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Faut-il avoir peur du virus Zika '



Faut-il avoir peur du virus Zika '
«Le temps met tout en lumière.»[Thalès, vers 625 av. J.-C. – 546 av. J.-C., philosophe, mathématicien]On a remarqué, récemment, que la très forte hausse du nombre de cas de microcéphalie chez des nourrissons au Brésil coà'ncide avec une sévère épidémie du virus Zika. Ce dernier est transmis par le «moustique-tigre» qui est apparu il y a moins de deux ans en Amérique du Sud. Le virus Zika inquiète les Brésiliens. En effet, cette année, plus de 2700 bébés sont nés atteints de microcéphalie (une malformation de la tête cette année) alors que seuls 150 cas de ce syndrome avaient été signalés l'an dernier.Incurable, cette malformation pourrait être liée au virus Zika, transmis par les moustiques-tigres. L'augmentation du nombre de cas en quelques mois préoccupe sérieusement les autorités sanitaires brésiliennes. Elles viennent de lancer un avertissement recommandant aux femmes enceintes de prendre toutes les précautions pour éviter les piqûres de moustique. Comme pour le VIH/sida ou la grippe H1N1, au début d'une épidémie on peut surestimer ou sous-estimer la situation. Le problème, actuellement, réside dans la difficulté de détection du virus Zika et dans les modes de transmission qui ne sont pas complètement démontrés. De plus, c'est ce même moustique- tigre qui est à l'origine de la transmission des virus de la dengue et du chikungunya.En ce qui concerne les preuves, les chercheurs ont établi le lien entre la maladie et le moustique après avoir découvert la présence du virus chez un nourrisson décédé, qui était né avec une microcéphalie et d'autres maladies génétiques. L'alarme a redoublé lorsque la présence du Zika a été détectée dans le liquide amniotique de femmes enceintes qui avaient les symptèmes du virus et dont les fœtus ont été diagnostiqués avec la microcéphalie. On est en droit de s'inquiéter à cause des malformations fœtales (certes dans une faible proportion des femmes touchées) qui semblent être liées à ce virus.Le virus Zika, un cousin des virus de la dengue et du chikungunyaIl s'agit d'un virus qui a été découvert et isolé pour la première fois en Ouganda en 1947 dans une région appelée Zika. Il est responsable de la fièvre du même nom et se transmet par la piqûre d'un moustique infecté. Il provoque des boutons, de la fièvre, des maux de tête et des arthralgies (douleurs articulaires). D'autres vertébrés tels que les chèvres, les éléphants, les lions, les zèbres et les hippopotames peuvent aussi être infectés. Le virus est surtout présent dans les zones tropicales d'Afrique et d'Asie.L'infection à virus Zika est une maladie due à un arbovirus appartenant à la famille des Flaviviridae comme ceux de la dengue, de la fièvre du Nil occidental (virus West Nile) et de la fièvre jaune. Le virus est transmis par les moustiques du genre Aedes.La première épidémie documentée est survenue en Micronésie en 2007, la deuxième en Polynésie française de novembre 2013 à février 2014. Le virus a ensuite circulé en Nouvelle-Calédonie et dans d'autres à®les du Pacifique.En mai 2015, une épidémie a débuté au Brésil pour s'étendre à plusieurs pays des Amériques dont la Colombie, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Salvador, le Suriname et le Venezuela. Depuis février 2015, les Samoa dans le Pacifique puis le Cap-Vert en Afrique de l'Ouest rapportent aussi une circulation du virus Zika.A la fin de décembre 2015, des premiers cas ont été rapportés dans les départements français des Antilles (Guyane et Martinique).Comment se transmet le virus Zika 'La transmission se fait par l'intermédiaire d'un moustique du genre «Aedes» dont «Aedes aegypti» et «Aedes albopictus» (moustique-tigre). C'est ce que l'on appelle une transmission vectorielle.La phase virémique (présence du virus dans le sang), peu documentée, est plus courte qu'au cours de la dengue. Elle débuterait avant l'apparition des signes cliniques et durerait deux à cinq jours.Pendant cette période, la personne infectée par le virus Zika est «contaminante» pour les moustiques qui la