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Festival Off D'avignon


Festival Off D'avignon
«Le poète comme un boxeur». C'est le titre d'un ouvrage d'entretiens de l'écrivain algérien Kateb Yacine. C'est devenu une pièce où l'intensité de la parole du poète révolté surgit.Travailler sur Kateb, pour un comédien metteur en scène, cela semble couler de source théâtrale. Pourtant, pour Kheireddine Lardjam, de la compagnie El Ajouad, c'est un cri de rage qui l'a poussé, un cri qui rejoint l'enragement du monument de la littérature algérienne. «L'idée m'est venue lorsque l'Etat a subventionné des colloques sur Kateb Yacine», nous explique-t-il. «J'étais effaré. J'ai ressenti une récupération par le pouvoir algérien de la figure de Kateb Yacine.Ils en ont fait un nationaliste, non pas un patriote !, mais un nationaliste, dans ce que tout le nationalisme peut avoir de péjoratif. Ils en ont fait un auteur du pouvoir. Pourquoi ont-ils fait ça '» s'insurge-t-il, alors que Le poète comme un boxeur (éditions Le Seuil) ne quitte pas sa table de chevet. «J'ai pensé qu'il fallait réagir, faire quelque chose, ce que j'ai fait avec mes petits moyens. On l'a créé à Béjaïa pour contrebalancer ce qui avait été dit lors des colloques Kateb. Pour dire ce que tout ce Kateb a dénoncé et combattu durant toute sa vie.»A Béjaïa, au départ de l'aventure, Lardjam a pu travailler avec le fils de Kateb, Amazigh : «Quand il a entendu parler de mon projet, il a eu envie de le faire avec moi. Ensuite, je l'ai repris avec le chanteur de Kenadsa, Larbi Bessam. Avec lui on a travaillé les textes après traduction vers l'arabe, alors qu'Amazigh les chantait en français.»Des paroles brûlantes et très actuellesLe comédien qui interprète Kateb est l'acteur fétiche de Lardjam, Azzedine Benamara, auquel on doit en 2012 et 2013 une formidable intériorisation des textes Les borgnes et End-igné de notre ami et collègue Mustapha Benfodil, un des héritiers de Kateb s'il en est. Le troisième volet sera d'ailleurs bientôt monté. Si la première partie de la pièce sur Kateb remonte aux origines de la passion du poète pour les mots qui frappent face à l'ampleur de la violence coloniale, avec le français comme butin de guerre, la deuxième partie tourne au discours, éminemment politique, par l'auteur du Cadavre encerclé ou de Mohamed prend ta valise.«Je voulais cela», persiste Lardjam qui a assuré la dramaturgie avec Samuel Gallet. «Les discours de Kateb, c'est important. J'avais envie qu'en France dans un festival comme celui-là, on ait une visibilité sur l'engagement des artistes algériens. D'ailleurs, cela parle aussi à la France d'aujourd'hui, quand Kateb dit ??le poète est la révolution à l'état nu'', on est au milieu du combat pour la culture, cela résonne forcément ici.»Si l'intensité reste efficace, il n'en reste pas moins que les coups de gueule de Kateb prennent date et ensemencent l'Algérie et le monde : «Ce qui est dur dans ces textes, c'est qu'ils ont été prononcés dans les années 70'. Il est mort en 1989. Il n'a pas vu le tournant historique dans le monde, comme la chute du Mur de Berlin, ses paroles étaient pourtant brûlantes et très actuelles», ajoute le dramaturge, s'exclamant sur ce qui a été perdu : «On avait en Algérie des hommes de cette trempe avec une vision à long terme.Il a vu des choses comme l'intégrisme qu'il appelle l'obscurantisme, des choses qu'il dénonçait sans être entendu.» Un message pour les jeunes générations, résumé par ce questionnement prémonitoire de Kateb : «Pourquoi on ne les combat pas idéologiquement avec le matériel qu'on a, comme la vidéo, l'art, l'image ' Il faut que les jeunes s'approprient cela.»


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