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Inquiétudes en Europe Un ex-islamiste radical à la tête du gouvernement marocain



La plupart des gouvernements des pays européens, en particulier ceux de la rive nord de la Méditerranée, comme la France et l'Espagne, qui sont les premiers investisseurs au Maroc, ne cachaient pas leur malaise après la victoire du Parti islamiste de la justice et du développement (PJD), aux élections législatives du 24 novembre.
Le roi Mohammed VI en a rajouté un peu, quand il a décidé de nommer Abdallah Benkirane au poste de Premier ministre. Des craintes qui sont parfaitement justifiées parce, déjà, les Européens avaient acquis la confirmation de la montée du courant islamiste dans leur fief supposé le plus immunisé contre la contagion du «Printemps arabe».
En plus, le leader du PJD, à la barbe assez bien taillée, comme pour ne pas éveiller les soupçons d'intégrisme à son égard, a un ancien CV qui ne rassure pas.
Les gouvernements occidentaux dont les services ont un fichier à jour sur tous les éléments suspects dans le monde savaient que le nom de Abdallah Benkirane aurait bien pu figurer, aujourd'hui, aux côtés de ceux qui sont poursuivis à travers le monde pour complicité de terrorisme.
Dans les années 1970-80, M. Benkirane était, en effet, bien connu de leurs services de renseignements comme un «islamiste radical», notamment du temps où il militait dans une
«organisation terroriste». C'était un membre actif de la Jeunesse islamiste, le mouvement terroriste marocain responsable de l'assassinat, en 1975 à Casablanca, du dirigeant socialiste Omar Benjelloun, même s'il n'avait pas pris part personnellement à cet attentat.
Le jeu du roi
Trois décennies plus tard, M. Benkirane au pouvoir à Rabat. Au pouvoir ' C'est beaucoup dire. La France et l'Espagne ont, toutefois, une consolation, car, le roi conserve toujours, en fait, l'essentiel de son pouvoir absolu après l'adoption de la nouvelle Constitution, le 1er juillet dernier.
Le souverain alaouite n'était pas tenu de choisir spécialement Abdallah Benkirane pour occuper le poste de Premier ministre et pouvait faire appel à quelqu'un d'autre du PJD, qui traîne moins de casseroles que Benkirane.
Mohammed VI avait, également, une autre carte en main qu'il n'a pas voulu jouer, sans doute à dessein. Avec 107 sièges, le PJD est certes le plus voté,
mais une coalition des partis conservateurs proches du roi aurait mis les islamistes en minorité au Parlement. En nommant comme Premier ministre un islamiste radical, le roi a saisi la bonne occasion pour donner l'image d'une monarchie résolument engagée dans le processus de réformes démocratiques et respectueuse des engagements qu'elle a pris sur ce plan, avec le soutien de l'Occident.

Benkirane joue le jeu
Le souverain a donc fixé son choix sur cet islamiste radical devenu monarchiste par nécessité plus que par conviction. De son côté, le leader du PJD joue, lui, à fond le jeu de la démocratie. Il s'était déclaré prêt à former une coalition gouvernementale avec les grandes formations politiques du pays et a tendu la main, aussi, au grand mouvement islamiste illégal, Justice et Spiritualité, ainsi qu'au
Mouvement du 20 Février qui ont, tous deux, boycotté ces élections. Depuis l'annonce de la victoire de son parti, il multiplie les déclarations d'apaisement à l'égard des pays occidentaux
Dans une interview, parue lundi au journal espagnol El Mundo, il se veut rassurant envers l'Espagne, pays avec lequel le Maroc à des problèmes de fond quasi-insolubles, allant du problème de Ceuta et Melilla au trafic de l'immigration clandestine. Il estime pourtant qu' «avec l'Espagne, nous ne pouvons qu'avoir de bonnes relations», en souhaitant que telle soit aussi «la volonté du futur gouvernement du PP».

«Rajoy n'est pas positif»
Les appréhensions qui le hantent ne tardent pas, toutefois, à remonter à la surface. «Avec Mariano Rajoy, dont je partage la barbe, les relations pourraient s'annoncer parfois difficiles». Il enchaîne : «Ce n'est pas un homme très positif avec le Maroc, notamment sur la question du Sahara Occidental, et il peut même à la limite être pire que José
Maria Aznar», l'ancien président du PP artisan du «conflit sérieux qui avait opposé l'Espagne au Maroc sur le problème de Leila (île Perejil)».
Pour l'instant, on laisse la diplomatie parler. Madrid et Rabat se bombardent de communiqués d'apaisement louant les «relations exemplaires entre nos deux pays». Les problèmes de fond sont mis entre parenthèses. Pour combien de temps '
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