Algérie - A la une


Fronton
L'âme de Abderrahmane Bouchama (1910-1985) doit se retourner dans les cieux en voyant ce que nous produisons aujourd'hui comme édifices. Premier Algérien à avoir accédé à la belle et exigeante profession d'architecte, après des études de mathématiques à Nantes et l'Ecole des beaux-arts de Paris, dans les années quarante, il a publié en 1966 un livret intitulé L'arceau qui chante où il proposait sa vision de l'architecture algérienne alors naissante. Il y faisait part aussi de sa passion pour l'héritage sublime de la civilisation musulmane dans cette discipline et, notamment, pour le raffinement de l'arceau ou de l'arc. Sert-il d'alibi à ses dépens 'Aujourd'hui, quelle que soit leur nature, d'innombrables constructions se voient affublées d'arcs : immeubles d'habitation, universités, administrations publiques, sièges de sociétés, etc. On entend d'ici les décideurs imposer ce choix, clamant que l'arc «fait algérien et musulman».On devine aussi quelques architectes obligés de s'y plier ou tentés par la facilité. Un coup de compas et voilà un arc ! Or, rien n'est plus complexe et recherché que son dessin, porté à des sommets par l'architecture musulmane, selon des esthétiques élaborées et des formes diverses : arc persan, arc à lambrequins, arc polylobé, arc outrepassé? Il ne suffit pas d'avoir une ouverture recouverte d'un demi-cercle pour prétendre à la subtilité de cet élément et, partant, à l'authenticité.Cela est révélateur d'une démarche qui réduit l'architecture musulmane à ses décors anecdotiques, exactement comme l'école néo-mauresque promue à la faveur du centenaire de la colonisation mais qui, elle au moins, faisait l'effort de se documenter et de faire appel à des artisans algériens. De grands pionniers de l'architecture moderne, comme Le Corbusier, se sont inspirés de notre patrimoine architectural (Casbah, M'zab?). Leurs créations contemporaines, certes toutes discutables, ont du moins le mérite de réinterpréter non pas des fioritures de façade, mais la démarche profonde de l'architecture musulmane dont on ne soupçonne même pas chez nous l'immense diversité.Alors que l'on a, semble-t-il, décidé que tous nos édifices profanes devaient ressembler à ce que l'on croit être une mosquée, la plupart de nos mosquées ? à de rares exceptions comme la récente Ibn Badis d'Oran ? ne s'inspirent pas de notre architecture sacrée. Ce ne sont pas les Turcs ou les Saoudiens qui renonceraient à leurs styles de mosquées pour les construire à la maghrébine.A croire que la seule alternative en Algérie consiste à choisir entre du pseudo-musulman à arc et du pseudo-moderne en verre. Ou un patchwork des deux. C'est ce qu'on récolte quand la signature de l'architecte passe derrière le diktat des commanditaires et que l'on a creusé un canyon sans fond entre l'architecture, d'un côté, et l'histoire, l'art et la culture, de l'autre. Dis-moi comment tu construis...


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