Une «photo de famille», c?est peut-être ce qui restera pour l?Afrique du sommet du G8 à Heiligendamm. Et un long document intitulé «Croissance et responsabilité». Pour le reste, l?aide concrète attendra, même si l?on a annoncé 60 milliards de dollars pour combattre les plus graves pandémies, le sida, la tuberculose et la malaria. Â Mais concrètement, ces engagements spectaculaires ne sont assortis d?aucun échéancier contraignant. Air connu et vive impression de déjà-vu. Les ONG, en pointe des critiques, ne s?y trompent pas: le document final est imprécis, ne donne aucun calendrier et ne précise pas les contributions individuelles des pays du G8. Elles n?oublient pas que des engagements ont été pris, il y a deux ans, au sommet de Gleneagles (Ecosse) et déjà à Kananaskis en 2002. Le G8 semble s?en souvenir aussi puisqu?il réaffirme l?engagement pris de doubler l?aide au développement, alors même que tous les pays riches n?atteignent même pas les minima qu?ils s?étaient individuellement fixés en termes d?aide au développement. Â Pour tous les observateurs, la validité de la proclamation du G8 tenue en Allemagne n?est qu?une déclaration de principe: elle n?est assortie d?aucun calendrier, il n?est pas même question d?une date finale en 2015, échéance précise remplacée par une formule peu engageante de «prochaines années». Â L?ONG Oxfam International a fait les calculs: les 60 milliards de dollars claironnés ne représentent que 3 milliards de dollars de plus par rapport aux engagements déjà annoncés. En 2005, le G8 s?engageait pour un accès universel aux médicaments pour les malades du sida et à augmenter l?aide au développement de 25 milliards de dollars par an d?ici à 2010. Or, ces 60 milliards permettront de soigner 5 millions de personnes, alors que l?ONU indique que 11 millions d?Africains auront besoin d?un traitement contre le sida en 2010. Le texte du G8 est «cynique», a conclu le chanteur Bono. On peut ajouter à cela le non-respect des engagements pris pour le déblocage des négociations sur la libéralisation du commerce mondial qui achoppent, notamment, sur les subventions à la production et à l?exportation des produits agricoles. Le continent africain subit directement et brutalement ces subventions versées aux producteurs occidentaux. Nous restons obstinément dans le double discours, dans la logique de marché libéral à géométrie variable. Selon Jean Ziegler, rapporteur spécial de l?ONU pour le droit à l?alimentation, le nombre des personnes sous-alimentées en Afrique est passé en 30 ans de 81 millions à 203 millions. 203 millions. On l?aura compris, en dépit des discours, l?Afrique n?est pas une priorité du conseil d?administration de la planète, tout au plus un enjeu lointain dans la compétition avec la Chine et une gêne en raison de l?action des ONG et des altermondialistes. Â C?est du Mali, où se tenait un contre-sommet, que proviennent les débuts de réponses. Bien sûr, il y a le discours politique déniant au G8 la légitimité de décider pour la planète, les dénonciations du FMI et de la Banque mondiale, l?exigence de l?annulation de la dette, mais il y a eu également une réflexion sur soi, sur la «bonne gouvernance». Dans ce domaine, les choses n?avancent guère malgré l?initiative du Nepad dont les représentants sont invités régulièrement au G8. Les résultats ne sont pas visibles ni identifiables. Le G8 semble observer, en appelant au renforcement du mécanisme africain d?examen par les pairs, qu?il ne pourrait être efficace que si ces «résultats sont connus et suivis d?effets». Encore faut-il que cet «examen» soit mené avec un minimum de rigueur et n?obéisse pas à des logiques de complaisance politique. Ce qui semble être le cas en général. La formule du Nepad est sans doute intéressante mais elle ne semble pas bénéficier des préalables politiques fondamentaux qui la rendraient opérante. La déclaration du G8 appelle d?ailleurs à ce que ce mécanisme d?examen réciproque soit mis en «oeuvre avec une promptitude et une efficacité accrues». On peut y lire un message simple: vous attendez de l?aide, commencez par vous aider vous-mêmes ! Â Même si, à l?évidence, la sincérité du message peut être contestée, elle ne manque pas de vérité. Au-delà des jeux de puissances et des solidarités verbales, la question de la gouvernance africaine est primordiale et ce fait aussi est une promesse non tenue.
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Posté Le : 10/06/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com