Algérie - Revue de Presse

L’extradition de Khalifa n’est pas évidente



L’extradition de Khalifa n’est pas évidente Le procès Khalifa se déroule sans le principal concerné, à savoir Abdelmoumène Khalifa lui-même dont l’extradition a été demandée mais pas encore obtenue. Y a-t-il réellement des chances pour que celle-ci soit obtenue? Il se pourrait même que cer-tains aillent jusqu’à soutenir la thèse que l’Algérie n’a pas tout fait pour obtenir réellement cette extradition et même qu’elle n’en voudrait pas pour que ne soient pas divulguées des informations qui seraient gênantes pour certains décideurs. La réflexion est, bien sûr, libre d’imaginer tous les scénarios et de faire même dans la fiction. Le problème de l’extradition de Abdelmoumène est le même pour ce qui a été rencontré pour l’extradition de ceux que le pouvoir algérien avait qualifié de terroristes et qui, pendant longtemps, n’ont pas été perçus ainsi par les autorités britanniques. On se souvient comment Khalifa était reçu dans les pays occidentaux et on se souvient également de Noël Mamère, le député français des Verts, qui soutenait que l’empire Khalifa «est financé par les Généraux», la banqueroute ayant démontré qu’il n’y a pas le moindre sou d’un quelconque «Général algérien» dans l’affaire Khalifa.Il est bien évident que l’impression générale est qu’il suffit de demander une extradition pour parvenir à l’obtenir rapidement alors que bien des paramètres interviennent dans l’évaluation de la décision à prendre et qui rendent le résultat aléatoire quand bien même que de part et d’autre semble régner une totale confiance. Difficile d’obtenir une extradition quand il n’y a pas une réelle rencontre sur les valeurs, que les deux pays ne partagent pas la même vision politique d’une façon générale, que n’existe pas un grand dénominateur commun entre les systèmes politiques et davantage si ceux-là sont incompatibles entre eux, qu’il n’y a pas de raisons à ce que s’établissent des alliances communes, quand l’ennemi n’est pas commun, qu’il n’y a pas la même appartenance au même espace géopolitique, que les deux systèmes politico-sécuritaires ne présentent pas les mêmes vulnérabilités. La difficulté l’est davantage quand la religion n’est pas commune, dans ce contexte international où certains ont repris à leur compte le concept de «choc des civilisations», que les positions internationales ne sont pas communes, que les rapports de force ne sont pas équilibrés selon la même parité, que les vécus politiques ne sont pas les mêmes et qu’en fin de compte, ce qui les divise est plus grand que ce qui peut les rapprocher. Lorsqu’il s’agit de terrorisme, alors que les perceptions internationales ne se rencontrent guère sur le contenu d’un tel contexte, il n’est guère évident que se dessine un consensus lorsqu’il s’agit d’incriminer ou d’extrader. Il en est de même lorsqu’il est perçu par les puissances occidentales que les pays qui demandent l’extradition d’un de leurs citoyens n’ont pas une Justice indépendante ou que celui-ci risque la peine de mort. Ne serait-ce pas ce qui aurait prévalu à propos des extraditions demandées auparavant concernant des terroristes ou concernant aujourd’hui Abdelmoumène Khalifa? Il ne faut surtout pas se suffire du fait que le terrorisme est conjuré, pour en tirer la conclusion que les relations de confiance, ou d’une nouvelle confiance, impliquent fatalement que toute demande d’extradition reçoive une réponse positive et diligente. Il y a, bien sûr, le changement de contexte stratégique depuis le 11-Septembre aux Etats-Unis, depuis le 11-Mars à Madrid, depuis le 7-Juillet à Londres, il y a bien évidemment une prise de conscience internationale sur la nécessité d’une collaboration internationale, il n’en demeure pas moins que les choses ne sont pas aussi simples que cela semble apparaître. Il faudrait d’abord que les parties en dialogue soient convaincues qu’elles ont eu à faire face à un même ennemi, c’est-à-dire qu’elles devraient se rapprocher sur la définition des concepts utilisés. Comment convaincre l’autre partie que l’Algérie a eu à lutter contre le