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Guerre d'intérêts autour de la laiterie de Draa-Ben-Khedda ' Des entreprises plus stratégiques et performantes ont été privatisées dans le silence




Trois semaines après le déclenchement de la grève, chaque partie campe sur ses positions et les initiatives des partenaires sociaux et des pouvoirs publics en vue de désamorcer la crise demeurent jusqu'à présent sans impact sur sa teneur. La qualité de la médiation serait aussi en cause dans la longévité de la grève qui ne pénalise surtout que les consommateurs notamment les couches sociales défavorisées, obligés d'acheter d'autres produits de substitution à des prix très élevés. La grève illimitée de la majorité des 360 travailleurs de la laiterie de Draa-Ben-Khedda, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, du groupe industriel des productions laitières Giplait-SPA/SGP Tragral, depuis le 9 octobre dernier, relance le débat sur les questions de privatisation des entreprises économiques publiques et la liquidation d'autres en exécution d'un plan global à moyen et long terme de libéralisation du marché que des analystes qualifient de bradage de l'économie locale au profit des tenants de l'import-import et des multinationales.
La politisation d'un conflit à première vue d'ordre syndical par des déclarations d'acteurs politiques de haut rang dans la configuration médiatique actuelle donne plus de lumière à ce bras de fer qui a généré des désagréments énormes à la population locale, sachant que les produits laitiers et dérivés proviennent à plus de 80% de la laiterie de Draa-Ben-Khedda, créée en 1974. Le premier angle d'intérêt et de motivation de cette grève est à chercher peut-être du côté du fait du monopole du marché local par une seule entreprise malgré l'ouverture théorique du marché dans le créneau juteux, ou peut-être s'agit-il d'une tentative de remise en cause du statut et des parts des bénéficiaires de départ de cette société dont le domaine de production ne pouvait pas inquiéter sur l'aspect rentabilité financière et gains en prestations de services. Ou encore s'agit-il d'un scénario pour la reprise en main par l'Etat de l'ex-Onalait comme le souhaitent les centaines d'employés qui ne revendiquent pas moins que la renationalisation de leur outil de travail. Réveil et regrets après trois années de gestion privée ' Manipulations ' Sursaut nationaliste ' Emplois menacés '
Trois semaines après le déclenchement de la grève, chaque partie campe sur ses positions et les initiatives des partenaires sociaux et des pouvoirs publics en vue de désamorcer la crise demeurent jusqu'à présent sans impact sur sa teneur. La qualité de la médiation serait aussi en cause dans la longévité de la grève qui ne pénalise surtout que les consommateurs, notamment les couches sociales défavorisées, obligés d'acheter d'autres produits de substitution à des prix très élevés. Les conditions socioprofessionnelles des salariés jugées très peu envieuses ont été au c'ur de la colère des travailleurs, à en juger par leur plate-forme de revendications rendue publique au début de la grève. Ainsi, le Parti des travailleurs (PT), par la voix de son porte-parole Louisa Hanoune, a pris position sans ambages en faveur des grévistes non sans décocher des flèches acerbes en direction des nouveaux propriétaires de la laiterie de Draa-Ben-Khedda. Le PT juge la solution consistant à renationaliser la laiterie de Draa-Ben-Khedda comme «juste et légitime et constitue la seule issue viable pour la sauvegarde et la pérennité de l'entreprise», dans une déclaration datée du 11 octobre dernier lors d'un meeting tenu dans une salle non loin du siège de l'entreprise. Le PT de Louisa Hanoune, tout en demandant au chef de l'Etat d'ouvrir une enquête sur la gestion de la laiterie, accuse et affirme que «l'entreprise a été bradée pour la modique somme de 80 milliards de centimes, alors que durant le dernier exercice qui a précédé sa privatisation, elle a réalisé des bénéfices évalués à 40 milliards de centimes. Le nouveau propriétaire de l'entreprise n'a pas respecté le cahier des charges, notamment les volets création d'emplois et renouvellement de l'outil de production, faisant régner un climat de tension sociale permanent au sein de l'entreprise». La fédération du FFS de Tizi-Ouzou a emboîté le pas au PT en réagissant à travers une déclaration, se rangeant lui aussi du côté des travailleurs grévistes. Le FFS écrit qu'«outre la baisse des bénéfices durant les trois années qui ont suivi la privatisation de l'usine, la non-réalisation du programme d'investissement de 335 millions de dinars sur 48 mois, l'acquisition d'un matériel vétuste et le non-remplacement des employés mis en retraite, les travailleurs reprochent également à leur premier responsable sa mauvaise gestion». La fédération du FFS de Hocine Aït Ahmed est allée plus loin en accusant les responsables de la laiterie de modifier le dosage de ses produits : «La sortie frauduleuse du lait collecté et subventionné par l'Etat, la non-conformité aux normes du stock de poudre de lait, les intimidations, les insultes, les mutations et les sanctions abusives à l'encontre des employés». Et au FFS de s'interroger : «A qui profite la privatisation de leur unité, dès lors qu'elle a toujours dégagé des bénéfices variant entre 30 et 40 milliards de centimes '» Quant à la nouvelle direction, elle rejette en bloc toutes les accusations des syndicalistes de la laiterie et des partis politiques et parle même d'amélioration des conditions de travail et de la carrière des salariés, chiffres à l'appui.Dans ce contexte, il est difficile de ne pas relever les relents politiques d'une telle situation sachant que nombre d'entreprises, stratégiques, sinon la plupart et parmi les plus performantes (elles se comptent par centaines à travers l'Algérie) ont été bradées sur l'autel de la politique de libéralisation prônée et assumée par les pouvoirs publics, des milliers de travailleurs jetés à la rue, avec tout ce que cela suppose comme précarité et clochardisation des familles sans que cela fasse autant de bruit ; qui ne ferait malheureusement pas reculer la machine du gain facile et de la spéculation dans le pays.
L. S.
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