Algérie - Concepts

Introduction à l' Ecole Malékite




Les ouvrages de l’Imâm Mâlik

Le plus célèbre ouvrage composé par l’Imâm de Médine, c’est Al-Muwatta’. Il s’agit d’un ouvrage compilant des éléments de la Sunnah purifiée, ainsi que certaines opinions juridiques émises par les nobles Compagnons, les Successeurs et autres savants parmi les pieux prédécesseurs.
On lui attribue quelques autres ouvrages et épîtres comme :
- Tafsîr Gharîb Al-Qur’ân Al-Karîm (Interprétation des singularités du Noble Coran).
- Kitâb As-Surûr (Le livre de la félicité).
- Une épître traitant de la Fatwâ, une autre traitant d’astrologie, et une troisième apportant une réplique aux Qadariyyah (adhérant à la doctrine de la prédestination et du fatalisme).
L’érudit, l’Imâm Jalâl Ad-Dîn As-Suyûtî cita ces ouvrages et quelques autres dans Tazyîn Al-Mamâlik (L’ornement des royaumes). Toutefois, des doutes subsistent quant à l’authenticité de leur attribution à Mâlik.
Mais le livre le plus précieux que ce juriste laissa à la postérité, c’est Al-Muwatta’. L’attribution de ce livre à son auteur relève de la certitude. On relate que l’apparition de nombreuses sectes et la propagation de leurs croyances poussèrent l’Imâm Mâlik à consigner la science qui lui était parvenue, avant qu’elle ne s’évanouisse de génération en génération ou qu’elle ne soit négligée ou oubliée. On rapporte aussi que ce livre fut rédigé à la demande du Calife Abbasside, Abû Ja`far Al-Mansûr. Le Calife voulait que Mâlik rédige un livre accessible où il adopterait une voie médiane et aisée, entre la rigueur outrancière et la souplesse excessive, dans les positions juridiques adoptées. Cela aurait motivé le titre même de l’ouvrage Al-Muwatta’…
Mâlik rédigea cet ouvrage pendant plus de dix ans et ne cessa de le mettre à jour et de l’enrichir pendant près de quarante ans. Hârûn Ar-Rashîd lui proposa de l’accrocher à la Ka`bah, à la Mecque Honorée, pour témoigner de ses vertus et pousser les gens à s’y conformer. Mais l’Imâm Mâlik déclina cette offre et justifia son refus en ces termes : "Ô Emir des Croyants, quantà accrocher Al-Muwattâ’ à la Ka`bah, [je ne le souhaite pas], car les Compagnons du Messager de Dieu - paix et bénédictions de Dieu sur lui - divergèrent dans les jugements dérivés et se dispèrent dans les pays, et chacun estime avoir raison."
C’est ce respect des divergences argumentées et solides en matière de jurisprudence qui poussa l’Imâm Mâlik à se comporter ainsi. Plus encore, Mâlik vit en ces divergences, basées sur des preuves tangibles, une miséricorde pour les serviteurs de Dieu : "Ô Emir des Croyants, la divergence entre les savants est une miséricorde de Dieu envers cette communauté", dit-il.
Il convient de noter que cet ouvrage n’est pas un reccueil de Hadîth au sens classique du terme. Il s’agit d’un ouvrage de Fiqh où l’Imâm Mâlik souhaita exposer les opinions qui relèvent du consensus dans la jurisprudence médinoise, s’appuyant sur des preuves issues de la Sunnah considérée et appliquée à Médine. C’est dans cette perspective qu’il déclina les questions juridiques.
On rapporte que l’Imâm Ash-Shâfi`î dit : "Il n’y a sur terre de livre de science (islamique) plus correct que le Muwatta’ de Mâlik." L’Imâm An-Nawawî cita cette parole et nota que "Cette opinion d’Ash-Shâfi`î est préalable à la rédaction des deux Sahîh d’Al-Bukhârî et de Muslim."
Quelques ouvrages célèbres de l’école malékite

