Algérie - Revue de Presse


Tous les ans, depuis 1998, un ancien ouvrier sidérurgiste de Sollac-Dunkerque invite les habitants de sa ville à se réunir autour d?une chorba. Cela se passe à Grande-Synthe, près de Dunkerque, durant les soirées du Ramadhan. Grande-Synthe : une ville du Nord qui a poussé comme un champignon au début des années soixante, avec l?implantation d?Usinor. L?usine sidérurgique, construite au bord de la mer, recrutait alors de nombreux ouvriers qui ont été logés dans des logements collectifs caractéristiques de cette époque. Les concentrations de familles maghrébines datent de cette époque. Quarante ans après, la municipalité a fait des efforts louables pour remplacer les tours locatives et pour rendre la ville à ses citoyens. Dans cette cité très multicolore, la lutte contre les discriminations raciales a de longue date mobilisé les associations et les initiatives citoyennes. Lorsqu?il était ouvrier et syndicaliste à Usinor, devenue Sollac-Dunkerque en 1986, Aïssa Zemmouri en avait déjà parfaitement conscience. Contre le communautarisme Les difficultés de son arrivée en France, d?abord seul puis avec sa famille, les emplois pénibles au port de Dunkerque et aux chantiers de construction navale, la grande grève de 1968 puis son intégration à Usinor l?ont forgé au syndicalisme (Force ouvrière puis la CGT) et à la solidarité ouvrière. Une fois à la retraite, en 1987, il demeure tourné vers les autres et la vie associative. Les discours sur le racisme, l?intégration, les difficultés des jeunes issus de l?immigration (il a lui-même trois enfants nés en Algérie et est plusieurs fois grand-père), il connaît. Il a toujours refusé le misérabilisme et les tentations communautaristes. En 1997, il s?inscrit dans un stage de formation à la citoyenneté. « On y réfléchissait à la manière de construire une ville à tous les niveaux et à la façon de se gérer », se souvient-il. Mais tout cela était bien théorique et débouchait sur peu de projets concrets. « Moi j?ai proposé quelque chose de simple : un projet que j?ai intitulé La Chorba pour tous ! », raconte-t-il fièrement. L?idée était de trouver un prétexte pour réunir les habitants de Grande-Synthe, toutes origines confondues, et de leur permettre de mieux se connaître. « Vous seriez surpris de savoir, explique Aïssa Zemmouri, à quel point on peut se méconnaître tout en étant voisins. Pour la plupart des gens, ici, l?Algérie, c?est le couscous et une foule d?idées fausses. » « La Chorba pour tous », c?est une succession de soirées, pendant le Ramadhan, qui permet, outre les découvertes culinaires, de rassembler les gens et d?établir un dialogue constructif. On y rencontre des gens d?origines sociales les plus diverses et tous âges confondus. On discute beaucoup et on fait la fête. Pour y parvenir, Aïssa Zemmouri a pourtant dû déployer une énergie sans pareille. « Au départ, tout le monde était enthousiaste, dit-il. Mais à l?issue de quatre réunions, les élus ont posé la question des moyens ! Il a fallu que je me fâche et que je les mette devant leurs responsabilités. » Il a obtenu un local, prêté par la mairie, et un minibudget. Il y a deux ans, il a créé une association afin de mieux gérer son projet et de multiplier les initiatives. Cela lui a permis d?établir des liens durables et des échanges avec des associations algériennes, de participer à l?aide et au soutien des sinistrés (après le tremblement de terre), d?organiser des expositions, de montrer l?Algérie autrement qu?à travers des poncifs. Son association s?appelle Graines de culture. Le logo représente une main qui sème. « J?espère simplement qu?il en poussera quelque chose. » Aïssa Zemmouri est un sage.



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