Algérie - Gouvernement

«Gare à ceux qui pensent que seule la force brute pourrait gouverner»


- Le Premier ministre a déclaré, avant-hier à l’APN, «pour votre malheur, le régime est uni» pour dire que les scandales de corruption n’expriment pas une lutte de clans au pouvoir. Quel est votre commentaire '
Cette affirmation est conforme à la structure de pensée et à la logique «politique» même du Premier ministre. Elle est conforme à son rôle et à sa fonction. C’est celle de «positiver» le régime et de le présenter comme étant uni et transparent. Rien d’étonnant à ce qu’il en donne une image reluisante et le dépeigne sous une forme apaisée, dénuée de lutte, de divergences de forme et de fond.
Par ailleurs, M. Ouyahia dit vrai, absolument vrai : les scandales de corruption, financiers et économiques, n’expriment pas de lutte de clans au sein du pouvoir. Il dit vrai parce que tous les «clans» ou presque s’entendent implicitement ou explicitement sur la manière dont ils tirent des revenus de la corruption. L’unité du régime dont il parle tient non pas sur une unité politique fondée sur une conviction politique ou philosophique des clans en présence, mais sur la tolérance de la corruption envisagée comme un mode de gestion des affaires de l’Etat et de la nation. Il aurait fallu lire le Premier ministre non pas au premier degré de l’analyse politique, mais au second, voire au troisième. Telle est ma réponse à votre première question.
- Il a dressé un bilan très positif de l’action du gouvernement alors que l’opposition dénonce une régression des libertés démocratiques. Qu’en pensez-vous '
J’ai lu et entendu répéter à qui mieux mieux ses bilans positifs sur tous les plans, y compris le bilan du LMD, le taux de chômage qui aurait été gonflé par les adversaires du gouvernement, sur les rapports internationaux dressés sur la situation économique, sur l’état de la recherche et des droits de l’homme qui auraient été tous falsifiés par les «ennemis» de l’Algérie. Je pense que ce discours «positiviste» reproduit et répète à l’identique les vieux réflexes du FLN de naguère et d’aujourd’hui, pour qui le gouvernement est infaillible et que tout ce qu’il entreprend, fait, envisage et dit relève de la vérité à l’état pur.
Quand le discours se fait péremptoire, cassant, autoritaire, comme celui de M. Ouyahia devant les députés, il est difficile de croire qu’on est vraiment dans un régime démocratique, respectueux des avis contraires et des règles délibératives qui sont des vertus essentielles d’un régime pluraliste, pour ne pas dire démocratique. Ne pas méditer les critiques de l’opposition parlementaire quand elle évoque la crise profonde de la société, tout en faisant fi des critiques de l’opinion nationale et internationale sur divers aspects de la politique du gouvernement, c’est faire preuve de cécité politique, d’autoritarisme et d’arrogance qui ne rendent service ni à ce «régime uni» ni à la nation algérienne.
- M. Ouyahia  a parlé également de «regain de confiance», alors que les scandales de corruption se multiplient. Peut-on parler dans ce cas de confiance entre Etat et société '
Ce «regain de confiance» relève bien sûr de la science-fiction. Si le Premier ministre quittait momentanément ses vastes bureaux du Palais du gouvernement, son abri doré, et effectuait une visite dans les quartiers «lépreux» situés à la périphérie des grandes villes, s’il s’attablait quelques heures dans les cafés populaires poussiéreux et crasseux ou assistait aux audiences des tribunaux et des cours de justice pour enregistrer sur le vif les cris de détresse, les doléances de son peuple, il n’en reviendrait pas. Sa présumée confiance restaurée entre le gouvernement et le peuple avec des «problèmes» à rallonge serait ébranlée. S’il est un homme sensible – je n’en doute pas – au sens d’équité et à la misère du monde, il serait d’autant plus affecté qu’il aura un sommeil agité ou peuplé de cauchemars.
- Certains observateurs n’hésitent pas à dire que le pays est dans une «impasse historique». Partagez-vous cet avis '
Le pays est dans l’impasse politique depuis plus de deux décennies. Tout le monde le sait et pas seulement les experts impartiaux. Seul refuse de voir cette impasse – d’ailleurs grosse de conséquences graves pour l’avenir – le gouvernement actuel qui prétend, envers et contre tous, que le présent et l’avenir se présentent sous des auspices favorables grâce à la manne pétrolière qui, il est vrai, demeure jusqu’à nouvel ordre le moyen par lequel il est possible de conjurer d’éventuelles explosions.
Mais pour combien de temps ' Car le pétrole, si abondant qu’il soit, ne saurait jamais garantir à lui seul la sécurité durable (alimentaire et publique) s’il n’était accompagné d’une bonne gestion politique fondée sur des investissements productifs et une répartition équitable entre les différents segments de la société.
L’Algérie est bien dans l’impasse et toutes les données sociologiques et politiques tendent à le prouver chaque jour. Gare à ceux qui ne sauraient pas tirer les enseignements des expériences des autres et qui pensent, à tort, que seule la force brute, en lieu et place  de l’intelligence et de l’imagination, pourrait gouverner les hommes et le monde !   
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