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L'entretien de la semaine



L'entretien de la semaine
Dans cet entretien, le professeur et chercheur au Centre national de préhistoire, anthropologie et histoire M. Dida Badi, répond à quelques questions relatives à la langue amazighe, à son apprentissage et aux différentes dimensions qui ont mené à l'actuelle reconnaissance de cette langue/culture dans la Constitution algérienne.Il nous fera également sa critique personnelle de l'état des lieux en abordant les difficultés que traverse la langue amazighe et sur les objectifs fixés par les acteurs du mouvement berbère algérien afin d'arracher sa place à cette essence identitaire propre aux populations du Grand Maghreb.Soirmagazine : 35 ans après le soulèvement populaire du 20 avril 1980, quel bilan faites-vous, personnellement, de toute cette période 'Dida Badi : Les événements du 20 avril 1980 constituent une onde de choc dont l'épicentre se trouve en Kabylie. Avec le temps, cette onde n'a cessé de s'élargir à tout le territoire national pour gagner l'ensemble des autres régions du pays.La force de cette onde tient du mouvement national où la question identitaire de l'Algérie a été posée par un certain nombre de militants de la cause nationale à l'époque. Eux-mêmes tiennent leurs arguments de la profondeur historique méditerranéenne, africaine et amazighe de l'Algérie qui a vu naître, sur son sol, des royaumes amazighs, et ce, depuis la plus haute Antiquité, à l'exemple de la Numidie de Massinissa, aux IIe et Ier siècles avant Jésus-Christ.En ma qualité d'observateur de la scène nationale, il m'est donné de constater aujourd'hui l'ampleur de l'avancée réalisée dans le domaine du recouvrement du peuple algérien de son identité amazighe, même si beaucoup de choses restent encore à faire, de l'avis même des militants de cette cause à dimension nationale. Je crois que la plus grande avancée réalisée est qu'aujourd'hui, les Algériens acceptent volontiers de se reconnaître dans (et la revendiquent même) la dimension amazighe de leur pays, chose qui n'était pas du tout évidente partout, en 1995, lors de la création du Haut-Commissariat à l'amazighité, qui a vu ses activités empêchées dans certaines régions du pays, chose presque impensable aujourd'hui. Toute cette prise de conscience populaire, il faut le reconnaître, a été acquise grâce au travail qui a été entrepris par les pouvoirs publics, et ce, depuis la création du HCA, comme institution chargée de la réhabilitation de l'amazighité, langue et culture.Le point culminant de ce travail est l'ouverture des départements de langue et culture amazighes dans les universités de Tizi-Ouzou et Béjaïa, en 1991 et 1992, pour former des compétences universitaires dans le domaine de l'amazighité.Ces départements, auxquels viennent s'ajouter d'autres, sont à l'origine de la formation des cadres de différents secteurs où l'amazighité a commencé à faire son entrée, à l'exemple de l'éducation nationale, des médias, des radios locales et nationales et de la télévision. Mais, bien que ce travail ait contribué à «socialiser», en quelque sorte, la dimension amazighe de l'Algérie, il reste insuffisant tant que l'amazighité, en tant que langue et culture, n'a pas fait son entrée dans la Constitution.Les réalisations en termes de réhabilitation de l'amazighité : tamazight dans les moyens de communication, dans notre environnement, à l'école”? sont-ils suffisants et satisfaisants ou loin des attentes et des sacrifices 'Tout le travail qui se fait, que ce soit au niveau des moyens de communication, de l'environnement ou de l'éducation reste marqué par un «volontarisme militant» en ce sens qu'il n'y a pas d'instituts de formation des enseignants de tamazight, comme il n'y a pas d'institut de journalisme ou de communication où le tamazight est enseigné.L'une des retombées attendues de la constitutionnalisation de tamazight est justement de bénéficier des moyens de l'Etat afin de s'épanouir et de retrouver sa place dans la société algérienne.Etes-vous optimiste quant à la consécration de la langue amazighe, comme langue officielle, dans la révision constitutionnelle en cours 'Je suis optimiste en ce qui concerne le fait que tamazight va être constitutionnalisé un jour, dans son pays naturel qu'est l'Algérie, puisque de Timiaouine (dans la wilaya d'Adrar) à Azeffoun, sur les rivages de la Méditerranée, tamazight fait consensus et fait l'unité de ce pays qui doit retrouver son ancrage historique en Afrique et en Méditerranée, en ces temps d'incertitudes idéologiques.Prenons la wilaya de Bouira comme exemple, jusqu'à mars 2015, 26 300 élèves apprennent tamazight dans 1083 établissements encadrés par 177 enseignants, alors que le nombre de chômeurs licenciés en tamazight ne cesse d'augmenter et est inversement proportionnel au nombre de postes budgétaires créés : l'appréciation la plus indulgente qu'on pourrait mettre ne serait-elle pas «peut mieux faire» 'L'introduction de tamazight dans le système éducatif a été faite en 1995 à titre expérimental, dans les zones où la demande sociale s'est exprimée. Cette introduction a été hâtée par le HCA, qui a formé des enseignants lors d'un stage de trois semaines, à Ben Aknoun. A l'époque, l'opération a concerné 16 wilayas.Le ministère de l'Education a pris le relais. Aujourd'hui, on constate que le nombre des wilayas où l'enseignement se fait a diminué, en même temps que dans d'autres wilayas, le nombre d'élèves et d'enseignants a augmenté. Ceci indique que l'introduction de tamazight dans le système éducatif continue de se faire de manière volontariste. Par ailleurs, l'amazighité ne se résume pas seulement à la langue. C'est également la culture. La culture de l'Algérien, qu'il soit amazighophone ou non amazighophone, est la même. Il lui faudra donc récupérer sa langue amazighe pour renforcer la cohésion nationale.





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