Algérie - A la une

"Il faut aller vers la démocratie citoyenne"




Lancé en début d'année, Wech derna ' est un documentaire-web de trois épisodes, qui donne la parole à une jeunesse "impliquée" et "engagée" dans la société algérienne, et ce, à travers d'entretiens croisés et des témoignages "attachants". Dans cet entretien, Riadh Touat nous parle de ce projet, notamment les raisons de sa création, ses objectifs, ses ambitions et de l'Algérie d'aujourd'hui.Liberté : Vous avez fait des études en pharmacie. Comment vous est venu ce penchant pour la radio et l'animation '
Riadh Touat : Je pense qu'il est important d'équilibrer sa vie professionnelle en faisant des choses qu'on aime en parallèle. La pharmacie est mon métier, la radio un hobby que j'ai pratiqué pendant 7 ans et que j'ai quitté il y a quelques mois. J'ai toujours eu le contact facile avec les gens, à la fin de mes études en 2009, j'ai participé à un concours sur la Chaîne III qui s'appelait "Le Laboratoire" et qui visait à révéler des talents de jeunes animateurs. Je m'y étais inscrit pour le fun pensant que ça n'allait durer qu'un après-midi. J'y suis resté 7 ans !
En début d'année, vous avez lancé le web-documentaire Wesh derna ' Pouvez-vous revenir sur la naissance de ce projet ' Et quel en est l'objectif '
J'avais envie de montrer l'Algérie à ma façon et surtout en dehors des clichés que certains médias, particulièrement étrangers, aiment montrer et qui ne nous représentent pas forcément le mieux. Je pense qu'il est important de marquer sa présence et de dire "j'existe". L'Algérie est un grand pays qu'il faut découvrir et qu'il faut explorer. Je suis fier de notre histoire, de notre culture et de tout cet héritage, et j'avais envie de l'exprimer. L'objectif de Wesh derna ' est avant tout de rendre hommage à celles et ceux qui entreprennent dans le milieu des médias, de la culture et des entreprises en Algérie. Mais surtout de rappeler aux Algériens qu'on a non seulement de bonnes raisons d'aimer notre pays, mais que nous devons aussi montrer de quoi nous sommes capables. Certes, il y a beaucoup de choses à améliorer en Algérie, mais je pense qu'il faudrait aussi qu'on se remette un peu en question. C'est bien d'être critique, cela permet d'identifier nos failles, mais si la critique ne s'accompagne pas de solutions, pour moi c'est contre-productif. Je pense qu'au bout d'un moment, il faut arrêter de se plaindre et se poser la question : Est-ce que je participe à l'amélioration de la vie de mon immeuble ' De mon quartier ' De ma commune ' De ma ville ' Qu'est-ce que je peux faire à mon niveau pour améliorer les choses ' Comment m'engager dans la société ' Une société se construit avant tout par ses citoyens. Si l'on veut faire bouger les choses, il ne faut pas être passif face à ce qui nous concerne en critiquant dans son salon ou derrière un ordinateur. Il est important d'apporter sa réflexion lors de la mise en place de projets communaux par exemple. On peut le faire de différentes manières. Il est important de se faire entendre par les différents moyens que la République nous offre. Il faut aller vers la démocratie citoyenne et s'impliquer en étant bénévole dans la vie associative. Il faut aussi se rencontrer, apprendre à se connaître. Dans mon web-doc, on entend s'exprimer des jeunes actifs, des créatifs, des entrepreneurs, des représentants de la société civile, des jeunes "lambda" des quatre coins du pays qui donnent l'exemple et qui, je l'espère, pourront en inspirer d'autres. J'ai choisi le titre "Wesh derna '" parce que je trouvais qu'il résumait plutôt bien la particularité et les paradoxes de l'Algérien. Car littéralement, "wesh derna '" veut dire "qu'a-t-on fait '", alors que dans le langage courant cela veut dire "qu'est-ce qu'on va faire '" ; ce mot, c'est comme un oxymore. C'est tout le contraire de l'inertie, c'est le mouvement, c'est bouger, c'est avancer.
Comment a-t-il été perçu lors de sa sortie en Algérie '
J'ai été très agréablement surpris de l'accueil positif qui a été fait à Wesh derna ' que ce soit de la part des internautes, des médias Algériens ou étrangers. On a tellement tendance à nous focaliser sur le négatif qu'on en oublie l'essentiel. Wesh Derna ' est disponible sur YouTube. À ce jour, il y a 3 épisodes d'environ 17 minutes chacun. Une projection/débat a eu lieu le 30 Juin dernier à la cinémathèque Mohamed-Zinet et j'ai été agréablement surpris de voir tout ce monde ! La salle affichait complet et le débat était très constructif.
Et à l'international '
Le projet "Wesh Derna '" a été présenté d'abord à Beyrouth (Liban) dans le cadre des rencontres "Youth & Media in the Southern Mediteranee" en mars 2017. Il a également été projeté à Lille le 23 septembre dans le cadre de l'événement "L'Algérie se raconte", organisé par Ali et Driva Douffi en partenariat notamment avec le consulat général d'Algérie, mais également le 30 septembre à Paris, dans le cadre du festival "Algérie en mouvement", organisé par le forum France-Algérie qui est présidé par Farid Yaker. Wesh derna a d'ailleurs reçu le prix du forum France-Algérie, en présence, notamment, de Biyouna et de la réalisatrice Rayhana ("À mon âge je me cache encore pour fumer"). Je pense que c'est important que chaque Algérien soit l'ambassadeur de son pays à l'étranger si on veut être respecté. Personnellement, je suis contre le fait de dire du mal de l'Algérie à l'étranger, que ce soit sur des plateaux télés ou des médias étrangers en général. L'Algérie n'a de leçon à recevoir de personne et nos problèmes, il faut les régler entre nous. Le linge se lave en famille.
Mais certains vous reprochent d'être trop "positif" et de ne pas donner à voir d'autres jeunes qui galèrent.
En fait, je suis parti d'un postulat simple : les aspects négatifs, on les voit déjà partout dans tous les médias. Je ne trouvais pas pertinent d'en rajouter une couche ; par contre, les initiatives positives, on n'en entend parler que rarement et pourtant elles existent. Il est important d'être optimiste et de rester positif. Notre monde émotionnel a la capacité remarquable d'influencer non seulement notre santé mentale, mais aussi notre bien-être physique. Nombreuses sont les recherches scientifiques rigoureuses qui démontrent le pouvoir de l'optimisme et comment cela est lié (et même mène) à une meilleure qualité de vie. Je pense qu'il est important d'être dans cet état d'esprit, nous en avons besoin et puis ça ne coûte rien. Par ailleurs, il ne s'agit pas de dresser un portrait idyllique de l'Algérie ou d'être dans l'angélisme, mais plutôt de rendre hommage à toutes ces forces vives, actives et positives qui peuvent inspirer ! On a besoin de respirer.
Que dire de l'Algérie d'aujourd'hui '
L'Algérie d'aujourd'hui est en crise économique. Il est important qu'on se serre les coudes et surtout de tenir un discours rassembleur, de ne pas chercher à diviser. Avec la chute des prix du pétrole, il est important de diversifier notre économie, d'aller plus vers l'agriculture, l'énergie solaire, le tourisme urbain et culturel, le transfert des technologies (qui commence à se faire) et de capitaliser sur l'humain. Je crois profondément en les capacités de l'Algérie à rebondir et je demeure persuadé que la plus grande richesse de notre pays est sa ressource humaine. Il faut qu'on croie en nous-mêmes, on peut aller très loin.

