Algérie - Revue de Presse

« Il y a une injustice dans la production cinématographique en Algérie »



Ali Ghanem vit en France depuis 50 ans. Il a été ouvrier sur leschantiers, à l'usine, à la chaîne. Puis, il est devenu conférencier,écrivain et cinéaste. Il est l'auteur de films comme Mektoub(1970), L'Autre France (1975) ou encore Une femme pour mon fils(1982). Ali Ghanem vient de terminer, enfin, le tournage de sonlong métrage, Chacun sa vie.   Alors la boucle est bouclée pour votrefilm Chacun sa vie ' C'est-à-dire qu'il y a deux versions. Uneversion arabe qui est bouclée. Pour la versioninternationale, le distributeur a exigé unenouvelle bande sonore Dolby' Donc,l'aventure n'est pas terminée. Et cela va coûterplus cher que prévu. Je dois aussi tourner desséquences supplémentaires, notamment àMarseille et Alger.  Le tournage de Chacun sa vie acommencé, il y a plusieurs années' C'est une aventure douloureuse parce quej'ai commencé à tourner ce film il y aplusieurs années. Parce que je suis le principalproducteur. Et je n'ai pas d'expérience dans cedomaine. Et parce que le cinéma, c'est uneaffaire d'argent. La télévision algérienne m'aversé 6 millions de DA et le ministère de laCulture, 7 millions de DA par rapport àd'autres qui ont reçu plus.  Le sujet du film Chacun sa vie traite del'émigration, l'exil' C'est un sujet national. J'ai fait un film quia un rapport avec l'Algérie, et un intérêt pourl'Algérie. Le cinéma nécessite de l'argent. Onpeut être un mauvais réalisateur, mais quand ily a de l'argent, on fait un bon film.  Mais encore' Il y a des lois. Le FDATIC, la télévisionalgérienne' Cependant, il faut qu'il y ait unejustice. Il ne faut pas qu'on donne à x 30milliards (de centimes) et Ali Ghanem, on luidonne 7 millions de DA. Donc, il y a unrapport de classes. Il y a une injustice dans laproduction cinématographique.  Chacun sa vie, c'est le déracinement, ledéchirement, la perte des repères' ' Oui, la boucle est bouclée. J'ai écrit troisromans et des articles dans des journauxalgériens et français, j'ai créé une société deproduction, j'ai réalisé des films surl'émigration' Donc, Chacun sa vie boucle lechapitre sur l'émigration et porte sur lesAlgériens résidant en France. C'est unAlgérien qui a rêvé pendant 30 ans de rentrerau pays d'origine. Et, à la fin, il se trouve parrapport à ses enfants et sa femme. Donc, j'aiessayé de bâtir une histoire avec de l'humour,des problèmes politiques' Depuislongtemps, je cherchais une nouvelle écriturepour ne pas ennuyer le spectateur. Il ne suffitpas de raconter des histoires. Ce que j'aimedans le cinéma américain, par opposition àcelui arabe, pour ne pas dire algérien, c'est laforce. Le cinéma arabe est mineur. Quand onvoit un film américain, le spectateur deTombouctou, Bamako ou celui de New York,le comprend. Parce qu'il y a une écriture. Lefilm algérien, c'est un sujet local. Parce qu'ily a une autocensure de la part de l'auteur. Unecensure politique. Dans le cinéma arabe, on nepeut pas montrer un couple qui s'embrasselonguement, une femme nue, émettre unecritique' Je ne suis pas dans l'opposition.Mais j'aimerais avoir un regard critique sur lasociété algérienne. Si je touche un secteur oùil y a un regard critique, on ne me donne pasles moyens. Donc, nous cinéastes, nousfaisons dans l'autocensure parce qu'on nousempêche d'être libres.  Vous ne vous sentez pas libre' ' Je ne me sens pas libre. L'Etat n'aime pasêtre critiqué. Pas une critique gratuite maisconstructive. Il y a une contradiction. Nousdemandons un financement et en même tempsnous avons un regard critique. Le cinémaalgérien : est-ce qu'il existe ' Il n'y a pas unepolitique de continuité. Est-ce qu'il y a dessalles de cinéma ' Est-ce qu'on fait quatre,cinq films par an. On fait des films parcequ'on est victime de soi-même. On aime cemétier. On aime notre pays. On est fou decinéma. On est obligé de faire des films(rires). Et on les réalise avec les moyens dubord. En attendant que les choses aillentmieux. Et le temps passe, voilà !  Vous êtes méticuleux dans votre approche filmique' On m'a fait une mauvaise réputation. AliGhanem fait des petits films, ceci, cela... Maismoi, j'ai de l'humour. Je vis en Europe depuisbientôt 50 ans. J'ai fait des films grâce auxEuropéens. Ce que je voulais faire avecChacun sa vie, c'est montrer, non pas ce dontsuis capable (faire un film), mais quen'importe quel « imbécile » peut faire un film.Parce que la réalisation d'un film est un travailcollectif.  Vous êtes écrivain aussi' Cela, c'est mon fantasme ! Je ne suis pasécrivain. Je suis quelqu'un qui a eu la chanced'écrire et parce que j'ai des relations.  C'est-à-dire ' C'est-à-dire que je vis dans un milieuculturel. J'ai été traduit en sept langues.L'écriture littéraire est plus intéressante que lecinéma. Quand on signe un roman de 250 ou300 pages, on détaille, on entre à l'intérieurdes personnages, on peut décrire une femmenue' On va plus loin que sa penséepsychologique. Au cinéma, on culpabiliseparce qu'il y a l'image. C'est cru ! Donc, c'estdans cet esprit que j'ai continué à écrire. Maisc'est pénible.  Mais c'est jouissif quand même' Oui, c'est jouissif. Mais c'est quand mêmedur. Quand on écrit un scénario, on fait 100pages. Mais quand on raconte une histoire àtravers 300 pages, il faut avoir des idées,savoir mentir. Parce que le cinéma et lalittérature, ce sont des mensonges.  Là, vous venez de terminer un nouveauroman' J'ai terminé mon troisième roman, C'estquoi le bonheur ' C'est l'histoire d'unhomme qui revient sur son passé. Un hommeen crise qui se recherche. C'est le cas debeaucoup d'êtres humains qui peuvent êtreaméricains'  Le livre C'est quoi le bonheur ' sera-t-iladapté au cinéma ' Toute oeuvre littéraire, tout article depresse, c'est un film. Parce qu'il y a de lamatière.


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