Algérie - 08- La guerre de libération

Guerre d’Algérie: les « mille autres » Maurice Audin




Guerre d’Algérie: les « mille autres » Maurice Audin
Photo : Des indépendantistes algériens abattus par des soldats français, le 5 janvier 1957 à Alger.
Intercontinentale / AFP

Alors qu’il reconnaissait la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin, Emmanuel Macron annonçait également l'ouverture des archives françaises relatives aux disparus de la guerre d’Algérie. Un site internet a été mis en ligne juste après l'annonce d'Emmanuel Macron : 1000autres.org. Il recense les noms d'un millier de personnes disparues depuis la bataille d'Alger.

Le site internet a été baptisé 1000autres. Comme mille autres Maurice Audin, probablement tous arrêtés et torturés à mort par l'armée française comme l'a été le mathématicien et militant communiste en 1957. Pour chaque disparu, un nom, une date de naissance, une profession, un domicile, ainsi que le jour et le lieu de l'arrestation. Par exemple, cette fiche prise au hasard : celle d'Abdenor Khelifati, né le 16 mars 1932 à Boghari. Profession : gardien de prison. Il a été arrêté le 1er mars 1957 à 8h30 sur son lieu de travail par les parachutistes. Un commentaire agrémente la note : « En cas de découverte, prévenir Mme BEN KAROUM Fatima ».

« C’est un avis de recherche, c’est extraordinaire ! », s’étonne encore Fabrice Riceputi. Cet historien est à l’origine de la découverte d’une archive qui a servi de base au projet 1 000 autres. Un fichier qui a commencé à être édité dès 1957 par le service des liaisons nord-africaines (SLNA) : « C’est l’héritier de ce qu’on appelait avant 1946 "les affaires indigènes". Il surveillait politiquement les français musulmans dans l’Algérie française. »

Carte blanche à l'armée

A l’occasion de la bataille d’Alger, le gouvernement français donne carte blanche à l’armée pour régler la situation sur place. « Quand on livre la ville aux parachutistes, le SLNA se retrouve désœuvré. Il n’a plus grand-chose à surveiller. On lui confie donc cette tâche incroyable de collecter les plaintes des familles des gens qui ont été enlevés par l’armée et demander ensuite à l’armée française de dire à la préfecture ce qu’elle a fait des gens enlevés », explique l’historien.

C’est à l’occasion de recherches sur le secrétaire général à la police de la préfecture d’Alger de l’époque, Paul Teitgen (qui a démissionné dès 1957 en dénonçant « les crimes de guerre »perpétrés par l’armée), que Fabrice Riceputi déniche le fichier dans le fonds des Archives nationales d’outre-mer, à Aix-en-Provence. Il était pourtant connu à l’époque, mais la préfecture en refusait l’accès, puisqu’à l’évidence, il constituait la preuve que l’autorité civile ne contrôlait alors plus rien à Alger. « L’ampleur du fichier démontrait en partie, de façon extrêmement précise, la pratique de l’enlèvement qui était privilégiée par les militaires », poursuit Fabrice Riceputi, qui pense que ce fichier n’a depuis jamais été consulté jusqu’à ce qu’il tombe dessus.

Huit cent cinquante noms ont pu en être extraits. Deux autres sources ont permis d’en ajouter 160 autres, portant à 1010 le nombre de personnes disparues aujourd’hui identifiées sur le site 1000autres.org. Cela ne représente cependant pas la totalité des disparus de la guerre d’Algérie – loin de là – qu’on estime à plusieurs milliers. C’est pour pallier ce manque qu’Emmanuel Macron a annoncé l'ouverture de toutes les archives relatives aux disparus.

« Faire avancer le travail de mémoire »

Le fonds est conséquent, puisque les ministères des Outre-mer, des Armées, de l’Intérieur et des Affaires étrangères sont concernés. Ces archives seront consultables par les historiens, mais également par les familles et les associations. Par cette démarche, le chef de l’État souhaite que chacun s’en saisisse, et « que le règlement de l’affaire Audin permette de faire avancer le travail de mémoire ».

Fabrice Riceputi doute cependant que l’accès à ces archives permette de combler les trous béants qui restent dans l’identification des disparus : « La règle à l’époque était de ne rien écrire de compromettant. Le fichier du SLNA n’a pas été fait afin de lister les disparus. Il a été fait pour apporter une assistance aux victimes de la terreur à Alger dans le contexte politique de 1957. Il fallait avoir l’air de faire quelque chose quand les gens s’adressaient à la préfecture. »

De nombreuses archives ont également été détruites à l’époque : « Le 13 mai 1958, quand les parachutistes ont pris le pouvoir à Alger, ils ont détruit une très grande quantité d’archives. On ne trouve par exemple plus aucune trace des archives du secrétariat à la police de Paul Teitgen. Beaucoup de documents, au ministère de l’Algérie, au Gouvernement général ou à la Préfecture d’Alger ont également été volontairement détruits par les parachutistes, pour effacer les preuves qui avaient été engrangées par le traître Teitgen comme ils l’appelaient. »

Enfin, dernière limite à l’ouverture de ces archives promise par Emmanuel Macron, ne seront disponibles que les documents relatifs aux disparus. L'Elysée estime en effet que rendre disponible l’ensemble des documents concernant la guerre d'Algérie serait trop sensible, étant donné le nombre de personnes encore en vie ayant connu cette période.


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