L'histoire a aussi été un futur

On peut confier un bureau à un historien, mais faire l'inverse n'est pas intelligent, comme confier à des bureaucrates l'histoire. Surtout celle de la guerre d'indépendance, sujet sensible par excellence et qui a encore fait des victimes plus de 50 ans après en la personne du réalisateur du film Ben M'hidi et le film lui-même.Au-delà de la polémique sur ce biopic personnel, pas assez de torture, de larmes, de sang, de morts et de bombes, selon le ministère qui a financé l'?uvre par dizaines de milliards, il s'agit surtout de cet énorme budget des moudjahidine dont le nombre d'ayants droit a toujours été aussi sensible que la guerre elle-même. Chiffre resté longtemps secret, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, questionné sur la question encore l'année dernière, avouait qu'il ne pouvait pas dévoiler le nombre de ces ayants droit, alors que quelques jours plus tôt, le secrétaire général des Moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, avançait le chiffre de 200 000 moudjahidine, pour se rétracter après, alors qu'en février dernier, le secrétaire général de l'Organisation nationale des enfants de chouhada, Tayeb El Houari, étonnait tout le monde en annonçant plus de 3 millions d'enfants de chouhada. Pourquoi le nombre de moudjahidine, payés par les contribuables, serait-il un secret '
C'est la question que Benyoucef Mellouk pose encore, ce qui lui vaut plusieurs procès, contrairement à Ahmed Bencherif, ancien patron de la Gendarmerie nationale, membre du Conseil de la Révolution et ministre, qui avait donné le nombre de 35 000 faux moudjahidine sans être inquiété. Si l'on ajoute à cet imbroglio le sort étrange de l'ancien ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, qui coulerait une retraite heureuse avec ses enfants en France, on peut raisonnablement se poser des questions sur ceux qui sont autorisés à écrire l'histoire. On peut aussi penser qu'un film sur Abane Ramdane, un des seuls héros à ne pas avoir eu son film, ne sera pas autorisé avant 2050. Même pas en dessins animés.