Algérie - A la une

Financement non conventionnel: Les réserves d'un ex-ministre des Finances



Financement non conventionnel: Les réserves d'un ex-ministre des Finances
Abderahmane Benkhalfa, expert et ancien ministre des Finances n'est pas «très chaud» pour le financement non conventionnel, un instrument qu'il qualifie «d'exceptionnel», qui a été adopté par le gouvernement comme solution pour financer l'économie nationale.Commentant la présentation du plan d'action du gouvernement devant l'APN, M. Benkhalfa a souligné que ce programme porte sur trois grands volets, à savoir la poursuite du développement économique, le développement territorial, et l'économie, «pas seulement le financement, mais également l'ajustement de l'économie».
L'ex-ministre des Finances a souligné lors de son intervention hier mercredi à la radio nationale que «contrairement à ce qu'on pense, le fossé qui existe entre les ressources disponibles et les besoins du pays, de la croissance économique, ne découlent pas seulement des problèmes financiers, mais de la structure de notre économie qui est en décalage par rapport à nos perspectives». Donc, «nous allons utiliser la dernière cartouche en matière de financement traditionnel», poursuit-il, avant de relever que «nous sommes allés au non conventionnel», et donc «nous continuons cette année en prenant un élément à caractère exceptionnel qui est le financement non conventionnel». Pour lui, «le pays dans les années à venir doit générer des ressources, (car) nous n'avons plus de ressources épargnées institutionnellement, et donc il faudra aller à une économie qui génère des ressources». «Nous sommes à un carrefour pas risqué, mais difficile, complexe, avec des dossiers importants qu'il faut ouvrir, y compris les dossiers qui peuvent un peu fâcher», affirme-t-il.
Par ailleurs, l'ex-ministre des Finances récuse toujours le fait que l'économie nationale soit en crise, estimant que «la crise est un gros mot, la situation est complexe, difficile, oui». «Je ne partage pas la focalisation sur le programme de financement non conventionnel du gouvernement. C'est exceptionnel. Lié à la conjoncture, cela peut durer trois ans, ils ont pris cinq ans», a-t-il ajouté, avant de prévenir contre l'utilisation massive de la planche à billets. «J'espère qu'il y aura des garde-fous pour que le robinet ne s'ouvrira pas, parce que le financement monétaire ronge le pouvoir d'achat, le dinar, et parallèlement, il faut ouvrir les grands dossiers, comme la réforme bancaire, la flexibilisation du principe des 51/49%,...»
Pas totalement convaincu de l'utilité de cette option de financement de l'économie, M. Benkhalfa a fait remarquer qu'il ne faut pas en quelque sorte aller vers une dérive qui ruinera l'économie du pays. Donc premièrement, «il faut mettre des garde-fous dès maintenant pour le financement non conventionnel» car, «il ne faut pas couvrir tous les besoins par la Banque d'Algérie». Deuxièmement, «il faut continuer le train du développement», troisièmement, il «faut bancariser l'économie, ramasser les ressources thésaurisées, car il y a des milliards de dinars en dehors des circuits bancaires et on a des possibilités d'attirer ces milliards». M. Benkhalfa est formel: «Le financement non conventionnel ne doit pas faire dormir les ressources de la Bourse, le partenariat capitalistique, le partenariat public-privé, il faut que notre économie n'arrête pas sa modernisation».
Bref, pour l'ex-ministre des Finances, si la voie du financement non conventionnel «est maintenue pendant longtemps, elle risque de diminuer la modernisation de notre économie». Plus globalement, pour lutter contre l'assèchement des ressources financières, l'Etat doit notamment, a-t-il préconisé, «attirer les ressources disponibles par les investissements et que notre économie génère ces ressources». «Il faut que le pays génère des ressources, et pour cela, il faut un ajustement économique important», estime-t-il, dont le retour à «l'emprunt obligataire, l'inclusion de l'informel, la bancarisation de l'informel ; c'est important pour générer des ressources».
Plus direct contre le recours au financement non conventionnel, il appelle à ne pas arrêter «la modernisation de l'économie par des voies de financement monétaires», car, ajoute t-il, l'exception de l'ouverture de «la vanne entre la Banque d'Algérie et le Trésor ne doit pas devenir une règle», et donc il préconise la voie des investissements directs étrangers. «L'Algérie doit attirer jusqu'à 15 milliards de dollars d'investissements étrangers», relève-t-il.
Contre cette pratique économique du financement non conventionnel, Benkhalfa propose, lui, des «réformes structurelles», avec «l'ouverture à l'investissement direct chez nous et de l'étranger, ouvrir un canal spécial pour la diaspora, mettre en place une réforme bancaire et financière, ainsi que les partenariats capitalistiques et l'ouverture du capital des entreprises publiques, ou dynamiser la Bourse». Il faut également, ajoute-t-il, «rénover le régime de change et les flux de capitaux doivent rentrer au pays, encadrer et inclure l'informel, avec le 6ème dossier qui est la réforme de la subvention».
Sur le dinar, enfin, M. Benkhalfa estime qu'il faut «le solidifier, car il est en train de perdre en confiance, en compétitivité». «Là aussi, c'est une crainte que nous avons, la Banque d'Algérie et les autorités peuvent aller dans le sens d'un retour à la crédibilité du dinar», et il ne faut pas également, précise-t-il, que «le dinar reste pendant 30 ans avec une valeur parallèle et une valeur officielle distante». «Je plaide pour un mixage des capitaux publics et privés, et il faut que tout ce paquet d'innovations économiques ne doit pas être caché derrière un des instruments de financement, qui est le financement non conventionnel».
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)