Algérie

Keltoum, une étoile éternelle



Tous ceux qui ont suivi de près l'activité artistique de Keltoum (1916-2010) gardent  toujours gravé dans leur mémoire le succès qu'elle a obtenu en interprétant ses rôles de théâtre ou de cinéma. Elle a su réunir en un tout, la profondeur du sentiment, la richesse de «l'algérianité» et la logique d'interprétation. Découverte par Mahieddine Bachetarzi, à  Blida, en 1935, elle devient très vite la première actrice de sa troupe. Elle s'est efforcée, et y a réussi dès la fin des années trente, de transmettre au public (algérois notamment) les pensées et les idées des œuvres qu'elle interprétait. Elle chantait merveilleusement, dansait comme un papillon insaisissable et campait les personnages avec un brio qui se rapproche fortement de la réalité. Dans la troupe de Mahieddine Bachetarzi ou on est acteur polyvalent ou on est... rien ! Il fallait attirer le public par tous «les trucs divertissants», car, en face, il y a «le théâtre français séculaire». Pour Bachetarzi, il fallait coûte que coûte que «les Algériens aient leur théâtre». (1) Keltoum était «la perle rare» que Mahieddine Bachetarzi cherchait. L'énorme succès que cette artiste obtint s'explique aussi par le fait qu'elle a su pénétrer,on ne peut mieux,l'âme et le caractère des personnages qu'elle jouait ; elle rapprocha leur psychologie de notre mentalité, les rendant ainsi plus compréhensibles aux Algériens. Avant 1954, elle incarnait souvent « la jeune fillle algérienne» émancipée et sûre d'elle. Il fallait le faire à  l'époque ! L'interprétation de Keltoum s'est toujours fondée sur une grande simplicité, sur la solution de l'ensemble et des détails musicaux. Elle s'efforçait d'être naturelle en toutes circonstances. Elle a (presque) toujours apporté quelque chose de nouveau et de particulier au rôle qui lui était confié. Ce furent ces mêmes qualités qu'elle inculqua aux jeunes talents qui ont rejoint la troupe de Mahieddine Bachetarzi ou qui l'ont connue au théâtre ou au cinéma dans les années soixante et soixante-dix. Elle s'appliqua à  « former» leur goût musical, à  éveiller en eux le sentiment de la responsabilité que l'acteur doit avoir envers «le personnage» qu'il interprète, à  leur faire acquérir (en jouant devant eux et en les conseillant) de vastes dimensions émotionnelles, le pouvoir communicatif et expressif, la force de l'intuition, l'acuité analytique et généralisatrice, ces qualités qui l'ont de tout temps caractérisée. Certes, il ne lui était pas facile de s'adonner à  sa profession. Les préjugés de la société algérienne analphabète lui ont créée d'énormes problèmes y compris avec ses parents. Toutefois, le désir ardent, la passion, la conviction qu'un jour allait venir où son «art» se répandrait dans tous les coins du pays, l'armèrent de courage pour aller de l'avant. Keltoum avait toutes les qualités des grandes pionnières. Elle sut faire vibrer la corde sensible de ce peuple, pourtant croyant, dur comme fer en «sa masculinité». Cependant, Keltoum déploya sa vraie activité après la libération du pays. Alors, seulement, elle put réaliser quelques grands rêves de sa vie. Elle interpréta au théâtre et au cinéma toute une suite de rôles, parmi lesquels la protagoniste du film légende Le vent des Aurès (prix de la première œuvre à  Cannes en 1967) réalisé par M. L. Hamina. Son rôle dans ce film est sublime, digne des jeux des plus grandes actrices du cinéma mondial. Qui peut oublier «cette mère» éplorée, accrochée aux barbelés de la Ligne Maurice, dont les larmes et le sang (les barbelés déchirant ses mains) se mélangent pour former un seul ruissellement, une seule Algérie '

  1) M. Bachetarzi – Mémoires – tome 2 – SNED, Alger 1981
 



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