Nous citons ci-dessous quelques ouvrages et références de l’école malékite :
- Mukhtasar Khalîl de Khalîl Ibn Ishâq Ibn Mûsâ.
- Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid de Abû Al-Walîd Ahmad Ibn Muhammad Ibn Rushd (Al-Hafîd).
- Minah Al-Qadîr `alâ Mukhtasar Khalîl de Muhammad Ibn Ahmad Ibn `Arafah Ad-Desûqî.
- Tuhfat Al-Hukkâm de Abû Bakr Muhammad Al-Gharnâtî.
- Al-Furûq de Ahmad Ibn Idrîs Al-Qarâfî.
- Tabsirat Al-Hukkâm de Muhammad Ibn Farhûn Al-Ya`murî.
- Az-Zurqânî `alâ Al-Muwattâ’ de Muhammad Ibn `Abd Al-Bâqî Az-Zurqânî.
- Mawâhib Al-Jalîl fî Sharh Mukhtasar Khalîl de Al-Hattâb Al-Maghribî.
- At-Tâj wa Al-Iklîl li Mukhtasar Ash-Sheikh Khalîl de Muhammad Al-Gharnâtî.
- Al-Musawwâ min Ahâdîth Al-Muwatta’ de Waliyy Ed-Dîn Ad-Dahlâwî

Quelques principes de l’école malékite

La source première sur laquelle s’appuyait l’Imâm Mâlik dans sa jurisprudence fut le Noble Coran. C’est dans les versets de la Sage Révélation qu’il cherchait les jugements légaux et les preuves juridiques. Il estimait que toute personne qui se penchait sur l’interprétation des versets coraniques devait absolument avoir une grande maîtrise de la langue arabe, la langue de la révélation. "Si on m’amène un homme qui interprète le Coran sans être savant en langue arabe, je le punirai très certainement", disait-il. Par ailleurs, il ne tenait pas compte des israélismes [2] en matière d’exégèse.
Mais la maîtrise de la langue, outil indispensable pour l’exégète, ne suffit pas à elle seule pour puiser les jugements divins dans le Noble Coran. La Tradition du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - illustre les versets, les expose, les explique et en revèle le sens. C’est pourquoi l’Imâm Mâlik voyait en la Sunnah la deuxième source fondamentale de la Législation islamique, conformément à la Parole de Dieu :
"Prenez ce que le Messager vous octroie ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en." [3]
"Quiconque obéit au Prophète, obéit à Dieu" [4]
"[…] Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent" [5]
"Non !… Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement [à ta sentence]" [6]
En outre, les verdicts religieux et les jugements juridiques émis par les Compagnons du Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui -, occupaient une place importante dans la jurisprudence de l’Imâm Mâlik. Il pensait en effet que la pratique des Compagnons doit être annexée à la Sunnah. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que le Muwatta’ de Mâlik compile, à côté des hadîths prophétiques, des verdicts des Compagnons. Il rapporta, par exemple, selon `Abd Allâh Ibn `Umar, qu’un homme vint le voir et dit : "Ô Abû `Abd `Ar-Rahmân, j’ai accordé un emprunt à un homme et j’ai exigé qu’il me le retourne par une chose de plus grande valeur". Ibn `Umar répondit : "Telle est l’usure (Ribâ)".
Lorsque l’Imâm Mâlik manifesta un tel attachement à la Sunnah du Prophète et à la guidance des Compagnons, il devint l’Imâm de la Sunnah à son époque et occupa une place très distinguée parmi les savants de l’Islam.
Il voyait dans le jugement légal émis par un compagnon une preuve solide et une branche de la Sunnah. En effet, soit le compagnon a appliqué un jugement qu’il tient du Messager de Dieu, soit la situation se prêtait à l’ijtihâd, et l’ijtihâd du compagnon découle de l’aiguisement de son sens juridique grâce à l’éducation prophétique qu’il a reçue.
Par ailleurs, il prenait en considération les opinions de certains Successeurs lorsqu’il s’assurait de leur science, de leur maîtrise de la jurisprudence et de leur éthique. Parmi ceux-là, citons `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, Sa`îd Ibn Al-Musayyab, Ibn Shihâb Az-Zuhrî et Nâfi` l’affranchi de `Abd Allâh Ibn `Umar.
Le consensus juridique, Ijmâ`, est une autre preuve législative considérée par Mâlik. On entend par consensus juridique l’accord des juristes et des savants musulmans sur une question donnée. A plusieurs occasions, l’Imâm Mâlik introduisait un jugement juridique par : "L’opinion qui fait l’objet d’un consensus chez nous". Il entendait par cela : "la chose sur laquelle s’accordent les juristes et les gens de science, sans divergence".
Il semblerait que l’Imâm Mâlik entende par "les juristes et les gens de science", les savants et les juristes de Médine. Lorsqu’il dit "L’opinion qui fait l’objet d’un consensus chez nous", il renverrait ainsi à l’opinion qui fait l’unanimité à Médine. C’est pour cette raison que certains savants affirment que le consensus juridique chez Mâlik, c’est la pratique des gens de Médine. La religion, ses fondements et ses branches, furent transmis et appliqués à Médine de génération en génération, depuis le temps des Compagnons. Ainsi, la pratique des savants et juristes médinois reflète avec fidélité ce qui fut transmis par les pieux prédécesseurs. C’est pour cette raison, que l’Imâm Mâlik préférait le consensus des gens de Médine aux hadîths dits ahâd.
L’analogie juridique (Qiyâs), la préférence juridique (Istihsân) et la présomption de continuité (Istishâb) constituent également des preuves juridiques pour l’Imâm Mâlik.
Le raisonnement par analogie (Qiyâs) consiste à appliquer pour un cas juridique non tranché par les sources législatives primaires le jugement prévu dans la législation pour un autre cas juridique, sachant que, au fond, la raison juridique qui motive le jugement dans le premier cas s’avère présente dans le second [7].
La préférence juridique istihsân peut se produire dans deux cas de figures. Le premier, c’est lorsque le mujtahid délaisse le recours à un raisonnement par analogie explicite au profit d’un raisonnement par analogie implicite. Le second cas de figure se présente lorsque le mujtahid favorise, pour un motif donné, un jugement exceptionnel par rapport à un jugement convenu. Si, par exemple, le dévoilement de la `awrah est illicite, une exception sera faite à ce jugement pour des raisons médicales où le patient devrait exposer des membres de sa `awrah au médecin. Dans ce cas de nécessité médicale, la préférence est donnée au jugement exceptionnel.
Enfin, l’Istishâb stipule que le jugement légal relatif à une chose est conforme à son état dans le passé, aussi longtemps que rien ne prouve que cet état a changé, et que le jugement établi dans le passé est valide dans le présent, jusqu’à ce qu’une preuve motivant un changement soit avancée.
Mâlik prenait aussi en considération la réalisation de l’intérêt public (Al-Masâlih Al-Mursalah) et l’obstruction aux prétextes (Sadd Adh-Dharâ’i`) [8].
Par ailleurs, l’Imâm Mâlik prenait en compte l’usage (`Urf) et la coutume (`Âdah). Il s’agit de conventions relatives aux paroles, aux actes ou aux abstentions, répandues parmi les gens et consacrées par l’usage. Le recours à l’usage peut être fait par le savant à condition qu’il n’y ait pas de texte dans le Coran ou la Sunnah tranchant la question et que cela n’entraîne pas de mal ou de nuisance.
Ce tour d’horizon rapide témoigne de la richesse des mécanismes juridiques de l’école malékite. Il convient de noter que la plupart de ces sources législatives sont également considérées dans les autres écoles juridiques sunnites.
Elèves de l’Imâm Mâlik