piqueraient. Le virus se réplique ensuite dans le moustique qui devient contaminant quelques jours plus tard. Il pourra, à l'occasion d'une autre piqûre, transmettre le virus à de nouvelles personnes.Il faut éviter qu'une personne infectée ne soit piquée en phase virémique par un autre moustique, afin de ne pas développer ou entretenir le cycle de transmission du virus.A côté de ce mode de transmission vectorielle, d'autres modes de contamination existent en particulier sexuel, sanguin et materno-fœtal.Un cas de transmission sexuelle a été rapporté aux Etats-Unis chez un patient malade de retour du Sénégal qui a contaminé sa femme qui n'avait pas voyagé alors que le virus Zika n'est pas présent aux Etats-Unis. Cette observation est cohérente avec la mise en évidence du génome viral et de particules infectieuses dans le sperme lors de l'épidémie du virus Zika en Polynésie française.Ce mode de transmission semble être nouveau, dans le cas du virus Zika, car il n'a jamais été décrit auparavant.Quant à la transmission par transfusion sanguine, elle n'a jamais été mise en évidence pour le virus Zika mais le risque ne peut être écarté.La transmission périnatale a été rapportée lors de l'épidémie en Polynésie française où deux cas de transmission materno-fœtale ont été décrits.Les mamans et les enfants ont présenté des signes cliniques classiques d'infection par le virus Zika et la maladie a évolué favorablement. Le génome viral a été détecté dans le sang, les urines de la mère et du nouveau-né et aussi dans le lait maternel. Toutefois, les investigations réalisées n'ont pas permis de mettre en évidence du virus infectieux dans le lait (le virus n'a pas pu être isolé). L'infection des nouveau-nés est supposée s'être produite par voie transplacentaire ou lors de la délivrance. La transmission par le lait n'a pas été démontrée mais la question reste posée par analogie avec ce qui a été rapporté avec deux autres virus de la même famille : le virus de la dengue et le virus West-Nile.Les manifestations cliniques et le diagnosticL'incubation est de 3 à 12 jours après la piqûre infectante. La maladie est asymptomatique dans 70 à 80% des cas. Les symptèmes sont proches de ceux retrouvés pour les autres arboviroses (dengue ou chikungunya), ce qui complique le diagnostic en cas d'épidémie concomitante. Ils se caractérisent par une éruption cutanée à type d'exanthème maculo-papuleux (boutons rouges arrondis plus ou moins nombreux et confluant parfois en plaques) possiblement prurigineuse (démangeaison).La fièvre est inconstante et modérée, souvent accompagnée d'une hyperhémie conjonctivale (dilatation excessive des petits vaisseaux de la conjonctive oculaire) ainsi que d'arthralgies (douleurs articulaires) et de myalgies (douleurs musculaires). La maladie est le plus souvent de courte durée et la fièvre disparaît en moyenne en moins de trois jours. Le pronostic est bon dans la majorité des cas, mais des complications neurologiques à type de syndrome de Guillain-Barré (atteinte des nerfs périphériques) ont été décrites au Brésil et en Polynésie française. Il n'y a pas eu de décès imputable au virus Zika en Polynésie.Quant au diagnostic, le virus peut être détecté directement dans le sang par RT-PCR (technique d'amplification), le plus souvent dans les deux à trois jours après le début des signes. Il peut être également détecté dans les urines. La virurie (présence du virus dans les urines) semble plus prolongée que la virémie (jusqu'à dix jours).Un résultat positif de RT-PCR dans le sang ou les urines confirme le diagnostic, mais un résultat négatif n'infirme pas le diagnostic.Le problème du virus Zika semble se situer au niveau de la grossesse : conduite à tenirEn ce qui concerne la transmission materno-fœtale, la transmission au fœtus a été confirmée dans 2 cas en Polynésie en per-partum(période autour de l'accouchement) avec une évolution favorable chez les nouveau-nés, mais il a été rapporté 12 cas de malformations du système nerveux central ainsi que 5 cas avec dysfonctionnement du tronc cérébral, dont des microcéphalies, et absence de déglutition. Le virus a également été retrouvé dans le lait