Algérie - 07- Occupation Française

Entre la Corse et l’Algérie : l’incroyable destin des Montera




Entre la Corse et l’Algérie : l’incroyable destin des Montera
Le passé n’est jamais mort, il n’est même jamais passé. » Cette phrase de l’écrivain William Faulkner, l’historien Didier Rey va la citer dans son ouvrage Jalons pour une histoire de la Corse, à paraître à la fin de l’année aux Éditions Alain Piazzola. Le chercheur de l’Université de Corse considère qu’elle épouse à merveille l’un des chapitres de son livre. Celui qu’il consacre à la famille Montera. Une histoire dans l’Histoire. Celle qu’il dévoile sans avoir cherché à l’explorer.

Tout commence dans le cadre de ses recherches sur le football en Oranie, à l’instant où il exhume un courrier adressé en 1926 par le préfet, à l’avocat maître Mahieddine Montera qui exerçait à Oran. « Il défendait les clubs de football algériens qui avaient des soucis avec l’administration coloniale. » Peu après, Didier Rey tombe sur un autre document, encore plus intéressant. « Une note des renseignements généraux d’Oran qui décrit ses obsèques, le 7 février 1945. Elle le présente comme un homme très apprécié, mais aussi et surtout comme un descendant de l’émir Abdelkarder, héros de l’indépendance algérienne. » Intéressé par ces éléments qui font le lien entre Corse et Algérie, l’historien décide d’approfondir. Le personnage Mahieddine Montera va lui ouvrir les portes d’une incroyable histoire. Celle de sa famille.


Un patronyme perdu à la 4e génération

Le livre d’or de l’Algérie française de 1937 en dit davantage sur le natif de Mascara. Il publia lui-même un livre, en 1931, dans lequel un passage situe le tournant d’une dynastie : « Mon grand-père, Abdallah Montera, a été enlevé à l’âge de 6 ans, près d’Ajaccio, par les pirates algérois. » L’enfant en question s’appelait alors Antoine. Remis aux bons soins du Dey, le souverain d’Alger le confia à une partie de sa famille installée à Mascara. Antoine se convertit à l’Islam et devient Abdallah. Début des années 30, il est placé sous la protection des parents de l’émir Abdelkader dans l’entourage duquel il va vivre pendant 10 ans. L’émir finit par le laisser partir au temps où la guerre contre la France bat son plein. Les origines corses, donc françaises d’Abdallah, ne plaisent pas à tout le monde. Certains en veulent à sa vie. En 1841, il rejoint les troupes françaises et va faire la guerre en Syrie. Il finit par revenir en Algérie où il possède des terres, s’y marie, il a un fils qu’il appelle Abdelkader, en hommage à celui qui fut son protecteur. Abdelkader Montera aura à son tour un fils… Mahieddine.

Pour faire son droit et devenir avocat, ce dernier doit demander la nationalité française. À cette époque, il est président des Amis de la Corse d’Oran. Le lien n’a jamais été totalement rompu. Mahieddine Montera aura six enfants… Six filles, d’où la perte du patronyme corse. Mais la mémoire demeure.

Didier Rey en a eu la preuve dans sa quête d’un descendant. « J’ai cherché sur tous les sites, et un jour, en tapant le nom au hasard sur le moteur de recherche, je suis tombé sur un site pied-noir où quelqu’un avait écrit : « Mahieddine Montera est mon grand-père. » Je venais de retrouver le fils de l’une de ses 6 filles (lire par ailleurs). »

Contacté par l’historien corse, ce descendant fera une autre révélation étonnante : il est le neveu de Boumedienne Abderrhamane… ancien entraîneur du Sporting peu avant l’accession du club au professionnalisme. « C’est ma recherche sur le football qui m’a conduit à cette histoire, et elle m’y a ramené », confie Didier Rey, persuadé qu’entre Corse et Algérie, d’autres destins se sont dessinés. « Fernand Braudel a évoqué la présence de 10 000 Corses à Alger au XVIe siècle. Des chrétiens enlevés qui se sont convertis à l’Islam pour reprendre leur liberté. C’est pour ça qu’on les a appelés « les renégats ». Certains sont devenus célèbres, comme Hassan Corso qui fut le patron d’Alger. D’autres familles ont sûrement elles aussi leurs descendants en Algérie ».
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