Algérie - A la une


Fidélités
«Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent». Edgar FaureIl y a quelques jours, un de mes optimistes confrères rapportait dans ces mêmes colonnes, l'annonce d'un hypothétique changement dans la politique d'ouverture au 21 boulevard des Martyrs: que les Martyrs reposent en paix! Ils doivent être heureux de n'avoir pas vu ce que nous avons vécu et ils ne doivent plus croire à toutes les sornettes de changement, de révolution, d'éveil, de démocratie dans une institution aussi capitale que peut être une télévision dans un pays quadrillé par le jacobinisme. Non! Ce n'est pas un syndicat, aussi brave soit-il, même celui de Lech Walesa soutenu par la CIA, le Vatican et leur banque commune, qui pourrait briser les lourdes chaînes qui clouent au rocher tous les Prométhée aux ailes brisées. Ce n'est pas un syndicat, mais c'est toute une classe sociale qui peut enfanter quelque chose de viable et de pérenne. La télévision en Algérie, la RTF, a été créée pour donner un coup de main aux radios déjà en place, pour servir d'appareil de propagande aux gouvernements en place: elle s'y emploie avec fidélité, persévérance et entêtement depuis, d'ailleurs, elle sera la cible de tous les mouvements qui auront contesté les régimes en place. D'abord, il faudrait se poser comment a été créée la lourde machine du boulevard Bru: un laborieux visionnage d'émissions d'archives relatant les souvenirs et les péripéties biographiques de cette institution qui deviendra l'enfant préféré (après l'armée, bien sûr!) de tous les régimes qui se sont succédé depuis les années 1950. Certes, le projet de création de la télévision était antérieur aux «évènements» qui allaient ébranler les organisations colonialistes qui demandaient à leur mère-patrie, leur part de bien-être dans un monde qui se développe chaque jour un peu plus: Alger en ce temps-là était la deuxième ville de l'Empire quand la Méditerranée traversait la France comme la Seine traverse Paris. Tout spectacle, tout artiste qui se produisait dans la première ville des Gaules, atterrissait obligatoirement dans la cité de Ziri, pour divertir les collègues à Borgeaud. C'est ainsi que la création de la télévision en France fut suivie d'un projet similaire à Alger, au boulevard Bru, à un jet de pierres du fameux Palais d'été et juste en face de l'Hôtel Saint-Georges qui profitera de la circonstance pour offrir une douce hospitalité aux invités de cette Pénélope toujours fidèle à ses invisibles maîtres. C'est ainsi que le premier coup de pioche fut donné en 1952 d'une manière solennelle sur ce talus qui jouissait d'une vue imprenable sur la baie d'Alger. Les programmes étaient préparés parallèlement dès 1954 par un service de production qui se trouvait aux Eucalyptus, l'endroit même qui a été dynamité par les terroristes islamistes durant la décennie noire. On débaucha et forma des techniciens et artistes issus des radios des trois langues et une émission inaugurale fut émise via les émetteurs de Bouzaréah et de Cap Matifou le 24 Décembre 1956. Curieusement, aucune archive pouvant donner une idée de cette journée historique ne fut retrouvée après la libération: les archéologues de la pellicule travaillent encore pour dénicher le vieux kinescope qui contenait cette émission de variété qui allait illuminer un cercle restreint de privilégiés qui possédaient alors une télé en noir et blanc. Le parvis de la télé aura accueilli tous les détenteurs du pouvoir: de Soustelle à Nelson Mandela en passant par Boumediene, ont traversé un jour ou l'autre la ligne magique qui sépare la réalité de la fiction...




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