Algérie

Il est décédé le 28 janvier1983 Slimane Azem : le maître des poètes




Il est décédé le 28 janvier1983 Slimane Azem : le maître des poètes
Publié le 28.01.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par aomar Mohellebi

Dans « Ur iruh, ur yeqqim », Slimane Azem a recours à un jeu de mots incroyable et très subtil pour décrire les contradictions intérieures qui rongent l’exilé volontaire.
Quarante ans après son décès, Slimane Azem demeure indéniablement le maître de la poésie kabyle. Il a et continue d'être le grand inspirateur de la majorité des poètes venus après lui. Qu'ils soient chanteurs ou poètes écrivant leurs textes, ou tout simplement les déclamant oralement, ils doivent tous quelque chose à l'oeuvre monumentale de l'immense Slimane Azem. L'influence de ce dernier sur les poètes kabyles, toutes générations confondues, est impressionnante. La force de son verbe a eu un impact qui fait de lui le poète kabyle. La musique l'a certes aidé à vulgariser ses textes, mais ces derniers restent la véritable force de Slimane Azem. Pourtant, nul ne peut nier que les mélodies composées par Slimane Azem sont également de précieuses pièces musicales qu'on savoure à satiété. Certaines sont même considérées comme des chefs-d'oeuvre alors que d'autres ont été reprises par de grands chanteurs algériens.
On pense notamment aux musiques de «Daghrib daverani», «afrukh ifireles», «A Muh a Muh», «Fegh a yajrad tamurt-iw», «Atas Ay sebragh», «Saha dilwaqt agheddar», et la liste est bien plus longue. Slimane Azem est donc aussi un musicien et compositeur de la trempe des géants, en plus bien entendu de son statut d'interprète exceptionnel avec sa voix dont la beauté, la finesse et la douceur ayant bercé toutes les générations. On n'éprouve aucune lassitude à écouter à l'infini les chansons de Slimane Azem. Ce n'est pas seulement à cause des supports musicaux qui les soutiennent, mais aussi et peut-être surtout pour la densité qui les caractérise. Une grande partie de la poésie de Slimane Azem est complexe. Son sens est difficile à saisir si on ne se donne pas le temps et la peine de bien écouter et analyser.
Certaines revêtent une dimension philosophique et existentielle indéniable. C'est le cas par exemple de la célèbre chanson «Taqsit n Muh» dont le texte invite le mélomane à une réflexion profonde et à la méditation sur l'existence, sur la fugacité de la vie, sur son sens aussi ainsi que sur la mort, cette fatalité qui guette tout être humain quel que soit son parcours de vie, riche ou pauvre, instruit ou illettré, puissant ou faible, etc. Ce texte, à l'instar de plusieurs autres de Slimane Azem, montre que ce dernier véhiculait véritablement une pensée d'ordre philosophique. En autodidacte aguerri, ayant appris dans la plus grande école du monde, celle de la vie, Slimane Azem a réussi, dans son oeuvre, à appréhender des sujets extrêmement importants et inédits pour son époque, en puisant dans les leçons de la vie, la sienne et celles des autres.
Les questionnements philosophiques, on les retrouve aussi dans des chansons comme «A win yellan d lfahem», «Saha a lwaqt ageddar», «A yul iw heniyi», etc. Slimane Azem a également énormément abordé les questions spirituelles dans de nombreuses chansons. Mais le thème principal de Slimane Azem demeure l'exil et ses tourments qu'il a dépeints de diverses manières. Et sur ce registre, on peut dire que toutes les chansons dédiées à la douleur d'être séparé de sa patrie, sont de véritables chefs-d'oeuvre. Slimane Azem n'a jamais manqué d'innover concernant les manières d'aborder cet exil qui ne cessait de creuser dans son âme des sillons de douleurs insurmontables. Aucun poème composé sur l'exil, par Slimane Azem, ne ressemble à un autre.
Dans «Ur iruh, ur yeqqim», Slimane Azem a recours à un jeu de mots incroyable et très subtil pour décrire les contradictions intérieures qui rongent l'exilé volontaire, voulant à la fois rentrer chez lui, mais qui ne parvient point à franchir le pas. Parfois, Slimane Azem, procède à la description de la Kabylie, de ses villages et sites, en parlant de la déchirure de l'exilé comme c'est le cas dans la chanson où il envoie une hirondelle lui rapporter des nouvelles du pays: «Afrux i fireles». Il en est de même dans la chanson «Aâssas n tala» (le gardien de la fontaine» où le poète dit combien son coeur espère retrouver sa terre natale mais, en même temps, le sort appose un refus catégorique à ce désir ardent. L'oeuvre monumentale de Slimane Azem est un océan poétique nécessitant toute une vie pour s'en rassasier et en saisir le sens. Plutôt les sens.

Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)