terrorisme universel quand, à ce jour, la perception étrangère, plus particulièrement occidentale, de la situation de violence, appelée tragédie nationale, est bien qualifiée de terrorisme alors que le penchant en est à la qualifier de guerre civile et de conflit interne armé. L’amnistie d’ailleurs décriminalise la violence et lui confère une couverture politique. Il n’est, par contre, pas concevable que les pays occidentaux amnistient les «terroristes», ce qui revient à dire que les traitements appliqués ne sont pas identiques. Or, si les traitements appliqués ne sont pas identiques, cela témoigne d’une vision non partagée, ou pas tout à fait partagée. Ce que des pays comme l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte appelaient «terrorisme» était approché dans le monde occidental sous l’angle d’un conflit interne armé résultant de l’absence de démocratie et de l’expression de la tyrannie. Bien des pays occidentaux avaient, depuis l’avènement de la révolution islamiste en Iran, admis le fait que le basculement des pays musulmans vers l’islamisme était un fait inéluctable et que la prudence stratégique recommandait de pratiquer la politique des «deux fers au feu», en entretenant des relations aussi bien avec les Etats ou les régimes en place qu’avec ceux pour lesquels était accolé le qualificatif d’opposants ou terroristes. D’autre part, les extraditions étaient beaucoup plus faciles à réaliser entre deux pays aux systèmes politiques comparables, bien que toutes les conventions de lutte contre le terrorisme avaient intégré une disposition qui laissait aux Etats toute souveraineté dans l’appréciation de la nature de l’acte incriminé en fonction, bien évidemment, de leurs intérêts. Quand bien même qu’en Europe, par exemple, soit institué un espace judiciaire commun, il n’est pas évident que des demandes d’extraditions formulées par des Etats européens connaissent un aboutissement au plus tôt et les exemples n’ont pas manqué à ce sujet. Depuis le 11-Septembre, la vision occidentale du terrorisme a connu une rupture radicale dans le sens où il est apparu que celui-ci possède une dimension internationale avec des implications sur le territoire même des Etats occidentaux. La surprise est de taille pour ceux qui affectionnent les concepts de dissuasion, de projections de forces, de projections de masse alors que l’essentiel résidait dans la défense intérieure du territoire. Il est alors évident que ceux à qui ils avaient donné l’asile politique et accordé toute liberté de propos et d’action, ceux qui étaient qualifiés de terroristes dans leurs pays d’origine et d’opposants dans les pays occidentaux, plus particulièrement en Grande-Bretagne, leur soient apparus soudainement encombrants et ce, d’autant que le constat a été fait selon lequel 11 des 19 éléments qui avaient participé aux attentats du 11-Septembre avaient séjourné à Londres. Si l’espace géopolitique de l’activation du terrorisme était confiné à l’intérieur des frontières musulmanes et même africaines, il n’en était plus de même depuis le 11 septembre 2001. L’autre facteur entrant dans la correction de la vision britannique de l’attitude à adopter à l’égard des islamistes «hébergés» sur le territoire anglais est le constat que les groupes armés activant en Algérie ne sont pas en mesure de se saisir du pouvoir par la violence. Mais la donnée essentielle que les Anglais n’ont pas encore intégrée dans leur vision de l’Algérie, en relation avec les extraditions, est la charte pour la paix et la réconciliation dans la disposition qui concerne les conditions de l’extinction des poursuites judiciaires. Les personnes concernées par cette histoire d’extradition seront plus en sécurité et en liberté en Algérie qu’en Grande-Bretagne, compte tenu que le président de la République et le chef du Gouvernement viennent de faire savoir que la porte de la réconciliation nationale demeure toujours ouverte et qu’en tout cas, aucun condamné n’a été exécuté depuis plus de dix années, ceci pour le cas où il est craint pour la vie de Abdelmoumène Khalifa.
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