Algérie - Actualité littéraire

Kamar Idir croque les portraits d’Algériens exilés



Kamar Idir croque les portraits d’Algériens exilés
Kamar Idir, journaliste, photographe vient de publier son quatrième 
ouvrage. Mais dans celui-ci, il signe à la fois les textes et les images. Photo DR L'utilisation de l'article, la reproduction, la diffusion est interdite - LMRS - (c) Copyright Journal La Marseillaise

Kamar Idir, photographe, homme de radio kabyle et marseillais dans l’âme, croque en images et en textes les portraits d’Algériens exilés. Son livre «D’une rive à l’autre, des vies fragiles » explore avec tendresse la vie de ceux qui ont quitté pour la plupart contraints et forcés leur pays d’origine.


Si vous fréquentez les mêmes manifestations que nous, à la Marseillaise, si vous êtes ouvrier, femme de ménage, militant humanitaire, étudiant, lycéen, clandestin, vous avez sûrement croisé Kamar Idir au moins une fois dans votre vie. L’appareil photo en mains, ou un micro pour capter vos regards et vos paroles. Toujours avec respect et tendresse.

«J’essaie d’être un témoin des différents traumatismes vécus par mes compatriotes, à différentes époques et pour des causes multiples ». Kamar nous parle bien sûr de la colonisation, mais aussi de la décolonistation, puis de la véritable guerre civile des années 1990. Et sur ce dernier point, le journaliste qu’il était alors à Alger, en connaît un rayon.

Collaborateur de plusieurs organes de presse de son pays, il est lui même contraint à l’exil en 1994. Sa blessure à lui, ses cicatrices, son traumatisme, c’est d’avoir eu à déplorer la mort de confrères, d’artistes, de penseurs, d’intellectuels, de citoyens en lutte contre l’obscurantisme. « Et si tu ne pars pas, m’ont dit un jour mes parents, ma famille, ma mère, ma soeur, cela va être dramatique ».

Contre l’humiliation sous tous ses formes
Pour autant, le combat de Kamar pour la dignité et l’humanité ne prend pas fin dès qu’il met le pied sur cette rive de la Méditerranée. Son propre exil forcé le conduit dans la rue, les foyers, auprès de milliers de ces compatriotes, victimes comme lui de la violence et de l’obscurantisme sous toutes ses formes. Car ce photographe n’a pas peur de combattre les mauvais clichés. Il parle « de ses amis pieds noirs, avec lesquels ils jouait dans la rue, des médecins français qui venaient nous soigner. Je me souviens aussi de cette soeur catholique infirmière qui se déplaçait pour une piqure, un petit bobo. Elle avait une voiture, une 4L, qui ne démarrait jamais et qu’il fallait pousser pour qu’elle puisse continuer à visiter des gens comme nous». Oui, je l’imagine, devaient aussi remettre en route ce véhicule à bout de souffle ». Ces images de cet enfant né en 1958, ne quitteront jamais Kamar Idir.

Et peut être l’ont-elles tellement habité qu’il a recherché ces lueurs dans le regard, ces voix de l’intérieur de ses compatriotes exilés qui faisaient écho à son propre traumatisme.

Le jeune enseignant en photographie qu’il était alors dans ses années algériennes, s’intéresse aussi à la formation des Kabyles. « Déjà tout petit, je m’intéressais aux images, au cadrage ». A Alger, son chemin croise celui de cinéastes comme Youssef Chahine ou de l’homme de théâtre Abdelkader Alloula, victime d’un acte terroriste à Oran. Dans la période qui a précédé son exil, Kamar collabore avec des magazines interdits, comme le « Jeune indépendant». « Je suis d’ailleurs l’un des membres fondateurs de ce journal plus ancien qu’Al Watan», autre titre phare de la presse algérienne. « Je suis un rescapé de tout cela, sourit-il. Et je n’abandonne ni la rue ni l’image qui m’ont aidé à me construire. C’est le contact qui fait l’essentiel. Je suis un homme qui aime les histoires de la vie, tout simplement. Et la vie que j’aime me le rend bien, qui m’a conduit au coeur du Sahara ou dans la tourmente de la guerre du Golfe ».

Alors quoi de plus normal, avec une telle sensibilité que de se pencher sur ses compatriotes, ceux qu’ils côtoient dans les rues de Marseille ? « Tous ces exilés de l’intérieur et d’ailleurs venus s’échouer sur les trottoirs et les dortoirs de la cité phocéenne », écrit Fathi Bouaroua, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre, dans la belle préface du livre de Kamar Idir. Et pour écho, les propos de l’auteur lui-même, en avant-propos de son très beau livre. « En 2007, j’ai rencontré plus d’une vingtaine d’Algériens à Marseille, qui avaient fui la guerre civile. Parmi eux, Yacine, qui dormait sous une tente à la porte d’Aix. Un autre, venu de Paris, Saïd dit le Marocain m’a interpellé et m’a dit que les clandestins étaient arrivés d’Algérie dans des containers ». De tout cela et de bien d’autres histoires, Kamar a fait un livre d’espoir. Un livre humaniste.

Gérard Lanux

«D'une rive à l’autre, des vies fragiles». Editions Frachi-Ampil.
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