Algérie - Revue de Presse

Je me sens cruellement sous-développé...



C?est ainsi que Chems Eddine Chitour, professeur d?économie de l?énergie, interpelle la conscience nationale lors de son passage, mercredi 09 avril, sur les ondes de la chaîne 3 dont il était l?invité. Il récidive le lendemain en assenant de vigoureuses ruades à l?effet de secouer le cocotier.Il y a, en toute évidence, péril en la demeure. Au décours du premier entretien, il se définit comme produit « formaté » par l?Algérie indépendante; il en tire un certain orgueil et c?est tout à son honneur. Ce polytechnicien, chimiste de formation et intellectuel prolifique, admoneste du haut de son pupitre d?intellectuel ce qui peut nous rester comme relent de citoyenneté. On lui avance que près de 70.000 cerveaux ont quitté le pays pour diverses raisons, il majore le chiffre en le multipliant par dix (10). Il affirme que beaucoup de laboratoires à l?étranger tournent avec de la matière grise algérienne, sous payée mais heureuse de s?accomplir. Il rappelle que les filles, formées par l?université, plus nombreuses que les garçons, subissent le phénomène d?évasion interne; elles se dissipent dans la nature. L?immense hiatus entre la formation supérieure et le secteur économique semble s?élargir de plus en plus. Il rappelle, à cet effet, l?expérience vécue par un groupe d?étudiants qui, sous sa direction, a fabriqué un microscope grossissant à 500 fois, avec une assistance allemande. Fier et à juste titre, le groupe présentait son innovation à une haute autorité nationale pour l?attribution d?un terrain en vue d?ériger la fabrique; cette espérance fut sans lendemain. Ou plutôt si...on importait, cette année-là, une grosse quantité de cet outil de laboratoire. « Rouler en 4/4 avec un mobile collé à l?oreille n?est pas un signe de développement... ça me rend cruellement sous-développé ! » Et vlan...encore une écorchure. Merci professeur de taillader dans le vif; les envolées discursives soporifiques ont eu raison de la raison. Le dernier salon de l?automobile a, semble-t-il, sonné le glas des quelques petits fabricants de pièces détachées qui vivotaient jusque-là de l?usure du parc roulant. Importer 200.000 véhicules annuellement et pour l?équivalent de 5 milliards USD de téléphones mobiles participe du suicide collectif. Sommes-nous devenus une secte mortifère ? L?épargne nationale fond comme neige au soleil. Les ménages qui, jusqu?ici, peinaient à joindre les deux bouts, ne tentent plus de le faire; lestés par le crédit à la consommation parfois même au détriment de leur équilibre alimentaire, ils présentent des signes extérieurs évidents d?appauvrissement. Le G.S.M, qui a envahi tous les espaces, tire profit de cet immense gisement de palabre que nous offrons sur un plateau d?argent aux multinationales de pays « frères ». Nos économies partent en fumée verbeuse. L?économie de bazar nous fait voguer d?Istanbul à Singapour. Nos repères référentiels ont subi une rotation de 180°, le Sud-est asiatique n?est plus ce simple attrait exotique mais bien plus. Si Taïwan a été la devancière à envahir nos souks de gadgets manufacturés d?où l?on continue à importer le fil à coudre miteux, les aiguilles rouillées et le dé à coudre, l?Inde mystique des typhons nous dame définitivement le pion avec ses industries de l?automobile, du logiciel, elle gère même notre sidérurgie. La Chine du bol de riz construit nos aéroports, nos autoroutes et soigne nos malades. La Malaisie, la Thaïlande, Bornéo sont bien sortis de leur torpeur économique, pourtant les chances de départ étaient bien plus à notre avantage.N?y a-t-il point de sursaut d?orgueil ? Peut-on encore nous permettre l?import-import ? Gavés à l?envie de bananes sud-américaines et de raisin espagnol, nous ne sommes pas prêts à nous réconcilier avec nos agrumes et nos dattes. A ce rythme, nous achèterons leurs « clones » ailleurs et en euro ! La rente ne peut en aucun cas être viagère, notre pays sera « dégazéfié » aux horizons 2030, il en importera, mais avec quoi ? Il est établi, selon l?orateur, que si la bataille de l?énergie venait à être perdue, il n?y a plus d?avenir pour le pays. Il rappelle, à cet effet, une conférence internationale d?il y a plus de 20 ans à laquelle il assistait où l?on disait déjà que l?arme du pétrole n?est pas entre les mains des arabes mais entre les mains des...autres. Et c?est malheureusement d?actualité. Se définissant lui-même comme honnête courtier, il tourne le couteau dans la plaie pour nous apprendre que le Haut conseil national pour l?