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Folio
Kateb Yacine est de ces écrivains qui ne s'entendent point si l'on ne tient pas compte de la signification historique de leur ?uvre. Il appartient, en fait, à ces auteurs dont chaque ?uvre, en plus de sa valeur artistique intrinsèque, représente une étape dans le devenir d'une culture, une expérience dans le procès de découverte et de vérification qui constitue une culture particulière. Nedjma, Le Polygone étoilé, Les Ancêtres redoublent de férocité, L'Homme aux sandales de caoutchouc et jusqu'au Roi de l'Ouest offrent ce double intérêt.L'évolution de Kateb Yacine, de la poésie au roman, puis du romanesque au texte théâtral, correspond de même à un moment historique de grande importance. Dans ses ?uvres, il a donné une valeur absolue à certaines valeurs qui sont relatives non seulement à lui-même en tant qu'individu, mais à lui-même en tant qu'interprète d'un certain moment de l'histoire de la sensibilité.Si l'on veut tâcher de bien comprendre Kateb Yacine, il faut donc prendre garde de toujours bien situer les valeurs qu'il nous propose, et en même temps d'y voir les étapes d'un procès de développement qu'il n'y a aucune raison de borner au développement de l'auteur lui-même. Ses idées presque toujours liées aux personnages qui les expriment.Elle sont, en plus, non seulement relatives à ces personnages, mais à un moment précis de la vie de ces personnages. Romancier, Kateb Yacine se divise en autant de personnages qu'il a de tendances diverses. Ces tendances, notre romancier, pareil à chacun de nous, aime à les affirmer, à les pousser à bout : ses personnages se chargeront pour lui de ce soin. Rien de moins rêvé que la grandeur katébienne, état de fait au contraire, puissance d'être et d'être à tout moment.Kateb Yacine disait : «Pour que l'ambition nous tire vers le haut, contrairement à la pesanteur, il faut que l'idéal vers lequel nous nous élevons, soit vivant». Lorsque l'idéal s'affaiblit et tend à disparaître, lorsque les m?urs ne le reconnaissent plus, lorsque notre éducation ne nous porte plus vers lui, il ne nous apparaît plus que comme une fantaisie de l'imagination que vient démentir la faible et triste réalité. Ce qui veut dire que nous ne pouvons plus réaliser que ce qui est faible et triste.Mais en nous subsiste la volonté d'un idéal, la nostalgie d'une grandeur, la passion d'une vie plus haute. Kateb Yacine a été bien trop ouvert à la vérité humaine d'où qu'elle vienne et quelle qu'elle soit et bien trop engagé par ses propres principes. Il a d'abord, une fois pour toutes, posé ses conditions, décidant très jeune à n'accepter point celles que lui imposerait la quête du succès. Il est d'une époque où l'écrivain, le plus souple, le plus divers, tient pour urgent de parvenir à une définition de soi.Et Kateb Yacine s'est défini dès ses premiers écrits. Il a été non seulement un artiste, il a été un critique politique des mieux armés. A chacune des diversités de sa nature correspond une idée très délicatement précisée, une sorte de pointe critique qui défend la partie sensible et faible contre les attaques des puissants.





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