Algérie - Pollution

L’entretien : Amar Adjili: «Viendra le jour ou l’Algérie sera dépolluée de toutes ses saletés»


L’entretien : Amar Adjili: «Viendra le jour ou l’Algérie sera dépolluée de toutes ses saletés»




- La Voix d’Algérie: Pendant que la lutte contre la pollution et la dégradation de l’environnement engage des Etats, vous, vous menez des actions de nettoyage et de la préservation des espaces naturels, tout seul. Qu’est-ce qui vous a motivé à le faire?

Amar Adjili: C’est vrai, la plus part des actions de nettoyage que j’ai mené, je les ai faites seul. Je ne pouvais rester sans bouger contre tout ce que je voyais comme agression contre la nature. Le déclic à cela a lieu lors de ma première sortie en plage avec mon neveu, sur la côte ouest algéroise. Une plage polluée à l’extrême par des détritus en tout genre, sans que cela n’interpelle personne parmi les estivants. Mon neveu a été très choqué par ce qu’il voyait, et il me demanda si on peut faire quelque chose. C’est à cet instant précis que j’ai pris la décision de commencer à ramasser les objets qui ont rendu cette plage crasse et mettent tout le monde en danger.

Mais ma première action que je peux qualifier d’envergure a été réalisée à Guerbès-Sanhadja, une si importante zone humide de la wilaya de Skikda qui recèle une très riche biodiversité. Une zone bien protégée certes, mais qui n’est pas du tout entretenu compte tenu de l’absence des déchetteries contrôlées pour les déchets ménagers des villages environnants. Les villageois jettent alors leurs rejets dans la forêt sans se rendre compte que non seulement, ils salissent leur environnement naturel, mais ils participent à la destruction de cette vaste forêt par les feux qu’ils provoquent pour incinérer leurs déchets ménagers.

Preuve en est que les populations sont désintéressées quant aux questions environnementales. Plus grave encore, elles ne sont pas du tout sensibilisées pour protéger leurs espaces naturels. Et lorsque j’ai entamé seul mon action pour nettoyer cette belle étendue, beaucoup de villageois sont venus s’associer à moi.

Je peux vous assurer qu’on étant solitaire dans ces actions, beaucoup d’autres personnes vont s’engager dans ce combat contre la dégradation de notre environnement. Ils finiront un jour par être convaincu par l’urgence de le faire, et c’est à partir de ce moment que l’Etat algérien s’impliquera réellement.

- Agir en solo dans ce genre d’actions peut mettre votre vie en danger…

Le seul danger auquel je me suis confronté jusqu’à présent est celui des agressions, car j’étais attaqué, malmené et agressé deux fois. La première fois, c’était en avril 2016, au Complexe touristique de Matarès à Tipaza, par des agents de sécurité qui se sont abattus sur moi comme une horde pour m’empêcher de prendre des photos des ordures ramassées des plages gérées par ce Complexe, avant d’être brûlées dans un espace derrière le site d’hébergement.

Mais croyez-moi, ce que j’ai subi de la part de ces personnes chauffées à blanc par le directeur du Complexe n’est rien devant les résultats de mon action. Le Complexe de Matarès est depuis propre de toutes immondices, mais aussi propre de toutes les personnes responsables de cette catastrophe environnementales qui, elles même, étaient derrière mon agression.

Permettez-moi de vous raconter aussi la dernière agression que j’ai subi il y a 5 ou 6 jours de cela au CHU Mustapha Pacha par un vigile qui a confisqué mon téléphone portable au moment où j’allais prendre une photo d’un flacon de sang qui jonchait un carré floral.

En effet, tout le monde doit savoir qu’à l’hôpital Mustapha Pacha, on jette tout par les fenêtres: seringues utilisées, pansements qu’on renouvelle aux patients, des bistouris et même des flacons de sang usités. Mon action au sein de cet hôpital, pour tout vous dire, était anodine. Mais ma découverte était sidérante tant l’insouciance du personnel hospitalier est frappante, lui qui doit être aux premières lignes pour lutter contre les infections nosocomiales que d’aucuns savent qu’elles sont parfois mortelles.

Le plus ahurissant dans cette histoire, est le comportement du commissaire de police vers lequel l’agent de sécurité m’a conduit. Celui-ci, après m’avoir confisqué le téléphone portable, s’est dirigé en courant vers le commissariat qui se trouve près de l’hôpital et a porté «l’affaire» devant le commissaire. Un agent de police est venu vers moi pour me molester et m’intimider. Je ne l’ai pas laissé faire. Puis, le commissaire décida de m’introduire dans son bureau où il ordonna d’effacer toutes les photos de la carte mémoire. Le policier qui s’en est chargé de ça le faisait avec joie, car il riait et provoquait le rire de ses collègues. Une fois la carte mémoire est totalement effacée, le commissaire m’ordonna de quitter le commissariat et m’intimida l’ordre de ne plus roder dans les parages.

- Tout cela ne vous décourage pas?

Pas du tout! Je suis satisfait de ce que je fais. Ceux qui me font des misères parce que je nettoie leurs immondices, ce sont ceux-là qui salissent et participent activement à la dégradation de l’environnement. Croyez-moi, je suis arrivé à la conclusion selon laquelle les gens appartenant au statut moyen ou supérieur de notre société qui polluent le plus, et ce sont eux qui donnent le mauvais exemple à nos enfants.

Le peuple lui, est animé d’une force extraordinaire pour protéger son environnement, pour peu qu’on lui mette en place les moyens nécessaires.

- Est-ce que tu crois réellement qu’on arrivera un jour à dépolluer les espaces naturels de l’Algérie?

Oui, je cois fort, j’en suis même convaincu. Les Algériens manquent certes de civisme, ils salissent leur environnement immédiat et ne s’intéressent pas assez à le protéger. Il est fait ainsi car on n’a jamais rien fait pour lui inculquer l’éducation civique, pour le sensibiliser sur la nécessaire protection de l’environnement. L’Etat ne s’implique pas assez non plus, ce n’est que maintenant que les autorités algériennes commencent à prendre cette question au sérieux. Mais elles tardent à mettre les moyens pour cela.

Ma conviction de pouvoir changer les choses réside aussi dans ce nombre d’actions de volontariats qu’organisent des groupes de jeunes ici et là en Algérie. Ma pensée va vers ce groupe de femmes dans la ville d’Oran qui fait un travail remarquable dans plusieurs cités et quartiers de la ville. Il y a aussi ces associations qui s’intéressent sincèrement à la protection de l’environnement qui essaient de faire un travail remarquable malgré le peu de moyens dont elles disposent. Si chacun de nous donne un peu de soi pour nettoyer notre belle Algérie, l’espoir s’installera vraiment quand à un environnement dépollué.

Entretien réalisé par Fayçal GNAOUI



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