Algérie

L'affaire de «Sofia-Safia» devant la justice à Oran : Deux pères pour une même fille



Elle s'appelle Safia, avec un «a», selon les uns. Elle s'appelle Sofia, avec un «o», selon les autres. Cette différence phonétique, du reste assez symptomatique, n'est qu'une des multiples facettes d'un profond et non moins délicat sujet de discorde qui met aux prises, il y a aujourd'hui presque huit ans, soit l'âge de cette fillette, une famille algérienne à une famille française. Politisé outre mesure, le dossier a débordé de son cadre d'une affaire de statuts personnels, avec comme enjeu : «qui aura la garde de l'enfant ? », pour se métamorphoser vite en une affaire d'Etat en un dossier suivi de très près par le gouvernement de l'Hexagone et même par l'Elysée, et qui tient en haleine l'opinion publique de part et d'autre de la Méditerranée. La Cour de justice d'Oran, qui était appelée à statuer sur l'affaire, et par-là même à fixer le sort de Safia, a prolongé hier le suspense, l'impatience des uns et des autres aussi, pour deux autres semaines, renvoyant, temporairement, dos à dos les deux familles protagonistes. La chambre des statuts personnels près la Cour d'Oran a, en effet, mis en délibéré sa décision pour le 17 mai quant à la «promulgation» de l'expertise du laboratoire de la police scientifique d'Alger, dont les tests ADN effectués sur Yousfi Mohamed et la petite Safia sont sans équivoque : «cet Algérien est bel et bien le père biologique de l'enfant». Selon une source proche du dossier, le juge a reporté le jugement sur demande du conseil de Jacques Scharbook, qui a réclamé qu'un délai lui soit accordé pour prendre connaissance du contenu du rapport d'expertise.

Se refusant de plier aux résultats des scientifiques, le ressortissant français qui, autrefois, résidait à Arzew, bien avant qu'il n'ait été représentant de la maison Renault en Algérie, Jacques Scharbook clame toujours qu'il est le géniteur de «Sophie Scharbook» et n'a qu'une seule hâte : prendre «sa» fille entre ses bras et regagner la France avec elle par le premier vol. Dans une déclaration à la presse française, Jacques Scharbook s'est dit prêt à s'enchaîner aux grilles de l'Élysée pour crier son désespoir. « Je ne veux plus me contenter de simples assurances. Je veux qu'on me rende ma fille. Que ce soit une décision algérienne, ce n'est pas mon problème. Sophie est Française et la Constitution de notre pays dit bien que l'État doit aide et assistance à ses ressortissants ». Son voeu est pieusement et énergiquement partagé par sa propre famille, sa mère et sa soeur notamment, dont «les corps sont à la Seyne-sur-Mer les coeurs sont à Oran». Mais, de l'autre côté, il y a la famille maternelle de «Bouabdellah Safia», solidement rassemblée autour de l'intraitable et infatigable grand-mère, qui n'est pas prête à céder leur enfant pour rien au monde. Pour la tante maternelle de Safia, il n'y a pas l'ombre du doute : «Safia est la fille de Yousfi Mohamed, le premier époux (par acte civil établi en France) de ma défunte soeur (la mère de Safia décéda dans un accident de la route en mars 2005). Ma soeur a découvert que son deuxième mari, Jacques Scharbook, avait falsifié l'extrait de naissance de son nouveau-née Safia (venue au monde, à Var, le 10 décembre 2001)». En effet, Jacques Scharbook a, à l'insu de sa femme, enregistré à l'état civil de Var le nouveau-née sous le nom de Scharbook Sophie». Une initiative que la mère a si mal appréciée qu'elle a décidé de rentrer au bercail pour s'installer chez sa mère et demander le divorce, mais le divorce lui a été interdit car c'était un mariage non valide en Algérie. La famille maternelle de Safia s'étonne : « 59 ans, Jacques Scharbook, veuf après trente ans de mariage, qui n'a jamais eu de descendance, veut aujourd'hui nous prendre pour des imbéciles en nous racontant que c'est lui le père de l'enfant. Sophie est la nôtre, c'est une Algérienne. Elle doit rester auprès des siens, c'est une musulmane». L'on saura hier auprès de l'avocat de la famille maternelle de Safia, maître Rabeh Berbadj, que Cheikh El-Qaradaoui, qui est déjà intervenu sur le cas de Safia à travers une chaîne de télévision arabe, et ce, d'un point de vue de la «charia islamia», fera bientôt le déplacement en Algérie où il plaidera la cause de sa famille algérienne.





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