Algérie - Enseignement Primaire

Enseignement primaire, silence on tue l’école !



Enseignement primaire, silence on tue l’école !
Nous avons pris l’initiative d’écrire cet article, en tant que spécialistes en didactique et en linguistique, en tant qu’enseignants et surtout en tant que parents d’élèves, avec la conviction et l’espoir d’avoir un écho à nos préoccupations d’autant plus que le Système Educatif Algérien a depuis le début fait l’objet des projets de réforme et était toujours présent dans les programmes des élus.
Nous essayons à travers cet écrit de faire entendre la détresse des millions de voix qui ne cessent de dénoncer les anomalies du système non réfléchi qui a été mis en place pour la gestion du secteur de l’Enseignement et de l’Education Nationale. Des voix d’enseignants, de parents et d’apprenants qui peinent à enseigner, expliquer, soutenir, apprendre et acquérir des connaissances nullement adaptées au profil et aux compétences de nos enfants considérés comme acteurs sociaux et futurs citoyens de notre cher pays et qui devraient s’adapter à l’ère de la vitesse, de la mondialisation et de la technologie.
Nous avons pris le temps de consulter et d’analyser les différents programmes du cycle primaire, afin de recenser l’intégralité des séquences d’apprentissage et le résultat était désolant.
N’est ce pas une absurdité qu’en première année scolaire, considérée comme une phase de découverte de l’école pour la majorité des enfants. Ces derniers qui devraient normalement se consacrer aux unités fondamentales du calcul et des mathématiques comme l’apprentissage des chiffres, se retrouvent noyés dans un océan de difficultés liées aux additions, soustractions et décomposition de grands chiffres, la maîtrise des suites, du double, de la moitié ainsi que la lecture de l’heure.
N’est-ce pas une aberration que l’apprentissage ne soit pas consacrée principalement aux unités fondamentales de la langue arabe comme les lettres de l’alphabet, la construction et la compréhension d’un mot puis une phrase, permettant ainsi l’apprentissage de la lecture et l’écriture ; chose nécessaire pour accéder à la compréhension des autres matières comme l’éducation civique, l’éducation scientifique… qui d’ailleurs ne font que saturer l’apprenant.
En deuxième année, les choses se compliquent encore plus pour ces enfants encore trop jeunes pour résoudre des problèmes compliqués en mathématiques comme la soustraction avec retenue, la conversion du jour en heures et en minutes, les multiplications et d’autres activités dépassant les capacités cognitives de ces jeunes apprenants. Le même problème se pose pour les autres disciplines comme la grammaire arabe où ils doivent maîtriser les pronoms personnels et les démonstratifs avec la différence entre le masculin, le féminin ; le singulier et le pluriel. A cela s’ajoute les premiers cours de conjugaison où ils doivent différencier en très peu de temps le passé et le présent. Le mal est encore plus profond puisque le programme va rajouter son grain de sel avec des notions telles que les propriété privés et publiques, les lieux publics, la nature et l’environnement et surtout, la différence entre les droits et les devoirs tel que le droit au repos qui restera malheureusement une notion abstraite à ces jeunes apprenants tant que ce programme sera en place.
Le contenu de la troisième année va dans la même lancée, apporter son lot de mauvaises surprises. Dans le programme d’arabe par exemple, les élèves devront déjà assimiler la notion du nom et du verbe, la phrase nominale et la phrase verbale, les adjectifs, le pluriel des noms masculins et féminins etc.
Ajoutons à cela l’apparition de quatre nouvelles matières dans le programme ; en l’occurrence l’histoire avec son évolution chronologique (les dates et les caractéristiques de chaque période), la géographie, le français comme première langue étrangère avec ses différentes formes d’écriture (scripte et cursive), les majuscule et les minuscules, les lettres muettes … ainsi que l’anglais introduit récemment sans aucune étude pilote, primordiale pour le lancement de n’importe quel nouveau projet.
