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Entre légitimité et revendications tous azimuts


Entre légitimité et revendications tous azimuts
A partir de la capitale, et auparavant de Mila, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, a appelé cette semaine et à deux reprises les étudiants à la vigilance.Un appel qui résonne comme une réponse au large mouvement de contestation que connaissent bon nombre d'universités depuis la rentrée. En estimant que ce mouvement «n'était pas innocent» et que «la majorité des revendications, même si elles semblent parfois logiques, ne sont pas saines pour autant», le premier responsable du secteur a laissé supposer des velléités de manipulation : «L'Algérie traversait une situation sensible et était visée de toutes parts».Ce discours, dénué ou sans fondement, soulève quelques questionnements sur des mouvements de grève concomitants et simultanés, ce qui est très rare, voire inexistant dans les annales de la protesta universitaire.«Il est évident que l'université algérienne traverse une phase de mutation ou de turbulence, c'est selon. Cette année, la situation s'est davantage corsée. A Constantine, les trois universités sont traversées par un vent de contestation qui ne semble pas s'essouffler, comme l'ont parié les responsables. Une mobilisation que certains observateurs qualifient de disproportionnée au regard des revendications brandies. Revendications dont certaines sont déraisonnables, pour paraphraser le ministre de tutelle, à l'exemple de celles qui demandent ?'la fermeture des spécialités l'année prochaine pour favoriser l'emploi des diplômés? ou encore de se faire recruter avant même d'avoir terminé son cursus». Jeudi dernier, l'université Frères Mentouri a été paralysée par une protesta générale, menée conjointement par les principales formations estudiantines, à savoir Ugel, Unea et Lnea. Les revendications arborées par ces trois représentations ne sont pas toujours palpables. Elles sont noyées dans une diatribe à caractère pédagogique.Une manche a toutefois été remportée puisque ces organisations qui se disputent sans relâche le leadership sur les campus ont réussi à mettre de côté leurs divergences pour faire bloc commun contre l'administration. Une première qui interpelle d'autres questionnements. «Il est de notoriété publique que les organisations estudiantines sont affiliées à des chapelles partisanes. Chacune veut instaurer son hégémonie en saisissant toutes les opportunités qui se présentent pour y arriver», nous dira un doctorant en littérature française. Tahar Hadjar a explicitement indiqué ce genre d'opportunité, la consultation législative d'avril prochain en mettent en garde la communauté estudiantine contre la manipulation: «L'Algérie étant visée de toutes parts, notamment à l'approche des échéances électorales.» Et d'exprimer la disponibilité et la volonté de son département à trouver des solutions aux revendications «objectives», appelant, en revanche, à «s'opposer à toutes les revendications qui procèdent de la manipulation».Pas sûr que cet appel sera entendu, particulièrement par ceux dont la liste de doléances est pour le moins anachronique. Dans le désordre, la grève a touché les facultés de médecine, chirurgie dentaire, pharmacie, architecture, Ecole nationale supérieure (ENS), l'Ecole polytechnique et l'Ecole nationale supérieure de biotechnologie, entre autres. La légitimité de ces mouvements est remise en cause dans certains cas.«L'université est une arène où sont confrontées les idées et les idéologies. Face au retrait des responsables, les manifestations de tous acabits y trouveront leur terreau. Preuve s'il en est, les revendications fantaisistes de certains instituts et facultés», s'accordent à dire bon nombre d'enseignants.A l'Ecole nationale supérieure, la grève s'est installée dans la durée, à telle enseigne que la direction a décidé de comptabiliser les absences. Les étudiants, futurs fonctionnaires de l'Education nationale dont l'emploi est garanti, demandent à pouvoir s'inscrire pour le master et le doctorat ! Ceux de l'architecture, sur une simple rumeur concernant l'inscription sur le tableau professionnel, ont décidé de boycotter les amphis, pointant du doigt l'ordre national des architectes(CNOA).LE CAS DE L'ENSBLes étudiants de l'Ecole nationale supérieure de biotechnologie (ENSB) sont en arrêt de cours depuis le 2 janvier. Dans une lettre adressée au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ils s'inquiètent de «l'absence d'une assurance officielle, décision ministérielle ou décret stipulant l'obtention du diplôme d'ingénieur d'Etat en fin de formation à l'instar des autres écoles est plus que préoccupante dans la mesure où l'école comptabilise 4 années d'existence». Idem pour le diplôme du master : «Le diplôme de master qui devrait solder la fin de notre formation reste à nos jours une simple promesse, alors que nous avons entamé notre troisième année et comptabilisé un semestre», dixit le communiqué dont une copie nous été adressée.Dans la même lignée, les grévistes mettent une objection sur la qualité de la formation : «La présence de plateformes technologiques nécessaires à une formation de qualité est de moins en moins concrète vu les restrictions budgétaires sans cesse accusées par l'administration de notre établissement.»Pour le directeur de l'Ecole, Hacène Bousseboua, «cette grève relève de l'irrationnel, dans la mesure où les principales revendications des étudiants sont réellement prises en charge et bien prises en charge.» Et de tenter de rassurer les étudiants : «Le statut et la nature des diplômes délivrés par l'ENSB sont forcément de la même nature et du même niveau que ceux délivrés par toutes les Ecoles d'ingénieur du pays.»L'intégration du diplôme dans la nomenclature de la Fonction publique, un point qui suscite les craintes des grévistes quant à leur avenir professionnel, trouve explication auprès de la direction : «L'intégration de leurs diplômes dans la nomenclature nationale est en cours, au même titre que pour toutes les écoles d'ingénieurs qui sont dans le même cas, sachant que ce processus est long car il implique en particulier la Fonction publique et le ministère des Finances et que, surtout, les premiers diplômés sont prévus pour juin 2019. Aucune école n'est en grève pour cela».S'agissant de la plateforme technologique, «elle est en train d'être mise en place graduellement. D'ailleurs, à ce jour, les étudiants de l'ENSB sont certainement les plus privilégiés du pays, puisque l'école a pu leur faire tous les travaux pratiques de leur cursus et des TP de très bon niveau. Les seuls TP déprogrammés (protéomique) seront organisés sous la forme d'un atelier. Les étudiants ont déjà été informés de cette situation tout à fait banale dans une école ou une université», a conclu le Pr Bousseboua.



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