Algérie

KIOSQUE ARABE Génocides et incidents isolés



Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
«Dénoncer les agressions extérieures, c'est bien. Ne pas se taire devant les atteintes intérieures à la République, à la démocratie et aux droits de l'Homme, devant la dictature de l'administration, la clochardisation des villes et villages, c'est mieux.»
(Abdou B. Le Quotidien d'Oran du 29 décembre 2011).
Une équipe d'observateurs envoyée dans un pays en proie au chaos sous la direction d'un officier soupçonné d'avoir créé des milices au Darfour. Il faut encore espérer que les autres membres de la mission d'observation arabe en Syrie ne traînent pas de casseroles aussi bruyantes.
Mais, on conviendra que le principal élément de suspicion provient justement de l'identité et de la procédure de désignation de ces observateurs, apparemment choisis par les gouvernements des «pays frères». Les cyniques et les stratèges nous expliqueront qu'il faut des hommes chevronnés pour évoluer dans un tel climat de guerre civile. Si les images sont bien ce qu'elles prétendent, ces observateurs doivent, effectivement, avoir beaucoup d'expérience et de vista pour échapper aux balles dites perdues. On reste quand même sceptiques surtout lorsqu'on entend la Russie de Poutine applaudir et qu'on voit Damas se prêter au jeu. Vendredi dernier, on a même vu à Damas des manifestants choisir comme lieu de rassemblement des sites couverts par les observateurs arabes. C'est déjà un progrès ! Un progrès qui laisse toutefois beaucoup de place au scepticisme, surtout du côté kurde de l'opposition syrienne. Le dirigeant kurde Fouad Alikou a, en effet, invité les observateurs arabes à se déployer aussi dans les régions kurdes. «Malgré le calme relatif qui y règne, ils trouveront dans nos villes et villages les mêmes slogans hostiles au régime que ceux utilisés ailleurs dans le pays», a-t-il dit dans une déclaration à Al-Arabia.Net. Il a noté, d'autre part, que le régime syrien n'avait encore libéré que 750 détenus sur les 50 000 arrêtés depuis le début des évènements. De ce fait, at- il ajouté, il n'y a aucune chance que la mission des observateurs arabes réussisse. Quant aux relations avec l'opposition syrienne organisée(1), Fouad Alikou a souligné que les Kurdes étaient disposés à l'union à condition que soit reconnu le droit à l'autodétermination du Kurdistan syrien. On sait que l'intellectuel Borhane Ghalioune, chef de l'opposition syrienne, avait commis en septembre dernier le premier impair de sa jeune carrière politique en assimilant les Kurdes aux minorités religieuses qui vivent en Europe. Cet arabisme rétrograde avait irrité les dirigeants kurdes au point de les amener à se démarquer du mouvement de protestation contre le régime de Damas. Pour l'opposant kurde, le déploiement des observateurs arabes ne servira à rien s'il n'est pas suivi immédiatement d'un début de règlement de la crise politique. Il explique sa vision pessimiste par sa méfiance à l'égard du pouvoir qui n'a nullement l'intention, selon lui, d'associer toutes les forces politiques au dialogue national. Ceci dit, il est dans la nature kurde d'être pessimiste, surtout au regard de ce qui se passe dans les autres régions de l'ancien Kurdistan. Quelques jours après avoir dénoncé le génocide français en Algérie, ce qui a eu le don de réveiller et d'émoustiller nos patriotards revanchards, Erdogan s'en est allé massacrer quelques villageois kurdes. Le gouvernement turc a qualifié d'incidents la mort de dizaines de civils kurdes qui auraient été bombardés par l'aviation turque par erreur. Mais comme, nous les Algériens, savons distinguer nos amis de nos ennemis, et que nous œuvrons à rétablir l'empire islamiste ottoman, réputé naguère pour son humanisme, nous pardonnons ces «incidents» au frère «Tayip», dont nous avons fait un «Tayeb». Erdogan est d'ailleurs tellement sûr de notre indulgence et de notre soutien, qu'il a remis ça le lendemain et fait bombarder un autre village kurde. Notre confrère syrien, originaire du Kurdistan, Tarek Hamou, explique cette semaine dans le magazine Elaph pourquoi la version du bombardement par erreur ne tient pas. Tout le monde sait, dit-il, que les habitants pauvres de ces régions frontalières n'ont d'autres ressources que la contrebande, puisqu'ils refusent de s'enrôler dans les mil ices gouvernementales (formées pour lutter contre la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan). Ce n'est donc pas un convoi militaire que l'armée turque a décimé, mais un groupe de contrebandiers, dont 25 appartenaient à une même famille, et parmi eux de jeunes étudiants. Tarek Hamou s'indigne surtout du silence des pays arabes voisins, notamment celui du gouvernement autonome du Kurdistan irakien. «Il a condamné la mort de soldats turcs, tués par les combattants du PKK, mais il se tait devant le meurtre de civils innocents. On peut toujours attendre qu'il publie un communiqué dénonçant ce nouveau crime du gouvernement turc», note le journaliste réfugié en Allemagne. Quant au Conseil national syrien, ou Conseil d'Istanbul, comme l'appelle Tarek Hamou, son seul souci est de ménager le parti islamiste au pouvoir en Turquie. Ce Conseil, que dirige Borhane Ghalioune, est sous la coupe du mouvement des Frères musulmans. Silence aussi du côté de l'Association mondiale des théologiens (fondée et présidée par Karadhaoui), et de l'OCI, ajoute- t-il. S'adressant enfin plus particulièrement aux admirateurs du Premier ministre turc, Tarek Hamou s'insurge : «Oui, cet Erdogan sur la tête duquel vous jurez, en qui vous voyez votre modèle d'avenir, tue le peuple kurde et ne s'en excuse même pas. Oui, messieurs, votre Erdogan que voilà nous tue, qu'avez-vous à dire '» Dans ce cas, comme dans d'autres, il faut de la patience. Le Parlement français a attendu janvier 2001, soit 86 ans, pour reconnaître le génocide arménien de 1915. Sous prétexte de défendre la cause arménienne et pour des motifs purement électoralistes, la droite française vient de nous envoyer un message clair. Ce n'est donc pas en 2012, année du cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne, qu'il faudra attendre des excuses officielles pour les crimes colonialistes. À défaut, on pourra toujours utiliser la rancœur et les ressentiments pour donner du piquant à des campagnes électorales qui s'annoncent bien mornes, de part et d'autre.
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