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Impact de la baisse du cours des hydrocarbures en Algérie



Impact de la baisse du cours des hydrocarbures en Algérie
L'excédent commercial a baissé de 18% durant les neuf premiers mois de 2014 en référence à la même période de 2013 et environ 50% par rapport à 2012, selon les statistiques douanières d'octobre 2014.C'est la résultante de l'accroissement des importations via l'accroissement de la dépense publique et de la chute du cours des hydrocarbures. Or la valeur des hydrocarbures a permis les 195 milliards de dollars de réserves de change, 80% de la dépense publique et 70% du pouvoir d'achat des Algériens. Le taux d'intégration tant des entreprises publiques que privées ne dépasse pas 15% avec un dépérissement du tissu productif, le secteur industriel moins de 5% du produit intérieur brut avec parallèlement l'extension de la sphère informelle qui contrôle 50% de la masse monétaire en circulation et l'écart entre le cours du dinar officiel et celui du marché parallèle dépasse 50%. Quel sera l'impact de la chute des cours sur les équilibres économiques de toutes ces augmentations de salaires et traitements en cascade, ne pouvant plus subventionner et distribuer des revenus sans contreparties productives ' Le Docteur Antoine Haleff, responsable du suivi du marché pétrolier au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), ancien économiste en chef au département américain de l'Energie : «La chute des cours des hydrocarbures n'est pas conjoncturelle et peut être de longue durée » -Débat avec le Pr A. Mebtoul - RFI Paris- 25/10/2014. 1.-Lors d'un débat que j'ai eu le 25 octobre 2014 sur le sujet des mutations énergétiques, et des raisons de la baisse actuelle des cours du pétrole à Radio France Internationale (RFI) à son siège à Paris d'une brûlante actualité, nous avons abordé les enjeux, la situation actuelle, les perspectives et les mutations futures du marché mondial de l'Energie horizon 2020/2030 et les conséquences en cas de chute des cours des hydrocarbures traditionnels sur les économies des pays dépendant de cette ressource et les stratégies des pays de l'OPEP (35-40% de la part commercialisée mondiale) et hors OPEP(60/65%), ainsi que l'impact de la commercialisation du pétrole-gaz de schiste. Le Docteur Antoine Haleff, responsable du suivi du marché pétrolier au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), ancien économiste en chef au département américain de l'Energie, professeur économie de l'Energie à Columbia University avec qui j'ai animé le débat pense que la chute des cours n'est pas conjoncturelle et peut être de longue durée les tensions géostratégiques ayant peu affecté le niveau de production. Ce d'autant plus que, selon l'AIE, l'Asie serait importatrice de 65% du pétrole horizon 2020 et qu'elle pousserait à une baisse des prix pour avoir des avantages comparatifs. Aussi, je recense huit raisons interdépendantes de cette chute, idées que j'ai soutenues lors du débat que j'ai eu avec le professeur Antoine Haleff de l'AIE à RFI (Paris-France). Premièrement la récession de l'économie mondiale, dont le ralentissement des pays émergents, Brésil-Inde , surtout la Chine 7% de taux de croissance due essentiellement au relèvement des taux d'intérêt, le BTPH contribuant à plus de 25% de son PIB et ce, afin d'éviter la bulle immobilière. Deuxièmement, de l'introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergétique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour à 8,5 actuellement, étant prévu en 2015 9,5 millions de barils/jour. Dans ce cadre, l'Algérie possède selon un rapport US la troisième réserve mondiale avec 19.800 milliards de mètres cubes gazeux avec un taux de récupération variable entre 15/25% mais se pose la détérioration de l'environnement par la fracturation hydraulique, la forte consommation d'eau douce et surtout la rentabilité avec les investissements additionnels de canalisation et de recyclage d'eau. La loi des hydrocarbures algérienne de janvier 2013 permettant son exploitation mais dont la commercialisation est prévue horizon 2020, l'Algérie allant vers un mix énergétique devant entre-temps investir dans la formation. Troisièmement, les rivalités au niveau de l'OPEP dont certains ne respectent pas les quotas, bien que cette organisation ne représente que 35/40% de la production mondiale commercialisée, 60/65% se faisant hors OPEP, de la rivalité