maternel. Cette augmentation importante d'anomalies neurologiques néonatales, surtout à type de microcéphalie, a été confirmée dans les zones où sévit l'épidémie de Zika au Brésil. Ceci suggère une transmission materno-foetale tout au long de la grossesse.Il n'a pas été noté d'augmentation des taux d'avortement spontané et de décès in utero dans les régions à risque.Il a été rapporté un nombre anormalement élevé d'anomalies du développement cérébral intra-utérin et de microcéphalies chez des fœtus et nouveau-nés de femmes qui étaient enceintes au moment d'une épidémie du virus Zika. Toutefois, le lien causal entre l'infection Zika et ces malformations congénitales n'a pas été clairement démontré pour le moment. Des travaux de recherche sont actuellement en cours pour préciser la nature de ce lien. La prévention est d'une importance capitale chez la femme enceinte. En effet, il est conseillé aux femmes enceintes de se protéger par tous les moyens disponibles contre les piqûres de moustiques, particulièrement au cours des deux premiers trimestres.En plus du port de vêtements longs couvrant les bras et les jambes jusqu'aux chevilles, si possible imprégnés de répulsif, il est recommandé de dormir sous une moustiquaire. Par ailleurs, les répulsifs corporels utilisés doivent être adaptés aux femmes enceintes (éviter la toxicité de certains produits).En ce qui concerne l'organisation du suivi de la grossesse pour les femmes enceintes se rendant dans les zones où circule le virus Zika, une consultation préalable avec un médecin ou une sage-femme est recommandée pour évaluer l'opportunité du voyage en fonction de l'état de santé, des risques encourus et des moyens de protection individuelle.En ce qui concerne la conduite à tenir en cas de suspicion d'infection à Zika chez toute patiente enceinte fébrile (hormis en cas d'infection bénigne de diagnostic évident) doit être adressée en consultation d'urgence obstétricale dans les services de maternité pour un bilan étiologique complet selon le protocole de chaque service, ou dans le centre de santé le plus proche. Pour ce bilan, il faudrait :- pratiquer un examen clinique général et obstétrical : une HU (hauteur utérine), un RCF (rythme cardiaque fœtal), une échographie (vitalité + col) ;- éliminer les principaux diagnostics différentiels : pyélonéphrite ; ”?- rechercher les signes de gravité pouvant être en rapport avec une dengue dans les zones d'endémie : fièvre supérieure à 39°C, troubles neurologiques, signes hémorragiques, altération de l'état général, contractions utérines douloureuses, anomalies du RCF après 28 semaines d'aménorrhées (SA), c'est-à-dire absence de règles ;- hospitaliser s'il y a des signes de gravité ou des métrorragies (saignement utérin), menace de fausse couche spontanée (FCS), signes de mise en travail.En cas de suspicion chez une patiente sans fièvre mais présentant des signes cliniques évocateurs tels qu'une éruption, des myalgies, une hyperhémie conjonctivale, des céphalées, une recherche d'infection au virus Zika doit être effectuée.L'investigation est menée selon le bilan biologique suivant :- bilan infectieux : NFS (numération formule sanguine), PQ (plaquettes), CRP (protéine C réactive), transaminases, créatinine, ionogramme, protides, bilirubine, TP (taux de prothrombine), TCK (temps céphaline kaolin), CPK (créatine phosphokinase), ECBU (examen cytobactériologique des urines), PV (prélèvements vaginaux), hémocultures si fièvre supérieure à 38°5C (dans ce cas mettre en place une antibiothérapie après prélèvements par Amoxicilline 3g/j) ;- bilan sérologique selon le protocole du service ;- recherche de virus par RT-PCR dans le sang (dans les 5 jours à partir des premiers signes) et dans les urines (dans les 10 jours) ;- association systématique d'une recherche (en zone d'endémie) de dengue (antigène non structural ou NS1 et sérologie) et de chikungunya par PCR et sérologie.Le traitementIl n'existe pas de traitement spécifique de l'infection à virus Zika.Le traitement sera symptomatique et est le suivant :- hydratation ;- paracétamol jusqu'à 4g/j si fièvre ou douleurs ;- antihistaminique si éruption