L'arche de Noé des humbles ménagères Le Ramadhan favorise le prêt sur gages

A Oran, cette perspective qui s'offre aux modestes ménages pour affronter les dépenses du mois connaît un grand « succès ». Une semaine avant le début du Ramadhan et même durant, l'agence de la BDL de Garguentah, seule banque spécialisée dans ce créneau, accueille des centaines de personnes, dont beaucoup de femmes, qui viennent mettre au clou leurs bijoux de famille. Chaque matin, de bonne heure, elles sont à faire la chaîne devant la banque, se disputant les places, alors même que les guichets sont fermés. Les bijoux à gager vont de coûteuses parures aux bracelets, en passant par de simples bagues, des boucles d'oreilles et autres gourmettes. Les sommes prêtées sont évaluées selon le poids des bijoux mis en gage. L'argent recueilli en contrepartie de la déposition de leurs précieux bijoux leur permettra de faire face aux exigences du quotidien, parfois pour améliorer leur ordinaire, en se permettant même quelques gourmandises dues à Sidna Ramadhan et inaccessibles pendant le reste de l'année. Certaines femmes, comme Mme Fatima-Zohra, sont des habituées de ce manège. A chaque Ramadhan elle met au clou ses bijoux et après l'Aïd, elle les récupère, ces enfants ayant, entre-temps, fait des pieds et des mains pour lui procurer l'argent du prêt : « N'ayant pas l'habitude de faire des emprunts chez des particuliers, je préfère cette formule qui n'occasionne aucun manque de dignité et qui, de surcroît, n'a jamais tué personne. Ainsi, subviens-je aux besoins de ma famille sans ''casser mon nez'' », ponctue-t-elle. Avec l'argent récupéré au mont de piété, les familles qui n'ont pas de revenus substantiels peuvent souffler quelque peu face aux incontournables dépenses qui les attendent. Pour leur part, les services de la BDL d'Oran assurent que des centaines d'opérations sont enregistrées quotidiennement : « Certaines femmes sont des habituées au point qu'elles sont devenues des amies de la banque », souligne un employé qui dit comprendre parfaitement le recours à ce moyen : « la dignité des déposants est intacte, car c'est une opération financière comme une autre ». L'Agence BDL d'Oran a un rayonnement régional puisque c'est la seule qui gage des bijoux pour les postulants de plusieurs wilayas de l'Ouest. On y vient même de la lointaine Tiaret. Les demandeurs proviennent d'horizons divers. Du simple fonctionnaire aux fins de mois difficiles, aux veuves sans revenus en passant par les retraités et les mères au foyer, la majorité des Algériens a eu, un jour ou l'autre, recours à cet emprunt salutaire. La banque a aménagé un espace spécial prêt sur gages. Plusieurs guichets ont été créés pour activer le procédé et sécuriser ces opérations. A noter que les délais de remboursement sont définis en même temps que les taux d'intérêts que la banque perçoit. Dans les cas exceptionnels où le client ne se présente pas, des mises en demeure sont adressées à l'intéressé avant que les bijoux gagés ne soient mis en vente aux enchères. Le malheur des uns faisant généralement le bonheur des autres, certains malins n'hésitent pas à se mettre dans la queue pour vendre leurs précieuses places aux familles qui viennent de loin ou qui sont pressées contre 600 dinars et plus.