Iran-Arabie Saoudite plus de 35%, pilier de l'OPEP qui ne veut pas perdre ses parts de marché, en n'oubliant pas la géostratégie dont l'entente avec l'Occident dont les USA pour affaiblir la Russie, qui peut avec les Emirats le Qatar, Oman, le Koweït, se permettre un cours plancher de 75/80 dollars, encore que le cours plancher de certaines grandes compagnies ne peut être inférieur à 80 dollars, le coût du pétrole de schiste US étant déterminant ; lié à cet aspect, je précise qu'au-delà d'un cours de 120 dollars des énergies substituables deviennent rentables financièrement comme les énergies renouvelables et le charbon avec le recyclage du CO2 dont les réserves mondiales dépassent les 200 ans produits en Europe, aux USA, en Chine et Afrique devenant rentable au-delà de 100/110 dollars le baril, idem pour les énergies renouvelables. Quatrièmement, la stratégie expansionniste de Gazprom, notamment à travers les nouvelles canalisations, le North et le South Stream approvisionnant l'Europe (125 milliards de mètres cubes gazeux), la Russie ayant besoin de financement, les tensions en Ukraine n'ayant en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché a été de 30% en 2013 et investissant récemment pour le marché asiatique. Cinquièmement, du retour sur le marché de la Libye 800 000 barils/jour actuellement et pouvant aller vers 2 millions, de l'Irak avec 3,7 millions de barils/jour (deuxième réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8 millions, et de l'Iran, 2,7 millions de barils/jour, pouvant aller vers plus de 5 millions. D'ailleurs, avec les nouvelles découvertes dans le monde, notamment en offshore, notamment en Méditerranée orientale (20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique dont le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d'or noir en Afrique et les nouvelles technologies permettent l'exploitation et la réduction des coûts des gisements marginaux. Selon l'AIE, les analyses du pic hydrocarbures (pétrole-gaz conventionnel et non conventionnel à l'horizon 2020) en vogue dans les années 2009/2010 ne sont plus d'actualité. Sixièmement, les perspectives horizon 2017-2020 où les USA risquent de devenir exportateurs, en plus des nouvelles technologies poussant USA-Europe qui représente actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d'habitants à l' efficacité énergétique, une prévision de réduction de 30%, les tendances à une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l'industrie manufacturière forte consommatrice d'énergie en Asie qui absorbera 65% de la consommation mondiale, la Chine (d'ailleurs parmi les deux premiers réservoirs mondiaux de gaz de schiste) et l'Inde notamment, les relations clients-fournisseurs étant à leur avantage, pour avoir des avantages comparatifs pousseront à la baisse des prix. Septièmement, l'occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers, les écoulements au marché noir, notamment en Irak, pour un baril entre 40/50 dollars. Huitièmement, l'évolution des cotations du dollar et l'euro, toute hausse du dollar, bien que n'existant pas de corrélation linéaire, pouvant entraîner une baisse du prix du baril. Le gaz naturel est découvert également en abondance et son prix de cession est totalement déconnecté de celui du pétrole. 2. L'Algérie peut-elle continuer à fonctionner sur la base d'un cours des hydrocarbures qui a été de 110 entre 2011-2012, 120 dollars en 2013 et entre 125-130 entre 2014-2015 au risque d'épuiser totalement le fonds de régulation des recettes et les réserves de change d'environ 195 milliards de dollars dont 83/86% sont placées en bons du trésor américain, en obligations européennes et une fraction dans des banques cotées dites AAA' Se pose la question stratégique en cas de baisse des recettes d'hydrocarbures : quelle sera la valeur des exportations en devises sachant que Sonatrach qui a engrangé 700 milliards de dollars en devises entre 2000/2013 et a permis 500 milliards d'importations en devises durant la même période ' Or, Sonatrach a exporté environ 63 milliards de dollars en 2013, 10 milliards de dollars de moins qu'en 2011, avec une chute de 50% du marché américain du fait de la révolution du gaz de schiste. Les sorties en devises en 2013 ont été de 55 milliards de dollars de biens, 12 milliards de dollars de services et entre 5/7 milliards de transferts légaux de capitaux, soit entre 72/74 milliards de dollars et au vu de la dépense