Algérie

L’impact environnemental des microplastiques


L’impact environnemental des microplastiques
PUBLIÉ 01-10-2022 dan le quotidien Le Soir d’Agérie

Par Nadjib Drouiche(*)
En raison de leur simplicité, de leur flexibilité, de leur légèreté et de leur faible coût, les plastiques sont devenus très demandés en Algérie. Environ 4% des combustibles fossiles non renouvelables extraits chaque année sont actuellement utilisés comme matières premières pour la production des plastiques et c'est la fraction liquide du gaz naturel ou la fraction gazeuse de faible valeur issue du raffinage du pétrole qui est principalement utilisée pour les fabriquer. La demande de combustible fossile, d'énergie, ainsi que les émissions de carbone associées à cette industrie augmenteront au fur et à mesure que la demande des consommateurs pour les plastiques augmentera. Si la tendance actuelle se poursuit, d'ici 2050, l'industrie du plastique pourrait représenter 20% de la consommation totale de pétrole dans le monde et nos océans pourraient contenir plus de plastique que de poissons.
Ce succès impressionnant des plastiques est inégalé par tous les matériaux concurrents utilisés dans l'emballage ou la construction, les deux principaux domaines d'application des plastiques. Cependant, la gestion des déchets plastiques est inadéquate et la plupart des débris plastiques se retrouvent dans le milieu aquatique. Aujourd'hui, les écologistes, les organisations et les gouvernements sont conscients de la pollution microplastique, sous-produit issu de la décomposition du plastique, contamine l'air, l'eau et le sol dans l'environnement marin et terrestre et des études scientifiques sont menées pour comprendre l’effet des microplastiques sur la santé humaine.
La production de plastique a augmenté de façon exponentielle depuis le début des années 50 et atteint 368 millions de tonnes métriques en 2019, ce chiffre n'inclut pas les fibres synthétiques. On estime aussi que la production en 2020 a diminué d'environ 0,3% en raison des impacts de la Covid-19 sur l'industrie. On s'attend à ce que la production de plastiques continue à augmenter dans un avenir prévisible et les niveaux de production devraient doubler d'ici 2025 et presque tripler d'ici 2040, pour atteindre 29 millions de tonnes métriques. Cependant, personne ne sait avec exactitude quelle quantité de plastique, pratiquement indestructible, s'est accumulée dans les mers. La meilleure estimation, faite en 2015, était d'environ 150 millions de tonnes métriques. En supposant que les choses restent inchangées, l'accumulation atteindra probablement les 600 millions de tonnes métriques d'ici 2040.
En mer Méditerranée, le rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) a identifié neuf côtes comme étant les endroits les plus pollués par le plastique. Il s'agit notamment de hauts lieux touristiques tels que Barcelone et Marseille. Le rapport souligne également que le littoral d'Alger présente une forte pollution plastique estimée à 12,2 kg de débris par kilomètre. Il indique, par ailleurs, que tous les pays méditerranéens n'ont pas réussi à gérer la contamination par le plastique, responsable de l’augmentation de la contamination des eaux douces et des milieux marins et que 570 000 tonnes de plastique sont déversées dans la mer chaque année, soit l'équivalent de 33 800 bouteilles en plastique par minute. En outre, il révèle que cette pollution marine coûte chaque année environ 641 millions d'euros au tourisme, à la pêche et aux secteurs maritimes.

