Algérie

Escale à Air Algérie à Londres




Escale à Air Algérie à Londres
Comment fonctionne une représentation d’Air Algérie à l’étranger ? Quelle est la marge de manœuvre de ses responsables et leurs contraintes ? Pourquoi nos ressortissants sont-ils rarement satisfaits du rôle de ces agences ? Quelles sont leurs propres démesures ? Halte à Portman Road. Un avertissement ferme trahit l’ambiance feutrée et placide de l’agence d’Air Algérie à Portman Road, à Londres. Son contenu est révélateur des relations souvent tendues entre les agents et les clients. Bien en vue sur les murs, l’avis menace de sanctions toute personne qui se rendrait coupable de dépassement verbal ou physique à l’égard des employés. “Pour nos ressortissants, nous ne sommes pas un service commercial mais le consulat”, assène M. Benabderahmane, chef d’escale. Selon lui, l’estampille tricolore de l’agence autorise les caprices les plus improbables. “Un client a exigé d’un agent qu’il lui parle dans une autre langue que l’anglais. Fait-il la même demande dans les magasins ?” s’interroge-t-il incrédule. Dépêché d’Alger en juillet dernier pour superviser les vols AH à l’aéroport de Heathrow, M. Benabderahmane n’est pas avare d’anecdotes sur la conduite importune d’usagers, prompts à accomplir tous les excès dès leur arrivée devant le guichet d’enregistrement. “Il n’est pas rare de voir quelqu’un vouloir enregistrer un bagage de 50 kg coûte que coûte, alors que le volume autorisé ne doit pas dépasser 32 kg”, décrit le chef d’escale.
Il relate aussi les déconvenues engendrées par des passagers qui se présentent aux agents de la police des frontières avec des documents de voyage falsifiés ou périmés (occasionnant une pénalité de 2 000 livres pour la compagnie) par d’autres naturalisés britanniques mais qui pensent pouvoir utiliser une vieille carte d’identité algérienne comme un visa, par des enfants sans accompagnateurs, des VIP impudents… Les exemples sont légion dans le constat fait par M. Benabderahmane qui renchérit sur le ton de la confidence : “Air Algérie a très mauvaise réputation ici.”
L’image de la représentation n’est pas ternie uniquement par le comportement fantaisiste de certains de ses clients mais par des pratiques de gestion très peu catholiques qui ont conduit au rappel du responsable de la représentation au printemps dernier et à son remplacement par un intérimaire. Les privilèges, les passe-droits et le népotisme, dit-on de bonne source, avaient converti l’escale en un club de copains.
Hors du cercle gravitent l’ensemble des usagers les plus corrects et les moins commodes qui doivent gratter le fond de leur porte-monnaie pour avoir le privilège de monter dans un avion AH. Le tarif excessivement cher des billets (il peut dépasser 400 livres, l’équivalent de 700 euros) figure en tête des récriminations des clients. Une offre de prix tout particulièrement a provoqué leur ire. Elle consiste dans le parcellement de la classe économique en sous-compartiments à des coûts différents. “Les concepteurs de cette formule ne connaissent pas la réalité”, commente M. Djalal. Nommé pour une période de six mois en qualité de représentant intérimaire d’Air Algérie à Londres, il a dû essuyer avec violence et fracas les reproches légitimes des usagers. “C’est la contrainte majeure à laquelle j’ai fait face”, révèle-t-il. L’exercice consistant à conduire des passagers de la classe économique à payer plus cher que d’autres leurs billets, suivant la logique du premier arrivé, premier (et le mieux) servi, était une gageure improbable. “Nous copions des systèmes de gestion de cabine de compagnies qui ont les moyens”, déplore M. Djalal. Après avoir échoué à faire entendre raison aux responsables de la direction commerciale à Alger, il saisit directement le nouveau patron d’Air Algérie, Abdelwahid Bouabdellah, se plaignant de l’aspect discriminatoire de la formule des sous- classes et de ses contrecoups relatifs à l’érosion des clients au profit de British Airways. Pour appuyer sa missive, il l’accompagne d’un e-mail récriminatoire provenant d’un ressortissant algérien résidant en Irlande. Celui-ci désapprouve la gestion d’une sous-classe en particulier, octroyée aux familles à des prix avantageux. La limitation du nombre de ses sièges à 40 et ses tarifs promotionnels trompeurs lui inspirent les critiques les plus sévères sur la logique commerciale de l’escale. Quelques jours après l’envoi de son fax, M. Djalal reçoit une réponse du P-DG agréant sa proposition de suspendre le morcellement de la classe économique durant la période de pointe.