publique contenue dans la loi de finances 2015, l'on s'orienterait vers 80 milliards de dollars fin 2015. Qu'en sera-t-il de l'abrogation de l'article 87-bis de la loi n°90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail qui aura une lourde répercussion sur le Trésor public ' A court terme, l'impact serait d'environ 4,25 milliards de dollars, en prenant l'hypothèse modeste d'une augmentation de 7 000 dinars pour les 4 millions de salariés. Mais cela peut aller vers 12 milliards de dollars annuellement entre 2016-2017 selon l'onde de choc sur d'autres catégories de salariés. La productivité du travail suivra-t-elle, bon nombre de PMI-PME ne pouvant supporter les effets de cette décision à moins d'exonérations fiscales nécessaires si l'on veut éviter l'extension de l'informel et la dérive inflationniste par la création massive d'emplois/rente' Comme plus de 50% des PMI-PME qui constituent 95% du tissu productif ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée, licencieront ou demanderont au gouvernement des dégrèvements fiscaux ou des taux d'intérêt bonifiés, supportés par le Trésor public. Un débat national sur les subventions généralisées, non ciblées, où subventions plus transferts sociaux représentent, selon le Premier ministre Abdelmalek Sellal 60 milliards de dollars, soit 27-28% du produit intérieur brut (PIB) devient urgent. Il y a lieu de prévoir leur budgétisation par le Parlement avec une affectation précise et datée par une chambre de compensation aux secteurs inducteurs et les catégories les plus vulnérables afin d'éviter le gaspillage et les fuites hors des frontières. Le projet de loi de finances 2015 prévoit une exonération en matière d'IBS ou d'IRG et de la TAP pour une durée de 5 ans, une bonification à 3% des taux d'intérêt applicables aux prêts bancaires, notamment pour les investissements dans les Hauts Plateaux et le Sud et les jeunes ayant bénéficié de crédits Ansej ne payeront pas d'impôts ni taxes pendant les cinq prochaines années (voir mon interview à Jeune Afrique du 19 octobre 2014). Par ailleurs, il est prévu dans la loi de finances 2015, comme cela a été annoncé par le gouverneur de la Banque d'Algérie le17 août 2014 le retour au crédit à la consommation, qui avait été suspendu en 2009, qui sera accompagné par l'entrée en service de la centrale des risques prévue dès le deuxième semestre de 2015. Comme il existe un lien dialectique entre la logique rentière et la sphère informelle à dominance marchande, contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments des produits de première nécessité, cette mesure ne risque-t- elle pas de gonfler davantage les importations de biens finis et de décourager la production locale ' 3.-En résumé, l'objectif stratégique pour l'Algérie afin de dépasser l'entropie actuelle est d'engager des réformes micro-économiques et institutionnelles indispensables devant s'adapter à la mondialisation de l'économie dont l'espace euro- méditerranéen et africain est son espace naturel qu'aux mutations internes impliquant l'instauration de l'économie de marché concurrentielle à finalité sociale, qui est inséparable de l'Etat de droit, de la démocratie sociale et politique. En n'oubliant pas que l'Algérie est liée à un Accord de libre-échange avec l'Europe depuis septembre 2005 dont le taux de tarif douanier sera zéro en 2020 et espérant adhérer à l'OMC fin 2015, étant observatrice depuis 1987. C'est la condition de la transition tant énergétique, économique que politique solidaire(1). Le cadre macroéconomique relativement stabilisé grâce à la rente des hydrocarbures est éphémère sans de profondes réformes structurelles. Le défi majeur est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne, devant se fonder sur l'économie de la connaissance et une meilleure gouvernance dans le cadre des valeurs internationales, afin d'atteindre le taux de croissance fixé par le gouvernement de 7% horizon 2020, qui est un taux minimum étant souhaitable qu'il dépasse les 9% cumulé sur plusieurs années afin d?éviter les tensions sociales. La rationalisation des choix budgétaires devient une urgence de l'heure à la lecture de la loi prévisionnelle des finances de 2015 adoptée par le Conseil des ministres en date du 26/08/2014 et discutée actuellement par le Parlement. (*) Professeur, expert international en management stratégique, professeur des Universités.


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