La présence de microplastiques dans les eaux
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment publié un rapport sur l'impact des microplastiques dans l'eau potable sur la santé humaine. Elle conclut qu'actuellement les effets sont inconnus.
En effet, de nos jours, il existe un nombre limité d'études fournissant des données de concentration pour les microplastiques dans l'eau potable ou ses sources d'eau douce, c'est-à-dire eaux de surface et eaux souterraines, ainsi que (indirectement) les eaux usées. Cet état de fait a conduit les scientifiques à lancer des recherches urgentes sur les conséquences pour la santé.
Les microplastiques produits par les activités humaines ont facilement accès à l’eau. À titre d’exemple, dans le domaine médical, les microplastiques utilisés dans les supports dentaires et pharmaceutiques se retrouvent dans l'environnement par le biais des eaux usées.
De même, les déchets plastiques provenant des équipements, des matières de remplissage, etc., dans les Step peuvent également être décomposés en microplastiques. Les STEP, qui constituent un élément important des systèmes d'eau urbains, sont des canaux par lesquels des microplastiques secondaires (MP) sont rejetés dans l’environnement.
Lors du traitement des eaux usées, la taille réduite des microplastiques entraîne leur infiltration et leur rejet direct dans les ressources en eau. Les microplastiques, en général, sont considérés comme résistants à la dégradation biotique.
Certains matériaux sont soumis à une dégradation biotique par des champignons et des bactéries et sont imbibés ou adsorbés passivement par les consommateurs à des niveaux trophiques successifs après dégradation, ce qui entraîne un blocage du système gastro-intestinal.
Néanmoins, selon les données disponibles, un traitement efficace des eaux usées peut éliminer efficacement plus de 90% des microplastiques présents dans les eaux usées. Par contre, pour une population qui n'est pas couverte par un traitement adéquat des eaux usées, les agents pathogènes microbiens et autres produits chimiques seront plus préoccupants pour la santé humaine que les microplastiques.
Concerntant les eaux de boissons, des études récentes sur la contamination de l'eau ont révélé la présence de microplastiques dans 83% des échantillons d'eau du robinet prélevés dans les grandes villes du monde et dans 93% des échantillons provenant des 11 principales marques d'eau en bouteille.

La présence de microplastiques dans le milieu marin
Les côtes, parfois appelées bords de mer, sont les lignes qui forment la frontière entre la terre et la mer. Elles représentent les plus grands récepteurs de débris plastiques provenant d'autres masses d'eau (oueds, étangs, STEP, etc.) et deviennent un défi environnemental aux implications transfrontalières exceptionnellement fortes.
En effet, comme le plastique se déplace à travers les mers et les océans, aucun pays ne peut s'attaquer seul à ce type de pollution. La pénétration des plastiques dans l'écosystème marin est principalement due à des actions humaines erronées ou à des déchets incontrôlés provenant des stations d'épuration des eaux ou des eaux usées et des industries textiles.
Quand ces plastiques se transforment en micorplastiques, ils ont des répercussions nocives sur les organismes marins. La taille microscopique de ces fragments de plastique les rend facilement ingérables par un grand nombre d'espèces marines, y compris les coraux, les planctons, les invertébrés marins, les poissons et les baleines, ce qui a des effets néfastes sur leur santé. Le potentiel des microplastiques à absorber divers polluants hydrophobes nocifs du milieu environnant transfère indirectement ces contaminants dans la chaîne alimentaire. Les recherches révèlent les menaces nocives que le plastique fait peser sur la santé humaine à tout moment de son cycle de vie, depuis l'extraction des combustibles fossiles jusqu'à l'élimination, en passant par l'utilisation par les consommateurs. Étant donné que les microplastiques peuvent avoir un impact négatif sur divers organismes, le risque que l'homme soit affecté par les microplastiques ne peut être négligé. Comme l'homme est le consommateur final des produits de la mer qui sont fortement affectés par les microplastiques, il y a de fortes chances que les microplastiques soient transférés à l'homme. La présence de microplastiques dans l'eau du robinet, le sel marin et l'eau en bouteille est une preuve de la multiplicité des voies par lesquelles ils peuvent atteindre le corps humain. Des études récentes sur la présence de microplastiques dans les selles humaines et le placenta sont des exemples de leur présence chez l'homme. Ainsi, pour s'attaquer à ce grave problème de pollution par les microplastiques dans l'écosystème marin, diverses politiques et règles doivent être formulées.
Covid-19 et microplastiques
La pandémie de Covid-19 a presque obligé le monde à s'arrêter complètement. Les villes se sont vidées, le trafic s'est arrêté, les écoles ont fermé. En plus de provoquer une grave maladie respiratoire, le virus SARS-CoV-2 a fait peser une nouvelle menace, largement négligée, sur la santé humaine : davantage de microplastiques potentiellement dangereux dans l'environnement, provenant cette fois des équipements de protection individuelle (EPI) mis au rebut. Les EPI utilisés pour lutter contre le Covid-19 deviennent des déchets plastiques après leur utilisation, ce qui aggrave l'immense problème mondial de la pollution plastique.
Des pays comme les États-Unis ont arrêté des projets de recyclage à la suite de la pandémie, car les responsables se sont montrés prudents quant à la possibilité de transmission du Covid-19 dans les usines de recyclage. L'Italie a empêché les personnes infectées de trier leurs déchets. Les entreprises commerciales qui permettaient autrefois aux clients d'emporter leurs sacs ont reconsidéré l'interdiction des sacs en plastique et sont progressivement passées aux plastiques à usage unique en promouvant davantage les services alimentaires en ligne.
Dans l'épidémie de Covid-19, la pollution par les EPI devient une préoccupation croissante, car le port de masques pour contenir la propagation du virus corona d'une personne à l'autre a fait l'objet d'instructions au niveau mondial et est devenu un spectacle fréquent dans les pays du monde entier.
La communauté scientifique internationale recommande aux gens de se débarrasser correctement des masques et de réduire leur consommation globale de plastique à usage unique. Ils appellent également les organisations du monde entier à encourager l'innovation et le développement d'alternatives durables aux masques en plastique à usage unique, à éduquer le public sur les moyens responsables de se débarrasser des masques, et à réparer et améliorer les systèmes de gestion des déchets pour réduire les pertes et les déversements.
Conclusion
Les gouvernements peuvent prendre un certain nombre de mesures, qu'il s'agisse d'organiser des campagnes de sensibilisation, de proposer des incitations au recyclage, d'instaurer des taxes ou même d'interdire purement et simplement certains produits. Au cours de la dernière décennie, plusieurs nations ont adopté des politiques visant à réduire l'utilisation du plastique jetable et augmenter le recyclage de ce produit.
En Algérie, deuxième importateur de matières plastiques sous forme primaire en Afrique et au Moyen-Orient, des dispositifs concrets pour le traitement des déchets plastiques ont été mis en place, notamment la promulgation de la loi n° 01-19 du 27 Ramadhan 1422 correspondant au 12 décembre 2001 et de nouveaux décrets exécutifs portant traitement et valorisation des déchets notamment plastiques, et qui représentent 17% du volume global des déchets, estimé à 13 millions tonnes/an.
Enfin, selon les experts de la Banque mondiale, la lutte contre la pollution plastique marine est bénéfique, non seulement pour l'environnement, mais aussi pour la société. La transition vers une économie plus circulaire permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'améliorer les conditions de travail des collecteurs de déchets. Un changement systémique pour mettre fin à la pollution plastique pourrait également se traduire par la création de 700 000 nouveaux emplois dans le monde d'ici 2040.
N. D.
(*) Centre de recherche en technologie des semi-conducteurs pour l’énergétique

