
L’Atlas archéologique de l’Algérie, publié en 1911 par l’historien et archéologue français Stéphane Gsell, est une œuvre scientifique majeure qui recense et documente les vestiges antiques du territoire algérien. Élaboré sous l’égide du Service des monuments historiques d’Algérie durant la période coloniale, cet atlas demeure une référence incontournable pour l’étude du patrimoine antique nord-africain. Depuis 2003, des institutions spécialisées du ministère algérien de la Culture et des Arts travaillent à son actualisation, intégrant de nouvelles découvertes et des technologies modernes pour enrichir l’inventaire du patrimoine culturel algérien.
L’Atlas s’inscrit dans un projet ambitieux des autorités coloniales françaises visant à cataloguer les vestiges de l’Antiquité et du Moyen Âge en Algérie. Dès 1873, des campagnes de prospection sont entreprises par le Service des antiquités, suivies en 1881 par le lancement officiel du projet d’un atlas archéologique. Ce travail s’appuie sur les contributions d’érudits tels qu’Adolphe Delamare, Amable Ravoisié, Adrien Berbrugger et Léon Renier, pionniers dans l’étude des antiquités algériennes.
Stéphane Gsell, membre de l’École française de Rome et archéologue attaché à l’administration coloniale, prend la direction du projet en 1902. Son travail, achevé en 1911, repose sur une combinaison rigoureuse de relevés de terrain, d’analyses de sources antiques et d’études épigraphiques. Les relevés sont réalisés par des officiers topographes, des archéologues et des membres du Service des antiquités, garantissant une approche scientifique et systématique.
L’objectif principal de l’Atlas était de cartographier et décrire les sites archéologiques pour préserver leur mémoire et faciliter leur étude. Il s’agissait également de mettre en valeur le riche patrimoine antique de l’Algérie, notamment les vestiges numides, romains, byzantins et islamiques.
L’Atlas archéologique de l’Algérie se compose de 51 feuilles cartographiques à l’échelle 1:200 000, chacune accompagnée d’un fascicule descriptif. Chaque feuille correspond à une zone géographique précise (cercle administratif ou commune mixte) et recense les sites archéologiques identifiés, incluant :
Cartes topographiques annotées : représentant les sites et leurs emplacements.
Descriptions détaillées : temples, nécropoles, thermes, routes, fortins, etc.
Inventaires des inscriptions : principalement latines, mais aussi d’autres origines.
Observations : état de conservation, toponymie et trouvailles matérielles.
L’Atlas couvre les principales villes antiques de l’Algérie, telles que Icosium (Alger), Cirta (Constantine), Hippo Regius (Annaba), Timgad, Cuicul (Djemila), Lambèse, Tipasa, Cæsarea (Cherchell) et bien d’autres. Il référence environ 10 000 toponymes, offrant une couverture quasi complète des régions riches en vestiges, comme Batna (feuille n°27), Cherchell (feuille n°4) ou Constantine (feuille n°17). Les régions frontalières du Maroc et de la Tunisie sont également partiellement incluses.
Le travail de Gsell se distingue par sa méthodologie rigoureuse. Les relevés de terrain, combinés à l’analyse des sources littéraires et épigraphiques, ont permis de produire un inventaire détaillé et fiable. Les inscriptions latines, en particulier, constituent une source précieuse pour les études épigraphiques, tandis que les descriptions des sites offrent un aperçu unique de l’état des vestiges au début du XXe siècle.
Malgré sa portée, l’Atlas reste incomplet, notamment pour les régions sahariennes, moins explorées à l’époque en raison de contraintes logistiques. Cependant, il a jeté les bases d’une archéologie scientifique en Algérie et a servi de point de départ pour de nombreuses recherches ultérieures.
L’Atlas archéologique de l’Algérie est rapidement devenu une référence incontournable pour l’étude de l’Afrique du Nord antique. Il a permis de préserver la mémoire de nombreux sites aujourd’hui disparus ou dégradés, tout en constituant une source essentielle pour l’épigraphie latine. Les travaux de Gsell ont été prolongés par ses successeurs, notamment à travers le Corpus des inscriptions latines d’Algérie et la série des Monuments antiques de l’Algérie.
L’Atlas a également inspiré des initiatives modernes. En 2021, une carte archéologique interactive a été dévoilée par le ministère algérien de la Culture et des Arts. Cette nouvelle version recense 15 200 sites, dont 7 640 issus de l’Atlas de Gsell et 7 652 nouveaux sites découverts depuis. Initiée en 2003, cette actualisation vise à compléter les données de Gsell en intégrant des zones peu explorées à l’époque coloniale et en utilisant des technologies modernes comme la cartographie numérique.
En 2023, l’actualisation s’est poursuivie, notamment dans la wilaya d’El Tarf, où le nombre de sites recensés est passé de 11 à 415 après une décennie de prospections. Ces efforts témoignent de l’engagement de l’Algérie à valoriser son patrimoine archéologique et à moderniser l’inventaire national.
Les feuilles de l’Atlas sont conservées dans plusieurs institutions prestigieuses, notamment :
Bibliothèque nationale d’Algérie
Bibliothèque nationale de France
Centre national de recherche en archéologie
Archives nationales d’outre-mer
Bibliothèque universitaire de l’Université Alger 2
Ces institutions garantissent l’accès des chercheurs et du public à cet ouvrage fondamental, tout en préservant ses précieuses données.
L’Atlas archéologique de l’Algérie de Stéphane Gsell demeure une œuvre pionnière dans l’étude du patrimoine antique nord-africain. Son exhaustivité, sa rigueur scientifique et sa portée historique en font un outil précieux pour les archéologues, historiens et épigraphistes. Les efforts d’actualisation entrepris depuis 2003 témoignent de sa pertinence continue, tandis que les nouvelles technologies permettent d’enrichir et de diffuser ce savoir. En préservant la mémoire des civilisations numides, romaines, byzantines et islamiques, l’Atlas reste un pilier de l’identité culturelle algérienne et un témoignage de la richesse de son passé.
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Rédaction