Algérie

L'audace avant l'au revoir!



L'audace avant l'au revoir!
Scène du film The sea is behindDeux longs métrages du réalisateur marocain Hicham Lasri ont marqué la journée de vendredi, Strave your dog et La mer est derrière vous, un cinéma décalé, esthétiquement trash,mais hautement engagé politiquement.Le rideau est tombé vendredi sur les XIVes Rencontres cinématographiques de Béjaïa qui a vu présenter durant cette journée de nombreux films à la proposition cinématographique des plus audacieuses même si un peu dure au niveau de la démarche artistique et la portée politique indéniable qui en découle. Nous parlons bien évidemment des deux longs métrages du réalisateur Hicham Lasri, absent hélas aux Rencontres mais qui fut présent grâce à ses deux films qui rappellent encore C'est eux les chiens et The end. Même dispositif fiévreux dans le filmage, présence du chien, de la musique traditionnelle marocaine et puis cette boulimie de la parole et de la réflexion décousue à l'image d'une déflagration d'une société, dont d'aucuns rêveraient la voir disparaître et renaître autrement sous l'effet d'un tremblement de terre.Dans Strave your dog, Hicham Lasri aborde un épisode douloureux de l'histoire du Maroc (l'émeute du pain en 1981) à travers l'interview d'un célèbre homme politique, sur son rôle dans l'ancien régime plein de brutalité. De retour après 15 ans d'absence (d'emprisonnement') il se lance dans un long soliloque devant la caméra à parler des dysfonctionnements du pays, d'ambiguïté et la déchéance d'un système qui a abandonné ses enfants. C'est idem quand la caméra de cette équipe télé part enregistrer dans la rue le témoignage d'une vieille personne qui avoue ne pas avoir de quoi manger ou payer l'eau ou l'électricité. Puissamment intrigant comme discours, les membres de cette équipe télé où l'on voit se mettre à se méfier et avoir peur et se disputer entre eux.Le film est composé de séquences fractionnées et éparses, qui s'amoncellent comme des embryons désarticulés, mais nécessaires à ce brouillon de schéma sociétal qui part en vrille. Strave your dog est introduit dans chaque partie par une citation littéraire, musicale ou politique accompagnant comme une espèce de métaphore ce qui va suivre. Dans le second film de Lasri, La mer est derrière vous, son avant-dernier film, l'hypothétique salut de l'homme marocain est encore plus battu en brèche dans cet environnement hostile où les marginaux sont au centre du cadre et pourtant, d'aucuns rêveraient d'en sortir et passer à une vie meilleure sans doute plus colorée et douce que cette monotonie grise dans laquelle ils ont chuté.Tourné en effet en noir et blanc, ce film met en scène dans un monde délabré, un homme, alias Tarik campé par le formidable acteur Malek Akhmis, qui porte du maquillage et s'habille comme une femme. Il danse sur un bar conduit par un cheval mourant.Un flic tue ses enfants et prend possession de sa maison. Et depuis Tarik dépressif refuse de revoir sa femme, mais préfère se terrer chez une grosse prostituée quand il n'est pas en train de traîner avec les marginaux du quartier ou à danser. Avec le regard vide de toute énergie, voire de désir, il vogue, l'âme en peine dans les bas-fonds de cette ville qui suinte la crasse et la mort à plein nez. Fatigué de tout, il vivote et ne sait où se trouve la solution à son malheur. Mais ce rêve de posséder des bateaux pour fuir à l'instar d'un Tarek Ibn Ziad, célèbre pour sa phrase, «l'ennemi est derrière vous et la mer devant, où est l'issue'» Film noir et trash, La mer est derrière vous est un énième réquisitoire contre la politique d'exclusion des petites gens, et plaide pour la liberté dans un monde rempli de monstres, mais d'autres d'humains qu'on voit rarement. Punk dans sa façon de filmer à l'image de ses personnages, ce film donne à écouter qui plus est une bande son fortement rock n'roll, mais avec un zest d'humour qui finit par insuffler à ce film un cachet tragiquement plus pathétique et paradoxalement beau. Un film surtout sur l'amour et le détachement et la brisure intérieure. Un film fort, mais qui aurait mieux trouvé sa place ailleurs, qu'à la soirée de clôture. Néanmoins, fort heureusement la joie et le sourire étaient au rendez-vous lors de cette soirée avec l'octroi des récompenses aux lauréats des deux bourses, entrant dans le cadre de la seconde édition de Béjaïa Film Laboratoire.Ainsi, s'agissant de la bourse «Les ateliers sauvages» Hafid Tamzali et au regard de «la qualité» des quatre projets étudiés durant toute la semaine, le jury a décidé que les quatre méritaient de résider à l'espace «Les ateliers sauvages» pour affiner et développer l'écriture de leur texte, mais un seul partira avec une somme d'argent. Il s'agira de Abdelghani Raoui avec son projet de film fiction intitulé «Techniquement dur».La seconde bourse consacrée à l'aide au montage, appelée Mouny Berrah est revenue ex aequo à Sabrina Draoui avec Hada Maken (documentaire, Algérie) et Ouahib Mortada avec Mineurs (documen-taire, Maroc).Un autre film, projeté durant cette journée Jardin d'Essai, nous a interpellés.Nous y reviendrons plus tard. Aussi, la fin de la soirée ne pouvait se passer de la musique et de la vue de la mer, pour dire à la fois au revoir aux amis et au pays, pour certains, en attendant septembre 2017.En effet, les mélodies subversives du genre chaâbi et rap de Farid Diaz ont su se marier délicatement avec les effluves marines de la ville de Tichy pour dire encore plus l'espoir en un cinéma novateur, universel et libre, malgré le fâcheux épisode de la censure du film Vote off de Faycal Hammoum...
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