Références
Bulletin de veille technologique n°02/2019. www.and.dz
https://www.statista.com/statistics/282732/global-production-of-plastics-since-1950/
https://www.nationalgeographic.com/science/article/plastic-trash-in-seas-will-nearly-triple-by-2040-if-nothing-done
https://www.nature.com/articles/s41599-018-0212-7
British Plastics Federation (2008) Oil consumption. British Plastics Federation.
https://link.springer. com/article/10.1007/s11356-021-13184-2
Zhang N, Bin LY, He HR et al (2021) You are what you eat: microplastics in the feces of young men living in Beijing. Sci Total Environ 767:144345. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.144345
Ragusa A, Svelato A, Santacroce C et al (2021) Plasticenta: first evidence of microplastics in human placenta. Environ Int 146:106274. https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.106274
https://tos.org/oceanography/article/surgical-masks-on-the-beach-covid-19-and-marine-plastic-pollution
https://www.medicalnewstoday.com/articles/326144
http://www.bpf.co.uk/press/Oil_Consumption.
World Economic Forum (2016). The new plastics economy. Rethinking the future of plastics. World Economic Forum, Geneva, Switzerland
https://www. unep.org/interactive/beat-plastic-pollution/
https://www.aps.dz/economie/74462-environnement-des-dispositifs-concrets-pour-le-traitement-des-dechets-en-plastiquewwfmmi.org
https://www.theguardian.com/environment/2017/sep/06/plastic-fibres-found-tap-water-around-world-study-reveals

PUBLIÉ 01-10-2022, 11:00



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