Si les maîtres de l’Imâm Mâlik furent très nombreux, il en fut de même pour ses élèves. Ce contact privilégié avec l’Imâm Mâlik fut sans doute favorisé par sa présence à Médine, lieu de passage par excellence des pélerins venus prier dans la mosquée du Prophète Muhammad et le saluer dans sa tombe illuminée. Pendant leurs séjours, de durées variables, les étudiants et les savants parmi les pélerins, faisaient connaissance avec les savants de Médine et fréquentaient leurs cercles d’enseignement. La prééminence de l’Imâm Mâlik à Médine fit de lui une référence incontournable pour tout savant ou étudiant vivant à Médine ou y séjournant provisoirement. Par ailleurs, la longue vie que Dieu accorda à Mâlik explique aussi le nombre conséquent de ses élèves. La plupart des Imâms dont l’étoile brilla du vivant de l’Imâm Mâlik étaient ses élèves, originaires de diverses contrées.
Certains de ses maîtres parmi les Successeurs rapportèrent des hadîths de lui. C’est le cas notamment d’Az-Zuhrî, Ayyûb As-Sikhtiyânî, Abû Al-Aswad, Rabî`ah Ibn Abî `Abd Ar-Rahmân, Yahyâ Ibn Sa`îd Al-Ansârî, Mûsâ Ibn `Uqbah et Hishâm Ibn `Urwah.
Certains de ses pairs rapportèrent aussi le hadîth de lui, comme Sufyân Ath-Thawrî, Al-Layth Ibn Sa`d, Sufyân Ibn `Uyaynah, Abû Hanîfah, Abû Yûsuf et de nombreux autres.
Parmi ses élèves citons enfin, le disciple de l’Imâm Abû Hanîfah, Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî, et l’Imâm Ash-Shâfi`î.



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