmes qui minent l’unité des rangs arabes, ce qui d’ailleurs avait été mis en évidence par le refus d’introduire des réformes dans le fonctionnement de la Ligue arabe.Il n’aurait donc servi à rien de doter ladite ligue d’un conseil arabe de sécurité puisque s’avère l’impuissance à intervenir dans le conflit israélo-palestinien en faveur des Palestiniens, en vertu du principe qui voudrait qu’une agression étrangère contre un pays membre de la ligue sera considérée comme dirigée contre tous les pays membres et donc se verra opposer une solidarité militaire de l’ensemble de ces pays. Il est alors évident que sans politique extérieure commune et donc fatalement sans politique de défense commune, sans uniformisation des systèmes politiques, sans l’acceptation que des parts de souveraineté nationale soient abandonnées au profit d’institutions supranationales arabes, sans un espace judiciaire arabe, sans une industrie arabe d’armement en vue d’une relative autonomie, sans une économie intégrée, le monde arabe continuera à ne pas pouvoir donner une solution arabe à un problème arabe. Remarquons d’abord que si les musulmans dans le monde ainsi que les Etats musulmans ont donné l’image d’une communauté musulmane unie dans l’affaire des caricatures, par exemple, c’est bien parce qu’il ne leur est fait aucune obligation d’intervenir militairement et les condamnations unanimes sont d’autant exprimées avec force qu’elles n’engagent réellement aucun pays. Il n’y aurait que deux façons pour les pays arabes d’aborder ce qui risque de devenir une guerre civile ou plutôt ce qui deviendra une guerre civile sous couvert de la religion mais qui est d’abord politique. Aujourd’hui qu’est consommée la séparation entre communautés et même la mise en situation de graves antagonismes de celles-ci, du fait de la pendaison de Saddam, les pays arabes ne peuvent qu’observer ce qui se passera en Irak, en toute impuissance, d’autant qu’il apparaît que l’Irak, sous commandement chiite et même kurde, s’éloignera du monde arabe en cherchant même à perdre le caractère arabe. C’est cette crainte qui a motivé les propos du président égyptien Hosni Moubarak quand il reprochait aux chiites irakiens de se comporter en tant qu’Iraniens et non comme des Irakiens. La première lecture qui serait faite de la position arabe serait celle qui traduirait un aveu d’impuissance comme c’est de tradition alors que les enjeux sont trop importants. Mais que peuvent-ils faire réellement lorsque les chiites irakiens sont plus près des Iraniens que du monde arabe? Des pays arabes peuvent alors exprimer leur désolation, leur condamnation verbale, intervenir en disant qu’une fitna salit l’image de l’Islam dans le monde et apporte de l’eau au moulin des ennemis de l’Islam, en appelleront à la sagesse des représentants des deux communautés, et décideront de se concerter sans convocation d’un sommet arabe car ils ont la conviction qu’ils ne sont pas en situation d’imposer une quelconque solution. La deuxième serait celle d’une proposition de convocation d’un sommet arabe que formuleraient un ou quelques pays arabes avec cependant en mémoire la médiation arabe effectuée au Caire entre les différentes factions irakiennes et qui n’avait pas abouti aux résultats escomptés. Cela fait longtemps que le monde arabe n’existe que comme entité géographique, pas plus, bien que les principes d’unité soient fermement rappelés et martelés alors que le monde évolue vers l’émergence de régions qui s’élèveront au rang de puissances. Eparpillés durant la guerre froide, éparpillés après la guerre froide, avec la conviction que ne peut pas être commune la menace à laquelle ils devront faire face, avec donc la conviction que ne peut pas être collective la parade à déployer. Le premier facteur de division a été la guerre contre Israël. Au début, ce fut une guerre israélo-arabe puis celle-ci a fini par devenir une guerre israélo-palestinienne. Le deuxième facteur de division a été la première guerre contre l’Irak quand des pays arabes avaient accepté d’y participer aux côtés des forces de la coalition. Ils furent payés en retour par un allègement substantiel de leurs dettes. Le troisième facteur de division a été la deuxième guerre contre l’Irak. Alors que la communauté internationale s’était opposée à la guerre, les pays arabes de la région avaient donné leur caution à celle-ci en mettant leurs territoires à la disposition des forces de la coalition. Ces dernières n’avaient pas pu obtenir la caution internationale, mais avaient pu obtenir la caution régionale, celle sans laquelle la guerre n’aurait pas pu se dérouler de cette façon et peut-être n’aurait pas pu du tout avoir eu lieu. La guerre actuelle, maintenant qu’elle emprunte la voie de la guerre civile va davantage lézarder le monde arabe, d’abord, le monde islamique ensuite, mais surtout le monde arabe car, avec un Irak chiite, les chiites saoudiens et libanais ne manqueront pas d’être encouragés à réclamer plus de droit, et pourquoi pas leur autonomie... Le fait qu’en Irak a eu lieu un vote d’expression identitaire, où les Kurdes ont voté Kurde, les Sunnites ont réagi en tant que Sunnites (que cela se soit fait par le vote ou par le boycott), où les Chiites ont voté chiite, et qu’il soit devenu évident que les communautés pensent d’abord «communauté» et pas du tout «Irak» explique que la rupture de la cohésion nationale est responsable de ce que n’a pas existé un espace national de défense contre la menace extérieure. Dans ces conditions où prédomine la logique ethnique, à l’exemple de celle qui est apparue en Afrique et qui s’est révélée comme non compatible avec la logique démocratique, des élections, même libres, ne peuvent pas résumer toute la démocratie car il s’agira de l’exercice de la dictature par l’ethnie majoritaire sur les ethnies minoritaires et non d’une intégration en vue de parvenir à une identité collective et intégrante. La fracture est vraiment profonde et peut mener vers un fédéralisme qui sera probablement rejeté par les Sunnites, le territoire qui leur est dévolu étant, en terme de champs pétroliers, le parent très pauvre des territoires sur lesquels vivent majoritairement les chiites ainsi que ceux dévolus aux Kurdes.


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