La quatrième année a vu surgir des cours d’un niveau digne d’un cursus universitaire. Il s’agira entre autres d’anatomie en éducation scientifique (le système respiratoire, le système digestif, la circulation sanguine et les premiers secours) avec d’autres leçons aussi compliquées qui portent sur la germination et le circuit de l’eau dans la nature. A son tour, le programme de la langue arabe n’a pu échapper aux complications et contradictions didactiques et pédagogiques. En effet, les activités grammaticales imposées poussent les enseignants ainsi que les parents à chercher la démarche pédagogique à adopter afin de permettre à ces apprenants d’accéder à un savoir qui demeure inaccessible en dépit de tous les efforts fournis (الفعل الازم و المتعدي، المضاف إليه و حروف الجر، المضارع المنصوب و المجزوم والفعل المبني للمجهول، المفعول. المطلق، الحال...). Quant aux mathématiques, dont le programme a été conçu, à notre sens, pour des apprenants surdoués deviennent très complexes avec des chiffres astronomiques à utiliser dans de multiples opérations de division, fraction et multiplication afin de résoudre des problèmes qui portent sur les périmètres et les surfaces des différentes formes géométriques. Et pour finir avec les matières de 4ème année, qui nous semble la plus désastreuse de tout le palier, on va parler du programme du français qui ne sort pas du lot des confusions avec des phrases affirmatives, interrogatives et impératives, les exigences des règles grammaticales de cette langue qui s’avère compliquée même pour les natifs et la confusion des tâches finales à réaliser dans les fameux projets par des apprenants dont les compétences langagières ne sont pas suffisamment développées pour ce genre d’exercices.
La cinquième année, classe d’examen et de passage au palier du secondaire, va quant à elle venir appuyer ce qui a été fait en 4e année et c’est pour cette raison que nous avons jugé inutile de trop nous étaler dessus.
Plus de six longues années se sont écoulées depuis la réforme du Système Educatif Algérien de 2016. Une réforme qui à l’époque de l’ancien régime avait tout l’air d’avoir pour objectif de détruire les capacités intellectuelles chez les apprenants depuis leur très jeune âge en prenant pour otage l’école.
On nous a promis de revoir tous les secteurs en faisant de l’enseignement et de l’éducation une priorité. Malheureusement, nous constatons amèrement que les principes de base de l’ancienne réforme sont toujours bel et bien présents. De plus M. Belabed promet selon ses propos « d'investir dans le savoir, à travers une Ecole de qualité qui nécessite des professeurs compétents répondant aux normes scientifiques internationales » or que la formation des enseignants est malheureusement inexistante.
De plus, il avait promis de numériser les manuels scolaires, afin d’alléger le cartable et de favoriser l’adaptation numérique. Une décision concrétisée sur le terrain par une opération de distribution d’une deuxième copie des livres scolaires dans les écoles primaires ! Une résolution contradictoire tant sur le plan économique, social et écologique. En outre, M. le Ministre aborde une nouvelle forme d’évaluation qui « permettrait de mesurer le niveau d'apprentissage et de cerner les lacunes de chaque élève pour y remédier ». Sachez Monsieur le Ministre que l’évaluation n’est pas la cause des lacunes de nos enfants mais c’est toute la politique éducative que vous adoptez qu’il faudrait revoir.
En dernier lieu, et pour aborder le sujet de l’introduction de l’anglais comme langue étrangère en 3ème année primaire, première expérience du Système Educatif Algérien quant à l’application d’une troisième langue au premier palier. Nous ne nions pas l’avantage du plurilinguisme précoce vis-à-vis du développement des capacités cognitives, de la créativité et de la flexibilité mentale ; cependant, l’introduire de manière brutale, improvisée et irréfléchie ne peut conduire que vers l’échec avec des conséquences irréversibles sur l’enseignement et l’apprentissage.
Nous constatons, malheureusement, une recrudescence alarmante d’enfants qui souffrent de troubles psychologiques tels que le stress et l’anxiété et qui engendrent parfois des pathologies physiques encore plus graves. N’est-il pas temps de tirer la sonnette d’alarme et de sauver ces victimes silencieuses ?
Nous pensons qu’il est plus qu’urgent de faire appel à des personnes qualifiées pour revoir le contenu des programmes et en proposer d’autres, plus adaptés aux besoins des apprenants algériens et leur permettant de s’ouvrir sur le monde car comme le disait Nelson Mandela : «l ’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde »

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