Algérie - A la une

Haouch Grau de nouveau orphelin



Un symbole de la résistance durant les années de terrorisme s'est éteint hier. Rabéa Sellami, épouse du plus célèbre Patriote de Boufarik, a lutté plusieurs jours contre le coronavirus avant de rendre l'âme.Abla Chérif - Alger (Le Soir) - « Elle a mené son dernier combat, son dernier acte de résistance », cette phrase était hier sur les lèvres de tous ses amis, de tous ceux qui l'ont connue, admirée, soutenue pendant, après la décennie noire. Ces mots résument également à eux seuls la personnalité d'une femme sortie de l'ombre en se dressant aux côtés de son époux, Mohamed Sellami, responsable d'un groupe d'autodéfense qui a mené un combat sans merci contre les redoutables groupes terroristes qui semaient la mort dans la Mitidja.
Nous sommes en 1995. Mohamed Sellami et son groupe portent alors le nom de Patriotes, dénomination donnée à tous ces hommes engagés, armes à la main, pour la défense de leur village soumis à la menace permanente du GIA (Groupe islamique armé) qui sème la mort au nom de l'islam. La famille Sellami est bien connue à Haouch Grau et son engagement dans la lutte antiterroriste la rend encore plus célèbre. Mohamed est admiré par les siens, le village, Boufarik, la lutte qu'il mène contre les frères Zouabri tous natifs de la région où leur nom est synonyme de sauvagerie, de mort.
Antar Zouabri, cadet de la fratrie et futur « émir » du GIA, conduit de nombreuses attaques meurtrières à Boufarik, à Haouch Grau où il massacre la famille d'un policier, à Chréa où il tend des embuscades aux éléments de l'ANP et massacre, avec son groupe, les villageois. Mohamed Sellami et les Patriotes engagés sont en guerre contre Zouabri. Ils ne sont pas seuls à lutter contre les terroristes.
Rabéa ne fait pas le terrain, mais mène, elle, une guerre redoutable contre l'idéologie intégriste qui faisait alors des ravages à cette époque. Elle inverse la tendance autour d'elle, des familles du village, met en place une logistique indispensable à son époux, aux Patriotes...
Les journalistes qui couvrent à cette époque les évènements qui se déroulent dans cette région gardent en mémoire l'image d'une femme forte, très forte, accueillante, n'hésitant à s'adonner à aucun effort...
Rabéa est la mère qui élève sa fille Hadjer, la résistante qui sait manier l'arme qui sert à protéger la famille en l'absence du père, l'hôtesse qui sait préparer la quantité de repas nécessaire aux nombreux passants... Sa vie bascule un certain 19 décembre 1995, Mohamed Sellami est assassiné vers 22 h à Boufarik. Haouch Grau est sous le choc, la mère du défunt est effondrée, Rabéa pleure en silence et cache précieusement le blouson taché de sang, troué par l'impact de la balle dans ses affaires.
Elle le montre au monde, l'expose face aux caméras et photographes qui se bousculent chez elle, Rabéa pleure mais ne baisse pas les bras, elle poursuit le combat qu'elle a entamé avec son époux. Les années passent.
Le nom de Rabéa Sellami ressurgit avec force, la semaine dernière, avec l'annonce de sa contamination au coronavirus. Un appel à la solidarité est lancé. Ses amis et tous ceux qui la connaissent sont invités à l'aider, à lui trouver une place dans un hôpital. Frantz-Fanon l'accueille. Tous craignent le pire.
Rabéa est diabétique et souffre de maladies chroniques. Femme solide, elle résiste durant plusieurs jours et donne même l'espoir de pouvoir s'en sortir. Le combat est, cependant, trop rude, inégal, elle a fini par succomber hier. Haouch Grau est à nouveau orphelin... Ses amis et tous ceux qui l'ont connue la pleurent...
A. C.
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