Algérie

«L'Algérie est revenue dans ma vie»



«L'Algérie est revenue dans ma vie»
-Vous dites que vous avez toujours su que vous devriez un jour vous rendre en Algérie... Pourquoi et comment est née l'idée de ce livre et donc du voyage 'Il y a d'abord eu le voyage, et le livre des années plus tard. Le désir du voyage était présent en moi dès mon enfance, un voyage fantasme, un voyage impossible pendant longtemps mais rêvé quand même. Puis, il y a eu deux déclics puissants et quasi simultanés : la mort de ma grand-mère pied-noir et la fin de mon couple. C'est-à-dire l'effondrement de deux repères que je pensais être fondamentaux dans ma vie. J'ai fait ce voyage et j'ai emmené mon père avec moi, car sans lui ça n'avait pas de sens : c'est lui qui est né dans ce pays, pas moi, c'est lui qui y a appris à marcher, à parler, à écrire, à aimer, pas moi, c'est lui qui y a passé toute son enfance et son adolescence, pas moi. C'est lui qui a connu l'exil et la douleur, pas moi. C'est lui aussi qui m'a transmis tout cela. J'ai hérité de son exil et de sa douleur. Le désir du livre a surgi bien plus tard. Je ne pensais pas écrire le récit de ce voyage, je n'en ai eu l'idée ni avant ni pendant. Cette idée et ce désir m'ont rattrapée des années plus tard alors que je ne m'y attendais plus et que je n'arrivais plus à écrire. L'Algérie est revenue dans ma vie, cette fois sous la forme d'un texte.-«Enfant j'étais fière d'être fille, petite-fille, arrière-petite-fille de pieds-noirs, ensuite j'en ai eu honte». L'histoire de votre famille est assez complexe. De l'Espagne à la France en passant par Oran, elle illustre les soubresauts politiques. L'adulte que vous êtes devenue est-elle réconciliée avec l'enfant 'Je n'ai jamais été fâchée avec l'enfant que j'étais. Mon chemin (celui de ma famille) n'est pas une ligne droite, j'avance sur ma route, parfois je tombe, je marche dans la boue, je me tords la cheville, mais je me relève et continue à avancer. Il y a eu un moment quand j'étais toute petite, où j'ai porté l'exotisme de mes origines familiales comme un bijou. Après, quand j'ai eu une conscience historique et politique, je l'ai trouvé bien lourd à porter ce bijou. Ensuite, j'ai essayé de savoir qui étaient vraiment les pieds-noirs de ma famille, comment ils vivaient, ce qu'ils ont fait. J'ai arrêté de juger. Et j'ai fait ce voyage. Puis, j'ai écrit d'autres livres qui n'avaient «rien à voir». Et, finalement, celui-là.-Trois jours à Oran, ce séjour vous a-t-il permis de vous réapproprier votre «algérianité» 'Le voyage m'a permis d'arrêter le fantasme et de passer à l'acte, de voir les vrais lieux d'aujourd'hui, de recadrer l'image, de la «coloriser» et de trouver ma place dedans. Il a amorcé un lien 44 ans après une rupture qui semblait définitive. Le livre a définitivement renoué ce lien, loin des ranc'urs stériles et d'une nostalgie nauséabonde. Les réactions autour du livre ont largement dépassé tout ce que j'aurais pu imaginer. J'ai reçu en France des centaines de lettres. En Algérie, une classe de collégiens de 13 ans a étudié mon livre et j'ai été invitée à Alger pour les rencontrer. Un moment d'une grande émotion et d'une immense richesse, et qui contredit toutes les idées reçues.-Votre livre est à la fois un récit journalistique et un exercice littéraire, comment définiriez-vous votre écriture 'Je ne suis pas journaliste, je ne l'ai jamais été. Je suis écrivain et ce texte est mon 8e livre publié, il s'inscrit dans un parcours d'auteur, sur un chemin d'écriture, il est né de la nécessité et du désir, il a fini par s'imposer à moi et il est assez différent de mes livres précédents car très autobiographique et très ancré dans le réel, avec une grande part de subjectivité, puisqu'il s'agit de mon seul point de vue, de mon regard (ce qui est le contraire d'une démarche journalistique). J'adapte mon écriture aux sujets que je traite. Mon roman précédent qui avait pour cadre le quartier de Pigalle à Paris était très baroque, très lyrique, une sorte d'opéra citadin. Pour Trois jours à Oran, au contraire, j'ai voulu le plus de sobriété possible, de pudeur, avec une énergie et une intensité qui en font un texte résolument tourné, je le crois, vers l'avenir. C'est plus une sonate pour piano.





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