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Faroudja Moussaoui, ex-vice-présidente de l'organisation mondiale amazighe, à Liberté 'Il y a beaucoup de pressions sur les militants amazighs'



Faroudja Moussaoui, ex-vice-présidente de l'organisation mondiale amazighe, à Liberté                                    'Il y a beaucoup de pressions sur les militants amazighs'
Ayant contribué à la mise sur pied de la 6e Assemblée mondiale amazighe à Bruxelles les 10 et 11 décembre 2011, la représentante pour l'Algérie de l'organisation mondiale amazighe nous fait le point sur la situation des Amazighs, notamment en Afrique du Nord.
Liberté : Que pouvez-vous dire à propos de cette manifestation '
Faroudja Moussaoui : Le lieu est bien choisi car il est très bien situé, à proximité des institutions européennes et des organismes internationaux. La situation des Imazighen dans les pays de la Tamazgha nous interpelle et nous incite à l'internationaliser. Nous voulons rappeler au monde qu'il existe une Afrique du Nord amazighe et des pays arabes au Moyen-Orient.
Dans le contexte des Printemps arabes, est-ce que le fait amazigh a gagné en lisibilité '
l Il y a la question de la lisibilité sur un point. Avant la fin des événements qui ont eu lieu en Libye, on voyait partout le drapeau, et des gens de Misrata ou de Benghazi ne savaient pas qu'il y avait des Imazighen dans leur pays. Mais, quand ces personnes sont venues des montagnes et se sont mobilisées pour se débarrasser de la dictature, ces gens se sont renducompte de la situation.
En toute confiance, les Imazighen ont cru alors que leurs droits culturels allaient être reconnus, mais ils ont été exclus du CNT (Conseil national de transition) et ils ont été écartés de la gestion du pays. Ceci dit, ce ne sont pas les premiers. Pendant la lutte d'indépendance, les Imazighen d'Algérie se sont investis dans la lutte, les Marocains du Rif se sont aussi investis dans la lutte de libération et, en fin de compte, c'est la grande déception'
'un peu comme les femmes'
Notamment. Les femmes d'Algérie ont découvert, à leur insu, qu'on avait décidé, une fois la guerre finie, qu'elles devaient rentrer à la maison ! Malgré la généralisation de l'enseignement, l'obligation scolaire jusqu'à l'âge de seize ans, il fallait encore une autre lutte pour que les filles aient accès à l'école. Et encore' Jusqu'en 1975, c'est le code français. De 1975 à 1984 on nous pond un code de la famille accompagné de mesures inspirées soi-disant de la charia. Jusqu'à 2005 on a constaté certaines avancées mais, pour nous, militants des droits de l'homme, la seule avancée a été la désacralisation de ces textes suivie de l'internationalisation des problèmes qui ont suivi l'institutionnalisation de l'islam et la politique d'arabisation. C'est cette internationalisation qui nous a aidé à parler maintenant du respect des droits et, à cet égard, le slogan de cette sixième assise 'Pour la consolidation des droits des Amazighs' est révélateur. Si on parle des Touareg, c'est même le droit à la vie, en raison de la situation sécuritaire, en plus des problèmes nés de la pauvreté. Si on parle de la Libye, c'est la même chose en dépit de leur implication dans la lutte contre la dictature.
Nous venons de faire un état des lieux de la situation des Imazighen dans ces différents pays. Au Maroc, il y a eu récemment l'assassinat d'un jeune qui a fait partie du mouvement du 20 Février. Trois personnes du Congrès mondial amazigh ont été incarcérées et on a fait sortir d'anciens dossiers à leur encontre .En Algérie, l'un des membres du Congrès mondial amazigh a été confronté à un problème semblable puisqu'on a fait sortir d'anciens dossiers. Le 17 novembre, cette personne est passée en justice et a été condamnée à un an de prison ferme parce qu'elle avait invité des députés flamands qui ont obtenu un visa et se sont déplacés en Kabylie. Est-ce qu'on a des visas pour l'Algérie ou pour se rendre dans telle ou telle région ' Il y a beaucoup de pressions, de harcèlements sur les militants, même si les choses bougent ; mais difficilement. L'une de nos revendications est la généralisation de la langue amazighe, étendue au début à 11 wilayas et réduite maintenant seulement à six wilayas. Ce n'est pas parce qu'on est arabophone qu'on ne peut pas être formé à la langue amazighe. Les arabophones n'ont jamais dit qu'ils ne voulaient pas apprendre le tamazight. Nous sommes aussi une Organisation non gouvernementale qui défend les droits de l'homme, le droit à la vérité pour les familles de disparus, le droit pour les victimes du terrorisme, la non-impunité pour les victimes du Printemps noir. L'affaire Matoub n'est toujours pas élucidée.
Sans compter la question des acquis. Les prénoms amazighs ont été interdits dans un premier temps, puis ils ont été autorisés, et maintenant des mairies interdisent ces prénoms alors que l'Algérie a ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant. L'administration algérienne demande aux Touareg, s'ils veulent être inscrits en tant qu'Algériens, de prendre un prénom arabe : c'est une violation des droits de l'homme. En Libye, l'ancienne administration exigeait d'eux la même chose. Au Mali et au Niger, on assiste à la disparition physique de Touareg' Voici le type de questions traitées au cours de ces assises. Nous insistons aussi sur la libre circulation de ces personnes. Les frontières fermées entre le Maroc et l'Algérie, et le visa imposé aux Algériens par le CNT constituent des entraves à cette liberté de circulation.
De leur côté, les Européens, pour des raisons autres, ne prennent pas suffisamment en compte cette situation. Les Européens n'ont jamais soutenu les démocrates en raison des liens matériels qui les unissent à ces pays mais l'histoire leur a donné une leçon : aujourd'hui, on se retrouve avec des islamistes au gouvernement' Même chose en Tunisie'
Paradoxalement vous vous réunissez dans un centre culturel arabe'
Les Imazighen ne sont pas complexés et leur existence ne dépend pas de la non-existence des autres.
La plupart des responsables politiques annoncés à la séance inaugurale ont fait défaut sauf un député flamand'
Ce député a évoqué d'ailleurs les difficultés qu'il a rencontrées quant à sa venue ici en tant que représentant de la communauté flamande.
Des pressions sur sa personne ont été exercées. Nous avons enregistré sa déclaration et nous nous étonnons qu'à Bruxelles, capitale européenne, des personnalités politiques soient menacées parce qu'elles veulent être aux côtés des défenseurs des droits des Imazighen.
Vous avez connaissance d'autres pressions à l'occasion de cette assemblée '
Nous déplorons surtout la non-délivrance de visas par l'ambassade de Belgique pour des Algériens et des Marocains. Personnellement, j'avais déjà un visa mais malheureusement les accointances de l'Etat belge avec les pays d'Afrique du Nord ont empêché à dix-sept personnes venant d'Algérie d'obtenir un visa alors qu'au Maroc trente personnes n'ont pas eu leurs visas.
Or, l'Accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie prévoit, en son article 2, la consolidation de la société civile ; mais quand des membres de la société civile veulent se rendre en Belgique pour assister à une assemblée comme la nôtre, on les en empêche ! Nous sommes une organisation laïque pour la défense des droits contre toute forme de xénophobie et de discrimination et nous voilà pénalisés dans la mesure où des congressistes n'ont pas été autorisés à venir à Bruxelles. Ces questions vont être soulevées à l'avenir auprès de l'Union européenne.
Si on veut un regard sur la consolidation de la société civile, les Européens doivent favoriser la circulation sur le territoire de l'Union de militants pacifistes opposés à tout acte de violence.
A. M.
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