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L'Algérie souffre de la maladie hollandaise



L'Algérie souffre de la maladie hollandaise
En s'appuyant uniquement sur les hydrocarbures, elle a hypothéqué son développementDepuis les années 1970, l'économie algérienne est atteinte d'un syndrome qui empêche le décollage et la prive de fructifier son gigantesque potentiel.
Costume sombre, cravate bleu ciel, chemise immaculée et cheveux blanchissant, Ahmed Ouyahia avait, hier, l'air d'un médecin en train de décrire le malaise dont souffre un patient grabataire. Devant une Assemblée médusée par tant de science, il a établi un diagnostic franc et clair avant de préconiser une cure à long terme.
Le remède se compose certes de pilules amères et d'un régime strict, avait-il avoué à demi-mot. Mais c'est, selon lui, le seul traitement pour remettre sur pied l'économie algérienne, ce grand corps malade atteint d'un syndrome chronique répondant au nom exotique de «maladie hollandaise». Ce médicament qui s'appelle «financement non conventionnel» a déjà été administré, selon ses précisions, aux Etats-Unis d'Amérique et en Europe pour soulager la fièvre causée aux puissances occidentales par la crise des subprimes. Mais c'est quoi au juste la maladie hollandaise que les Anglo-Saxons désignent par «the Dutch disease»'
Eh bien, c'est un état qui se caractérise par un boum dans le secteur des ressources naturelles et un repli du secteur manufacturier. Autrement dit, lorsqu'un pays tire ses revenus d'un seul produit et néglige le reste de son potentiel, il devient riche, mais s'appauvrit en même temps.
Ce phénomène a été décrit pour la première fois en 1977 par l'hebdomadaire britannique The Economist après l'observation du mal étrange qui affectait les Pays-Bas. Ce petit royaume qui s'était enrichi en exploitant, dans les années 1960, un nouveau gisement de gaz était paradoxalement entré en récession quelque temps plus tard. En se reposant sur ses exportations gazières au détriment des autres secteurs, il avait connu un désinvestissement fatal. Dans la même foulée, sa monnaie, le florin, s'était rapidement appréciée et a rendu ses exportations nettement plus chères. Du coup, les marques néerlandaises, notamment la fameuse Phillips, avaient perdu de leur compétitivité sur le marché mondial au profit de leurs concurrents étrangers. Par conséquent, à cause de la baisse des commandes, de nombreuses entreprises avaient licencié une partie de leur personnel et le chômage avait bondi de 1% en 1970 à plus de 5% en 1977.
L'Algérie a attrapé la maladie hollandaise dès les années 1970. En s'appuyant uniquement sur les hydrocarbures, elle a hypothéqué son développement même si le gouvernement de l'époque s'affairait à construire des usines à tour de bras en accumulant les dettes. Après la mort de Houari Boumediene et l'arrivée de Chadli Bendjedid, cette dynamique s'était brutalement arrêtée pour être remplacée par un embryon d'une société de consommation. Mais en 1986, à l'occasion du premier contrechoc pétrolier, le pays a reçu un sévère retour de flamme. Pour avoir cru que le cours de l'or noir n'allait jamais fléchir, il s'est exposé à l'assèchement de ses finances publiques et à l'effondrement de son économie. L'ajustement structurel qui lui a été alors imposé par le FMI en contrepartie du rééchelonnement de sa dette extérieure a été extrêmement douloureux et s'était accompagné d'un accès de violence dévastateur.
A partir du milieu des années 2000, le baril a repris son envol et la situation financière du pays s'est nettement améliorée. Mais, comme chat échaudé craint l'eau froide, l'Etat sous Abdelaziz Bouteflika a pris quelques précautions par crainte du retour des vaches maigres. Un Fonds de régulation des recettes a ainsi été créé pour servir d'airbag en cas de nouvelle collision; et celle-ci a fini par arriver en 2014. Sauf qu'entre-temps, la structure de l'économie algérienne restait fortement dépendante des importations sans pouvoir sortir de la malédiction de la mono-exportation. Même aujourd'hui, 95% de ses recettes proviennent du gaz et du pétrole. Des montants engloutis, pendant une décennie et demie, par le budget courant pour couvrir les dépenses publiques au préjudice de la production des richesses.
C'est un cas typique de la maladie hollandaise qu'on retrouve dans pratiquement tous les pays qui ont fait le choix de vivre exclusivement de leurs matières premières. Le Venezuela, le Nigeria, l'Arabie saoudite et, à un degré, moindre la Russie. Le Burkina Faso avait lui aussi subi le même revers pour avoir fondé son développement sur l'exploitation et l'exportation de coton. En revanche, la Norvège, grand producteur de gaz, et le Chili, grand producteur de cuivre, ont isolé ces mannes de la roue de la fortune et diversifié les sources de leurs rentrées.
En un mot, comme disent les financiers et les grands-mères, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et garder toujours une poire pour la soif.
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