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L'Afrique à reculons


L'Afrique à reculons
Un million de personnes (selon les chiffres des organisateurs) est sorti, mardi, dans les rue de Ouagadougou au Burkina Faso, pour dire son opposition à la révision de la Constitution. Une telle manifestation est exceptionnelle en Afrique. Les Burkinabés s'opposent à une révision de la loi fondamentale qui libérerait la voie pour un troisième mandat au président sortant, Blaise Campaoré. Celui-ci accéda au pouvoir en 1987, suite à un putsch, et est à la tête du Burkina depuis 27 ans. Mais ce n'est pas le «seul» pays africain à revenir sur le processus démocratique en abrogeant la limitation à deux mandats de la magistrature suprême. Quatre pays ont entamé - ou en voie de le faire - le processus de révision de leur Constitution pour revenir à des mandats présidentiels sans limitation d'âge et de mandats. C'est là, un trait désormais distinctif de l'Afrique qui a fait un pas en avant, aussitôt suivi par deux pas en arrière. Le monde va de l'avant, le continent noir recule. Certes, des pays africains, heureusement encore nombreux, qui ont adhéré à la culture de la démocratie et de l'alternance au pouvoir, résistent à la tentation de revenir sur le bond qualitatif qu'ils ont effectué à l'aube du XXIe siècle. C'est un acquis à souligner. Mais dès lors que des pays - ne serait-ce qu'un seul - reviennent à l'ancien modèle de gouvernance, est en fait un échec pour toute l'Afrique. Un échec préjudiciable qui annule les efforts réalisés ces dernières années pour se mettre en phase avec la gouvernance universelle. Or, neuf pays - dont l'Algérie - ont déjà franchi le Rubicon en modifiant leurs lois fondamentales permettant la sollicitation de plusieurs mandatures présidentielles. Ainsi, le Burkina franchit à son tour le pas et quatre autres vont suivre, dont la RD du Congo, qui se préparent à le faire. Quatorze Etats sont revenus ou vont revenir sur le système de l'alternance au pouvoir qui assure le renouvellement cyclique de la classe politique et dirigeante d'un pays. Chassé par la porte, le système sclérosé revient par la fenêtre. Cela est préoccupant. D'autant plus que de nombreux pays africains sont toujours scotchés au régime du parti unique - le Zimbabwe de Robert Mugabe, 90 ans, au pouvoir depuis 1980 en est le représentant emblématique - qui n'ont pas évolué vers le pluralisme et l'ouverture du champ politique. Or, voici des pays qui ont donné l'exemple de cette évolution vers le partage du pouvoir qui reviennent sur la velléité d'ouverture constitutionnelle fixant l'exercice de la magistrature suprême. Nombreux ont justifié cette reculade politique - qui est également un recul de la démocratie - par le fait que le concept de gouvernance et d'alternance au pouvoir est un concept étranger, importé, qui ne conviendrait pas à l'Afrique. Argument spécieux qui fait des Africains des êtres à part, inaptes à la démocratie et, corrélativement, à la citoyenneté, quand les dirigeants de l'Afrique se mettent sur un piédestal qui fait d'eux des hommes hors du commun. Certes, une telle image est triviale et n'a que peu de rapport avec la réalité africaine. Cela étant, c'est encore en Afrique que l'on rencontre des dirigeants qui dépassent les 30 et 40 ans au pouvoir. Faut-il s'en étonner quand c'est en Afrique que le pouvoir «républicain» se lègue de père en fils ou par transmission parentale' Des dirigeants africains s'identifient tellement au pouvoir qu'ils refusent de le céder, quand d'aventure, l'urne est contraire à leurs desseins. C'est en Afrique (en Côte d'Ivoire précisément) qu'un président quoique battu au suffrage universel, refuse d'admettre le fait et partir sans esclandres. Or, Laurent Gbagbo, président à l'époque, en 2010, refusa de partir, mettant son pays au bord de la guerre civile. Le fait que des dirigeants africains refusent l'alternance au pouvoir, allant jusqu'à exclure de le quitter, même quand ils sont «libérés» par les électeurs, témoigne d'une culture anormale de l'exercice du pouvoir. Aussi, tant que le minimum de démocratie et de liberté n'est pas redonné aux peuples africains, il est patent que notre continent continuera à stagner et, pire, à connaître d'autres épisodes comme ceux ayant défrayé la chronique en Côte d'Ivoire. L'Afrique est en fait malade de présidents au long cours et de dictateurs qui la marginalisent dans le concert des nations. Le fait que des pays africains reviennent, peu à peu, sur leurs avancées démocratiques est, à n'en point douter - quel que soit l'angle sous lequel on l'examine - un retour à la dictature, aux dictatures. L'Afrique, mal barrée, est de la sorte mise dans l'incapacité de conjurer le sort.


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