énergie, placé sous l?autorité du président de la République, ne s?est réuni qu?une seule fois depuis sa création. Il est plus qu?impérieux de réunir des états généraux pour ouvrir le débat sur les ressources énergétiques non renouvelables, la distribution de la rente n?a que trop duré !N?avons-nous donc d?attributs de citoyenneté que la carte nationale d?identité ou le passeport pour être aussi indifférents à ce qui se passe autour de nous, ce qui nous place complaisamment dans ce que le Pr Chitour qualifie d?ego citoyenneté.Rachid Makhloufi, invité du 20 h du jeudi 10 avril et qui n?a rien du nationaliste « rétribué », rappelait, à la jeune génération, l?épopée vécue par l?équipe nationale du FLN et livrait, à cette occasion, son sentiment sur ce qu?il ressent amèrement en disant ceci : « ...je n?ai jamais entendu un Egyptien ou un Tunisien dire du mal de son pays..., en tout cas, nous ne méritons pas ce beau pays ! » Makhloufi a certainement assez d?expérience pour avoir le recul nécessaire qui le pousse à faire une telle déclaration. M. Benhamdine, président de la Société algérienne de pharmacie, lance sur les ondes de la même chaîne son appel de détresse. Il tient d?abord à rassurer l?opinion publique sur la pénurie annoncée du médicament, probabilité qu?il écarte pour le moment mais, il n?écarte pas le « risque » médicament si l?on perdure dans la facilité de l?importation induite par les négociations avec l?OMC. Il trouve que l?on est plus OMCéiste que les pays qui ont eux-mêmes créé cette organisation. Notre adhésion, et qui n?est pas encore acquise et même si elle l?était, n?a encore aucune emprise sur notre décision, en tout cas pas avant sa ratification. Elle ne nous dispense pas de protéger la production nationale. La Tunisie et le Maroc ont su si bien le faire. Ils produisent respectivement 1.200 et 1.400 produits, nos unités de production ne sont qu?à une centaine et ne tournent qu?à 30% de leur capacité faute de...demande ?! La facture du médicament, qui n?atteint pas encore celle de l?importation de véhicules, ne serait pas la cause qui grève lourdement le budget des caisses de sécurité sociale mais bien le package. Les actions urgentes à entreprendre : agir sur les coûts en encourageant la production locale générique et sur le prescripteur par la sensibilisation. Il n?y a pas si longtemps de cela, un pays comme la France avait lancé des spots dans les médias où l?on disait : « Les antibiotiques ce n?est pas automatique ! Les anti-inflammatoires ce n?est pas obligatoire ! ». On faisait jouer à fond l?éco-citoyenneté par l?implication de tous les acteurs sociaux.D?autres segments de l?économie interpellent les consciences, à des degrés divers bien entendu, mais celui de la sécurité alimentaire doit constituer la préoccupation majeure des parties en charge de nos destinées. Quand la F.A.O s?inquiète de la situation alimentaire dans le monde, c?est à la limite de la compréhension, mais que le FMI s?émeuve sur le risque de famine dans des pays comme le Sénégal, la Côte d?Ivoire et même l?Egypte, ce ne peut être qu?un signe avant coureur d?une catastrophe humanitaire. Et c?est ainsi que le président de la Chambre nationale de l?agriculture monte au créneau. Les céréales blé et riz ont vu leur prix doubler dans le monde. Les USA et le Canada, n?arrivant plus à satisfaire à la demande mondiale, imposent une tarification en exponentielle évolution.   Notre production nationale en blé, qui tourne autour de 43.000.000 de quintaux, ne connaîtra pas d?évolution, elle est à l?optimum de ses meilleurs rendements. La climatologie, pas très favorable à l?ouest du pays, n?est pas faite pour stabiliser les rendements au niveau de la satisfaction des 60% des besoins en céréales. Aussi sommes-nous condamnés à grever d?affectation céréalière les surfaces irriguées et sans état d?âme. Il y va de la survie de toute une nation. La décision d?aligner les prix du blé local sur les prix mondiaux ne fera qu?encourager la production aussi bien intensive qu?extensive. Une désagréable sensation d?auto-dépossession semble s?emparer de la communauté nationale qui s?est enferrée pour une partie dans le repère identitaire, pour une autre dans celui de la linguistique, pour une myriade de groupements d?intérêt dans la politique ou dans l?affairisme nauséabond de l?underground urbain. On dépèce à qui mieux mieux...les charognards et la vermine se repaissant de détresse humaine. N?avons-nous pas encore compris que la maison Algérie est un bien patrimonial commun, qui ne peut être qu?indivis ad vitam aeternam.
je trouve que vous avez vraiment touché l'actualité algérienne
eldjama lynda - etudiante en planification et statistique - alger
09/02/2009 - 2632

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