Mais depuis début septembre, le système est remis en place avec comme conséquence prévisible une nouvelle désertion des clients. “Nos avions partent vides à cause de ce problème de sous-classes”, admet le représentant. Dans une énième tentative de séduction, une offre promotionnelle Ramadhan a été lancée. Or, le tarif proposé (environ 336 livres pour un séjour de 45 jours) demeure inabordable. “C’est trop cher !” observe Catherine, agent de vente. Quotidiennement, elle est apostrophée par des acheteurs dépités. Dans le fil de leurs objections, surgit souvent le commentaire suivant : “British Airways, c’est mieux !”  S’il ne confirme pas cette allégation, M. Djalal reconnaît que la compagnie britannique surclasse Air Algérie en matière de remplissage. Ses atouts, des stratégies commerciales et de marketing bien rôdées, qui prennent en compte la spécificité de l’escale. Le profil du passager algérien, ses besoins et ses aspirations sont au centre de cette politique. Certes, British Airways ne fait pas de grandes concessions sur les prix des billets. “Nos tarifs sont pratiquement similaires”, note le chef de la représentation AH. Tous les bagages sont  embarqués à moindre frais !
Cependant, la compagnie britannique emploie des artifices pour allécher la clientèle. Ses offres promotionnelles comportent souvent des prix des billets hors taxe. En outre, avec elle, les clients ont l’impression d’amortir le coût de leurs tickets en payant à moindres frais les excédents de bagages.
“Chez nous, chaque kilogramme de trop est cédé à 7 livres. British Airways, quant à elle, applique une autre arithmétique beaucoup moins onéreuse pour les usagers. À titre d’exemple, elle facture à 30 livres approximativement 40 kg de surplus. À Air Algérie, un excédent identique se chiffre À 280 livres”, explique M. Djalal. De son côté, M. Benabderahmane assure que la générosité de BA implique des sacrifices à d’autres niveaux, dont une coupe dans le budget Catering. “À bord, les passagers n’ont droit qu’à des sandwichs”, rapporte le chef d’escale. Mais peu importe les exigences de la panse s’ils arrivent à faire embarquer tous leurs bagages à moindre frais !
 La compagnie britannique a repris ses dessertes vers l’Algérie en 2004 après un embargo de presque une décennie, conséquence du détournement d’un avion d’Air France à l’aéroport d’Alger. Son retour avait sorti Air Algérie à Londres d’une hibernation confortable, entraînée par un monopole néfaste. “À Alger, les responsables se souciaient d’une seule chose, que les avions soient pleins alors que nous étions confrontés à des problèmes de places et de tarifs”, se souvient M. Djalal qui, à l’époque déjà, dirigeait l’escale. Pendant pratiquement toute la période où BA était absente, uniquement trois liaisons hebdomadaires étaient au programme des vols entre Alger et Londres. En 2002, l’annonce par Khalifa Airways, première compagnie aérienne privée algérienne, d’inaugurer sa propre escale dans la capitale britannique provoque un vent de panique à bord. Aussitôt, M. Djalal obtient l’accord de sa hiérarchie à Alger pour appliquer une politique de prix compétitive. Son projet visant l’implantation d’une escale à Manchester, dans le nord de l’Angleterre, est avalisé également. Une année plus tard, une quatrième ligne hebdomadaire à partir de l’aéroport de Heathrow est ouverte, alors qu’au même moment, Khalifa Airways effectue un crash imprévisible. L’escale de Manchester ferme aussi. Selon M. Djalal, le manque d’informations en direction des clients est à l’origine de cet échec.  “Un seul spot publicitaire a été diffusé par Canal Algérie”, regrette-t-il. La machine bureaucratique et l’absence d’autonomie constituent à ses yeux les freins qui font obstacle à la gestion optimale de la représentation. A contrario, dit-il, les Britanniques sont flexibles et réceptifs.
“Le lendemain du séisme de Boumerdès en 2003, je n’ai eu aucun mal à obtenir leur accord pour programmer un vol supplémentaire en faveur de dizaines de nos ressortissants sans nouvelles de leurs familles et impatients de les retrouver. Malheureusement, aucun avion n’a été envoyé d’Alger”, confie M. Djalal. Cet été encore, le recours au système D était inévitable pour permettre au plus grand nombre de retourner au pays. Cela allait de l’affrètement d’appareils Airbus à la place de Boeing au partage des sièges à bord.
Environ 7 728 passagers ont pris un vol parmi les 6 répartis à travers la semaine durant juillet et août. Néanmoins, l’affluence n’a pas connu un grand bond par rapport à l’année dernière. Pour ne pas épuiser toutes leurs économies, un certain nombre d’émigrés ont un ultime choix qui consiste à prendre des vols au rabais, avec une escale à Barcelone ou Milan. Les autres se massent au terminal 2 de l’aéroport de Heathrow, un ancien hangar en phase de destruction, que l’ensemble des compagnies devront quitter en 2009 pour l’aérogare 4. Dans cette nouvelle enceinte, Air Algérie aura à sa disposition un comptoir de vente de billets. Une première depuis 1976, l’année où le sigle AH est apparu dans le ciel du Royaume-Uni. Deux lettres en quête de noblesse…  S.L.-K.
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