Algérie

L'autre Brassens...


Le spécialiste de Georges Brassens, l'auteur Renaud Nattiez, a animé mardi une conférence à l'IFA durant laquelle il a décortiqué pour l'assistance des phases clés de la vie du poète à travers un corpus de chansons.Ce mois d'octobre est marqué par un double événement : la célébration du centenaire de la naissance de Georges Brassens et l'anniversaire de sa disparition, respectivement le 22 octobre 1921 et le 29 octobre 1981. À cet effet, pour rendre hommage au ciseleur des mots, l'Institut français d'Alger (IFA) a organisé une conférence animée par Renaud Nattiez, spécialiste du chanteur.
Qui n'a pas fredonné ces classiques : La mauvaise réputation, Le gorille, Auprès de mon arbre ou encore Les amoureux des bancs publics... Plusieurs générations connaissent des titres de son répertoire, mais qu'en est-il de l'homme, de son parcours ou de sa pensée.
Pour répondre à ces questions, l'enseignant et haut fonctionnaire Renaud Nattiez (spécialiste également de l'univers de Tintin) a décortiqué pour l'assistance des phases clés de la vie du poète à travers un corpus de chansons, telles que Mourir pour des idées, La demande en mariage, La chanson de l'Auvergnat et Les copains d'abord, qui ont été interprétées sur la scène de l'IFA par le chanteur Karim Aounallah.
Lors de son intervention, Renaud Nattiez a d'emblée expliqué que malgré la disparition de Brassens depuis 40 ans, "il est toujours écouté et fait l'objet de sujets d'examens et est étudié dans les écoles. On dit souvent qu'il est un peu démodé, son langage d'un ancien temps et on passe vers une autre critique, Brassens est passéiste !".
À ce propos, l'auteur du dictionnaire Georges Brassens : d'Abélard à Zanzibar raconte que le poète aimait se référer au Moyen Âge, qu'il était un amoureux de la littérature classique. Cela veut-il dire qu'il soit passéiste '
Sur cette interrogation, M. Nattiez répond qu'il est "intemporel !", en citant pour exemple : "Dans ses textes, il parlait d'une bougie au lieu d'une lampe, pour lui la poésie était au-dessus de tout et une bougie lui paraissait plus poétique."
Loin d'être un simple interprète, chaque texte composé reflète une part de sa personnalité ou de son vécu, et cela a été démontré à travers la communication du conférencier.
Dans la compo Mourir pour des idées, écrite en 1972, "on arrive à un stade de la vie de Brassens où il s'est modéré dans ses prises de position, et cela pose un problème dans son engagement", indique-t-il. Sur la question "est-il un chanteur engagé", l'assistance apprend qu'en 1945-1946, il publiait des "articles virulents" contre le stalinisme et Louis Aragon, dans une revue anarchiste.
"Cet engagement politique s'est progressivement estompé. Une sacrée évolution ! Et je pense que Mourir pour des idées est une illustration de cette évolution." D'ailleurs, cette chanson "met en relief une forme de scepticisme très fort, une manière de dire : rien ne vaut la vie", indique l'auteur.
Outre l'engagement politique, Brassens était "contre" tous les engagements qu'il considère comme un "embrigadement" : il n'a jamais voté ou adhéré à un parti et syndicat et s'est même "opposé" à tout engagement privé, à l'exemple du mariage, alors qu'il a aimé deux femmes.
Selon Renaud Nattiez, l'interprète de Les passantes vivait modestement, et ce qui le "caractérisait" sur scène était son "minimalisme : une guitare, une chaise, un bassiste et ne parlait jamais au public, contrairement à Barbara qui faisait le show".
Concernant l'un de ses titres mythiques, à savoir La chanson de l'Auvergnat, sortie en 1954, il a rappelé qu'à ses débuts, en 1952, ses chansons étaient interdites d'antenne ou étaient diffusées à des heures tardives. Mais l'Auvergnat a changé la donne et l'a "réconcilié" avec le public.
"Certains même du public catholique considérait le titre comme une chanson chrétienne pour le refrain 'qu'il te conduise au père éternel'", informe-t-il. "Il a eu une éducation chrétienne très poussée. Quand j'ai réalisé mon dictionnaire sur les noms propres utilisés par Brassens, j'ai constaté que Dieu est le plus cité dans ses chansons ; c'est devenu comme un personnage." "Ce n'est pas Dieu qui est sa préoccupation majeure, mais plutôt l'au-delà et la question sur y a-t-il autre chose après la mort.
On peut caractériser la pensée de Brassens comme un humanisme d'inspiration chrétienne", souligne-t-il. Par ailleurs, Renaud Nattiez est revenu sur un "point" qui fait débat aujourd'hui : "Autant il a été provocateur en étant jeune, autant on le qualifie aujourd'hui de chanteur consensuel.
On entend peu de critiques extrêmement sévères et il est admis par la gauche comme par la droite." Et de conclure : "On a tendance à dire qu'il a perdu de sa force provocatrice et par plaire à tout le monde ! Je pense que Georges Brassens est un chanteur oxymore ; un chanteur de la complexité et des paradoxes."

Hana MENASRIA
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