Algérie - Revue de Presse

ENTV et espace télévisuel




Zappez ! la vie est ailleurs En regardant son poste de téléviseur, assuré que tout en lui fonctionne à merveille, le simple Algérien soupire d’aise. «Heureusement qu’il est là, on se sent protégé par son monde du nôtre», se dit-il. «Après tout, c’est une question de ressenti, la vie», peut-être eut-il aussi ce sentiment sans l’avoir cerné de connaissance. Le mois de Ramadhan étant proche, il aurait déjà ajusté ou réglé, s’il en était besoin, antenne et récepteur, s’assurant de pouvoir capter les chaînes qui lui serviraient de quoi adoucir ses angoisses, raviver quelques tisons de vie, bercer ses allusions ou phantasmes. C’est d’autant plus important pour lui que durant le Ramadhan, la frustration du jeûne, a, après l’iftar, des rémanences qu’il faut absorber par n’importe quels artifices (la réalité nocturne en étant dépourvue, chez nous) d’images qui plongeraient un tant soit peu son cœur dans du miel ou de prêches qui feraient vibrer en lui des touches insoupçonnées d’espoir. Ainsi, la magie, aux mille visages, de l’image, si opérante, si efficiente en terrain de frustration, trouve en l’Algérien, objet de privations sociales endémiques et d’autres sacrées, une âme offerte; et les chaînes de télé donc, un client assidu, voire zélé. Dans cette posture, il n’est que rarement le visiteur de sa chaîne, combien décatie en couleurs, ringarde en présentation, bidon en discours, l’ENTV. Et même si en des soirées de Ramadhan, il voudrait retrouver quelque atmosphère du terroir, il s’y attarderait, sur une Habbat El Fhama par exemple, le temps de rire d’une grotesque façon de vouloir nous faire rire, ou, d’indulgence pour un chatouillement de nostalgie, sur des variétés étriquées où l’on affichera une désinvolture douteuse qui n’est en vérité qu’un voilement d’un manque de savoir-faire ou une justification d’une paresse insultante. Mais Ramadhan ou non, nostalgie ou non, il a compris que sa chaîne (ou ses chaînes: la première se reflétant parfois, déformée, repétrie, en deux autres) résume tout le mépris qu’ont pour lui les décideurs de ce pays quand il s’agit de l’informer ou de faire appel à ses sens et à son intelligence par les moyens audio-visuels. Dans la plupart des cas, il a coupé «le câble» avec la chaîne nationale comme on couperait avec une époque révolue où elle semble, elle, irrémédiablement bloquée. Et ce n’est pas là une question de nombre de chaînes: le nombre ne servirait qu’à grossir l’image de l’échec si, en cliquant successivement sur plusieurs stations portant le sigle qui annonce l’Algérie, on retrouve des morceaux d’émissions de l’une dans les autres, défilant en même temps ou avec quelques décalages horaires. Les spectateurs accros ont constaté peut-être déjà que nos voisins Marocains annoncent une huitième chaîne. Ils peuvent le faire sans rougir car il faut reconnaître que celles déjà en service, à l’image de 2M, n’ont rien à envier à celles des pays en pointe en la matière. Dans leur majorité, les Algériens, savent où trouver, dans les 1500 chaînes environ (dont 250 arabes) auxquelles ils peuvent avoir accès, ce qu’ils veulent, ou retrouver ce à quoi ils ont commencé, ici ou là, à prendre goût. Pour les variétés, les chaînes libanaises ou égyptiennes ou francophones ; pour l’information, les chaînes comme El Djazeera, El Arabiya, I-Télé ou autre Euronews; à côté des chaînes générales telles Mbc, Dubaï Tv ou les chaînes françaises Tf1, La 2, La 3 etc., qui bénéficient de l’avantage de parution de programmes dans les pages de notre presse écrite. Mais ces derniers temps, le comportement dominant de l’audimat algérien est sans conteste l’engouement phénoménal, croissant, pour les chaînes aux programmes religieux. De vocation plus sérieuse pourtant, El Djazeera avec son contenu informationnel (où les drames du monde se sélectionnent pour esquisser chaque jour, en synthèse, une fresque d’apocalypse, ce qui, entre autre, induit chez les plus paumés la consolation d’être vivants), marque moins d’avancée qu’elles en matière d’audimat ces derniers temps, du fait de l’espoir -plus qu’une consolation- existentiel tous azimuts et inépuisable que ses chaînes offrent à leurs spectateurs. Si Eqraa, El Huda, Al Forat ont des programmes plus variés mais toujours à caractère religieux, les chaînes Enass et El Hakeka se sont distinguées par les fatwas et conseils religieux ou autres touchant à la vie sociale et psychique des individus par une manipulation des textes religieux. Une pratique qui, pour tout dire, participe du charlatanisme qui utilise la croyance et la crédulité des gens. En somme, l’Algérien est sollicité par un espace télévisuel de plus en plus vaste, où toutes les croyances, toutes les représentations de la vie, toutes les versions sur les événements du monde peuvent défiler devant ses yeux. Aucune protection d’un supposé travers ou perversion n’est désormais possible. On aurait cependant espéré de simples contre-discours, d’autres images télévisuelles où il se sentirait considéré, dans sa propre réalité et celle de son pays, à travers une présentation de qualité, une crédibilité et une diversité de discours. Autrement dit une télévision algérienne, multiple, obéissant aux règles démocratiques, riches et de bonne tenue. Mais il faut reconnaître hélas, qu’aucune volonté de changer l’état des choses à ce niveau ne se fait sentir. Alors, durant ce Ramadhan et bien longtemps après, l’Algérien peut aller rêver ailleurs!
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