Algérie - Revue de Presse

Entre l'insécurité de l'emploi et les risques sur les rails


Salim arbore une méchante balafre au visage. «Je l'ai contractée à  la gare de Bab Ezzouar. Un groupe de jeunes qui semaient le trouble m'ont agressé alors que je tentais de les calmer. L'un d'eux m'a ouvert le visage avec un canif», raconte-t-il. Mais il ne s'en plaint pas outre mesure.  Car la vraie hantise de Salim, elle est ailleurs : «Tout ce que je demande, c'est d'être permanisé», clame-t-il. «J'ai sept ans d'ancienneté et je suis toujours contractuel. Certains de mes collègues ont 14 ans d'ancienneté et vivent dans une terrible précarité.» «Nous ne demandons rien de sorcier : nous voulons simplement àªtre permanisés. Nous avons des enfants, des familles à  nourrir, nous courons de grands risques dans notre profession et nous ne pouvons aspirer à  une vie décente tant que notre emploi n'est pas assuré», plaide notre agent de sécurité.
Pour se faire entendre, Salim et plusieurs dizaines de ses collègues, tous des APP comme lui, se sont donné rendez-vous hier matin pour un sit-in devant le siège social de la SNTF, à  Alger-Centre. Le sit-in a duré toute la matinée. La police est intervenue avec célérité pour exhorter les auteurs de ce débrayage à  prendre place à  l'intérieur de la direction générale. La précarité des agents de protection du patrimoine de la SNTF est telle que nombre d'entre eux se sont retrouvés sur la paille, vivotant avec de faibles indemnités. «Il y a 15 jours de cela, un agent, originaire de Chlef, a tenté de s'immoler devant la direction pour dénoncer cette situation», témoignent des grévistes.
«Un autre de nos collègues, qui était en poste à  Thénia, et dont le père est pourtant cheminot, s'est carrément suicidé trois mois après la fin de son contrat. Un autre a eu le bras et la jambe mutilés après avoir été jeté du train par des agresseurs du côté de Oued Smar. Il touchait une indemnité de misère et, pour survivre, il s'est mis à  vendre de la drogue et il a fini par àªtre épinglé. Il purge maintenant une peine de 10 ans de prison.» Selon des statistiques de la SNTF, rien qu'en novembre 2010, il a été dénombré 9 déraillements en pleine voie, 17 cas de jets de pierre et 16 «actes de malveillance». En outre, il faut savoir que la SNTF emploie quelque 872 agents de protection du patrimoine sur un total de 9942 employés. La majorité des APP seraient des contractuels. «Ce qui est inacceptable, c'est de voir des gens recrutés bien après nous, et à  peine sont-ils recrutés qu'ils sont permanisés et promus aide-conducteurs», dénoncent encore les travailleurs.
Et de faire remarquer : «Pourtant, la SNTF a acquis plusieurs trains flambant neufs qui ont besoin d'être durablement sécurisés.» Nos interlocuteurs croient savoir qu'«un plan est en train d'être concocté, sur instruction d'Ouyahia, pour attribuer un quota aux gardes communaux pour les missions de sécurité». Les fins de contrat sont vécues avec une angoisse accrue par chacun de ces agents : «Mon contrat expire le 28 février et je stresse à  l'idée de ne pas àªtre reconduit», confie l'un d'eux. Nous avons sollicité la direction de la SNTF à  propos de ce débrayage, mais aucun des porte-parole de l'entreprise n'était en mesure de répondre à  notre requête. «Nous avons été reçus par le directeur des ressources humaines qui a promis d'étudier nos revendications», indiquent les agents grévistes, avant de lancer d'un ton comminatoire : «Aujourd'hui, nous avons protesté dans le calme. La prochaine fois, si rien n'est réglé, n'khaltouha.»Â 


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