prurigineuse ;- pas de tocolyse (traitement diminuant les contractions utérines) systématique. En cas de découverte d'anomalies à l'échographie, un examen échographique par trimestre est normalement proposé à toute femme enceinte. En cas de découverte de microcéphalie, d'anomalies cérébrales ou de signes de dysfonctionnement du tronc cérébral (hydramnios, troubles de la déglutition), informer la patiente et faire un bilan étiologique adapté selon l'anomalie, en particulier une recherche de causes infectieuses (CMV, toxoplasmose, rubéole, herpès”?), ou de toxiques (alcool), ou génétiques.Une PCR Zika et une sérologie dengue chez la mère.Ensuite, proposer selon les cas, après avis éventuel d'un Conseil de Diagnostic Prénatal, une amniocentèse pour une recherche de virus Zika par RT-PCR dans le liquide amniotique et pour une recherche d'autres infections virales groupées. Ensuite une surveillance échographique mensuelle est proposée selon les recommandations de l'échographiste référent. Une IRM cérébrale vers 30-34 semaines est proposée.A la naissance si la PCR Zika est négative dans le liquide amniotique ou non effectuée, faire une PCR Zika sur le sang du cordon, sur les urines et sur le placenta ainsi qu'une sérologie dengue sur le cordon. Par la suite faire un examen clinique et une surveillance rapprochée ainsi que des examens paracliniques adaptés à chaque cas : écho, TDM (tomodensitométrie), IRM.Protection contre les moustiques : la clef de la maîtrise de l'épidémieLes mesures de protection habituelles individuelles et collectives entrent dans le cadre de la lutte anti-vectorielle.En ce qui concerne la protection individuelle, celle-ci s'adresse aux personnes se rendant, résidant ou revenant d'une zone de circulation du virus.Il s'agit de privilégier le port de vêtements longs et clairs, d'utiliser des répulsifs cutanés, des moustiquaires (de lit et de berceau), de préférence imprégnées, et penser à vérifier leur intégrité et d'imprégner par un insecticide tissus et vêtements. Les répulsifs anti-moustiques comprennent les répulsifs cutanés, les biocides insecticides pour tissu et les moustiquaires préimprégnées. Quant à la protection collective, elle vise la suppression des gîtes larvaires, c'est-à-dire suppression de toute eau stagnante au domicile et autour.Elle vise également à vider les vases, les soucoupes des pots de fleurs ou les remplir de sable humide, à supprimer ou vider régulièrement les petits récipients pouvant contenir de l'eau dans les jardins, à rendre les bidons de récupération d'eau de pluie inaccessibles aux moustiques (les couvrir d'une moustiquaire ou d'un tissu fin), à retourner les arrosoirs, à prévoir une pente suffisante pour que l'eau ne stagne pas dans les gouttières, à veiller à la bonne évacuation des eaux de pluie et à ranger à l'abri de la pluie tous les objets pouvant contenir de l'eau comme les pneus, les bâches plastiques et les jeux d'enfants.En conclusion et pour l'essentiel, il faudrait retenir que le lien entre la maladie et le virus n'est pas démontré de façon certaine, et pourrait être une coà'ncidence, avertissent certains scientifiques. La microcéphalie peut aussi être causée par des maladies génétiques, des infections et l'exposition à des substances toxiques pendant la grossesse.Il faudrait savoir que 90% des personnes infectées par le virus Zika sont immunisées et donc protégées.Il s'agit d'un virus anecdotique si ce n'est cette épidémie qui sévit au Brésil qui semble être liée à l'arrivée récente du moustique-tigre en Amérique latine. Les contrées africaines semblent avoir déjà eu un contact avec le moustique-tigre (donc avec le virus Zika) et montrent une immunisation stérilisante, donc une certaine protection.Actuellement, le problème se situe dans la célérité de trouver les outils de diagnostic sûr. Quant au vaccin, il sera mis au point lors de la prochaine épidémie au virus Zika en espérant que l'actuelle épidémie s'arrêtera le plus vite possible.K.'s.*Professeur des universités, directeur de recherches, service d'immunologie des transplantations CHU de Lyon, France


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