Quel message voulez-vous donner aux jeunes qui n'ont pas encore trouvé leurs repères en Algérie '
J'aimerais d'abord leur dire qu'il est parfois normal de se sentir perdu et que le plus gros challenge est de se trouver. Pour trouver sa voie, il faut d'abord se connaître, connaître ses points forts et les points à améliorer. Mais surtout, oser ! Oser demander de l'aide, oser se montrer, oser aller vers les gens, ne pas attendre que les opportunités viennent à soi, frapper à toutes les portes, sortir de sa zone de confort et ne pas avoir peur d'aller en dehors des sentiers battus.
Il est important d'être passionné par ce qu'on fait pour être efficace et, surtout, il est important d'être impliqué dans son travail et de ne pas avoir peur de l'échec. Comme disait Winston Churchill, "le succès c'est être capable d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme".
Que dire à ceux qui veulent fuir '
Chacun est libre de partir ou de rester. L'être humain a toujours été un nomade. Toutefois, il est important de ne pas oublier d'où l'on vient, et surtout d'essayer de faire sa part pour contribuer à construire l'Algérie de demain. On a souvent tendance à se comparer à l'Occident et aux pays développés, mais on a tendance à oublier que c'est par le travail et l'engagement qu'ils en sont arrivés là. Je pense que l'Algérie est un terrain vierge et que tout est à faire ici.
Il faut se battre, ne pas baisser les bras, respecter toutes les composantes de l'Algérie et de l'identité algérienne. Il y a de la place pour tout le monde !
Quels sont vos projets ' Vos ambitions '
Mes projets ' Continuer à mettre en lumière un maximum de jeunes Algériens. Il est important que nous ayons des exemples, des référents. D'ailleurs, j'en profite pour rappeler que Wesh derna propose à tous les jeunes entrepreneurs qui démarrent une entreprise, et qui n'ont pas forcément les moyens de se faire connaître, de me contacter sur la page facebook du projet. Je ferai de mon mieux pour les faire connaître en vidéo en les publiant sur la page. Je pense qu'il faut encourager tous types d'initiatives !
"Wesh derna" finalement '
Allons de l'avant ! Soyons fiers de notre héritage et de nos capacités et arrêtons de nous sous-estimer et de nous plaindre. Le vainqueur voit une solution à chaque problème. Le perdant voit un problème dans chaque solution. Soyons des vainqueurs.
Entretien réalisé par : Samira Bendris-Oulebsir
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)