«L'Andalou» de Mohamed Chouikh

Projection ? L'on s'attendait à une production approximative, décalée, manquant de crédibilité, mais c'est un film de bonne facture que Mohamed Chouikh a présenté, jeudi en avant-première nationale, à la salle El-Mougar.L'Andalou, une coproduction algéro-espagnole-tunisienne, est un film inattendu, il surprend de par sa qualité cinématographique, aussi bien sur le plan technique que sur celui du contenu.Cela fait plusieurs années que ce film traîne, près de dix ans que Mohamed Chouikh porte son projet, ô combien cher à son c?ur, et en dépit des contraintes, notamment financières, le réalisateur s'est refusé à baisser les bras. Déterminé, ayant foi en sa profession, il est allé jusqu'au bout de son projet. Et si Mohamed Chouikh n'a pas renoncé à son projet, c'est parce qu'il se passionne pour le cinéma. Une passion à laquelle il ne veut pas renoncer, malgré son âge avancé.La réalisation de L'Andalou s'est révélée longue et difficile, relevant du parcours d'un combattant, et malgré cela la détermination et le courage du cinéaste ont fini par payer.L'Andalou, à l'état de projet il y a quelques années, est finalement porté à l'écran, et le résultat est convaincant, gratifiant. On sort de la projection satisfait et, surtout, fier. Fier, parce que le défi est relevé.Le jeu s'est fait en langue arabe classique, et ce registre linguistique a été porté avec succès par les acteurs et actrices?: Mohamed Benbakreti, Malika Belbey, Bahia Rachedi, Hassan Kechach... Cela démontre de la maîtrise du dialogue par ces derniers, tout comme il démontre de la recherche dans ce dernier tant il y avait une justesse dans l'intonation et la prononciation. En plus, le scénario est travaillé.Le film se présente comme une révélation. Il s'est révélé à l'ouïe comme une déclamation poétique et aux yeux comme une peinture, une fresque riche en tons et en tonalités. L'Andalou n'est pas l'histoire sur l'Andalousie musulmane, mais le film raconte le destin de Salim qui, après la chute de Grenade en 1492, se réfugie en Afrique du Nord, en Algérie plus précieusement.Dans ce parcours mouvementé, fait de sursauts politiques et de rebondissements historiques, c'est l'histoire de l'Algérie, celle de la fin des temps médiévaux et début de l'ère moderne, qui est racontée, puisque Salim se trouve, malgré lui, au c?ur des événements qui secouent le Maghreb, plus particulièrement l'Algérie?: la Reconquista espagnole qui a poussé l'Espagne à occuper les côtes algériennes, et l'arrivée des Turcs en Algérie, des aventuriers, devenant ainsi les nouveaux maîtres du pays.L'on assiste alors à des bouleversements sociopolitiques et de profondes mutations historiques. L'Algérie subit l'Histoire et à la fois elle en fait partie. Elle est face à son destin.L'Andalou est certes un film historique, racontant un pan de l'histoire moderne de l'Algérie, une des périodes charnières de son histoire, mais le film s'avère un clin d'?il, un renvoi au présent et à son actualité. Le film, implicitement, nous renseigne sur les bouleversements qui agitent aujourd'hui le Maghreb, les conflits qui menacent nos frontières, les menaces des appétits des puissances occidentales qui planent dangereusement au dessus du pays. Car, une fois encore, l'Algérie se trouve au c?ur d'une autre période charnière de son histoire. Elle subit les événements mais en même temps elle est actrice. Elle vit des moments difficiles, délicats, décisifs. Elle est une fois encore face à son destin. Et pour que l'adage qui dit que «l'histoire est un éternel recommencement» ne s'applique pas cette fois-ci sur elle, l'Algérie doit agir, en tenant compte de son passé riche en leçons. L'Andalou est un enseignement sur notre histoire passée, il est aussi un miroir de notre présent, présent sur lequel il nous fait interroger et nous incite à prendre nos dispositions.